Argentine: Milei an I, entre stabilisation macro-économique et coût social
Le président ultralibéral argentin Javier Milei boucle mardi une année de présidence, revendiquant des succès incontestables contre l'inflation et l'endettement public, mais au prix d'une récession et d'un bond de la pauvreté jetant...
Le président ultralibéral argentin Javier Milei boucle mardi une année de présidence, revendiquant des succès incontestables contre l'inflation et l'endettement public, mais au prix d'une récession et d'un bond de la pauvreté jetant une ombre sur la pérennité du "miracle".
"Ils disaient que cela ne pouvait pas se faire, et nous l'avons fait !" A chaque sortie, Javier Milei ne manque pas de claironner que son gouvernement réalise "le plus grand ajustement budgétaire de l'histoire de l'humanité". Et que les Argentins continuent pourtant d'adhèrer à sa stabilisation d'une économie malade de longue durée.
L'inflation, à 193% en interannuel, reste une des plus élevées au monde. Mais à coups de "tronçonneuse" dans les comptes publics, d'émission monétaire asséchée, de subventions taries, elle a été contenue à 3-4% mensuels (2,7% en octobre) contre 17% en moyenne l'an dernier.
"No hay plata !" (Il n'y a pas d'argent) répétait à l'envi l'économiste-candidat "anarcho-capitaliste" Milei, annonçant qu'il n'y a "pas d'alternative à un choc" budgétaire pour un Etat pathologiquement endetté, spolié selon lui par une "caste" politique honnie et la "gauche appauvrissante".
Le choc a été terrible, avec une dévaluation de 52% du peso dès les premiers jours, couplée a une inflation chronique encore pesante. Entre les postes supprimés (dans le public), et ceux perdus dans le privé par la chute d'activité, la saignée est estimée à 260.000 emplois perdus, selon les registres du Travail.
La pauvreté a bondi au premier semestre à 52,9%, chiffre que l'executif conteste, le considérant daté et déjà amélioré. Reste qu'elle n'avait jamais atteint 50% depuis une vingtaine d'années, quand l'Argentine se remettait à peine de sa "Grande crise" traumatique - et émaillée de violences - de 2001.
Coûts temporaires, ou bien ?
Malgré deux grèves générales tôt dans son mandat (une plus suivie que l'autre) et quelques manifestations tendues -notamment pour la défense de l'université publique- Milei se targue d'un soutien stable, qui confond ses critiques: autour de 45% d'image positive, voire près de 50% selon certains sondages récents.
Pourtant, une année de "communication Milei" a distillé dans la politique argentine une atmosphère viciée qui inquiète: journalistes montrés du doigt, adversaires politiques insultés, "brigade digitale" au service de la présidence amplifiant les saillies du chef de l'Etat. Le tout au nom de la "communication directe".
Selon un sondage d'octobre, pour 65,7% des Argentins, la violence politique, la "haine et l'intolérance" ont augmenté depuis un an.
Qu'attendre de Milei an II ? Dans une allocution prévue mardi, pour marquer un an de pouvoir, le président devrait réitérer qu'il "continuera +à fond+ avec la tronçonneuse" en 2025, comme il l'a promis il y a quelques jours. Habité par le désir de "rendre à l'Argentine sa grandeur", référence au tournant du XIXe-XXe siècle où le pays était terre d'immigration massive. Un "âge d'or" controversé, et profondement inégalitaire, déjà.
Après une année 2024 qui devrait s'achever sur une récession a -3,5%, Milei prédit au pays -et avec lui les organismes comme FMI ou Banque mondiale- une forte reprise en 2025, à 5%.
Les pans de la société argentine en souffrance -les retraités, le secteur informel, le secteur public, santé, culture, l'éducation- pourront-ils tenir jusque là ?
"Dans la théorie économique qui sous-tend ce gouvernement, les coûts (sociaux) sont des coûts temporaires nécessaires, qui seront compensés par la croissance revenue, une fois l'ajustement réalisé. Or ce n'est pas ce que démontre l'histoire argentine", observe Gabriel Vommaro, politologue à l'Université San Martin.
A l'extérieur, un Milei climatosceptique, convaincu de sa mission au sein d'une "internationale de droite" en "bataille culturelle" pour "les valeurs de l'Occident" et contre le "wokisme", devrait sans doute, galvanisé par la réélection de son allié Donald Trump, poursuivre son exercice favori de cours magistraux d'économie, ou imprécations contre le "péril du socialisme" déjà déclinés en 2024, de Davos à la tribune de l'ONU.
Ne se considère-t-il pas, comme il l'affirmait en septembre, "l'un des deux hommes politiques les plus importants de la planète", avec Trump ?
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