Aquarelle.com, les parfums enivrants d'une aventure familiale
En 1997, elle fut le premier fleuriste en Europe à se lancer dans la vente en ligne de fleurs. Installée dans le petit village de Brasseuse, proche de Senlis, depuis 2000, cette entreprise a été créée par deux frères, Henri et François de Maublanc. Depuis, la passion et les valeurs de cette entreprise familiale n'ont cessé de faire grandir celle qui est aujourd’hui l'un des leaders du marché français. Rencontre avec Clarisse Jouenne, la fille d'un des co-fondateurs, devenue directrice générale il y a quatre ans, et Mehdi Adem, directeur de l'usine, présent depuis les débuts de l'aventure.

La Gazette de Picardie : Être une entreprise familiale, c'est une force ?
Clarisse Jouenne : L'entreprise rassemble une histoire humaine incroyable. La plupart des collaborateurs sont ici depuis le début, depuis 30 ans, et nous avons des couples qui se sont formés et leurs enfants travaillent même avec nous. Donc c'est une entreprise familiale par la façon dont elle a été conçue et par les gens qui y travaillent, qui fondent totalement l'entreprise.
Mehdi Adem : C'est la valeur ajoutée et la volonté d'Aquarelle, qui fabrique des bouquets en France et qui embauche aussi des collaborateurs dans un bassin d'emplois local. Le modèle de cette entreprise familiale est de défendre le tissu économique local et de se battre pour ramener du travail en France. C'est le made in France façon Aquarelle.
Comment Aquarelle est passé d'un magasin de fleurs à un site de vente en ligne ?
Clarisse Jouenne : En 1987, Aquarelle était un réseau d'une vingtaine de boutiques de fleurs à Paris lancé par François de Maublanc, qui s'est associé avec son frère dix ans plus tard pour lancer un commerce de fleurs sur Internet. C'est une association de savoir-faire puisque Henri de Maublanc avait débuté sa carrière dans les minitels et avait une très bonne maîtrise de tous ces sujets informatiques. Ils ont associé leurs forces pour construire Aquarelle et en faire finalement l'entreprise numéro un de vente de fleurs en ligne car nous étions les premiers et qu'il y avait ce savoir-faire très particulier. Henri de Maublanc, qui était le président de l'Association française du e-commerce, a aussi beaucoup travaillé pour sécuriser les transactions sur internet et pour mettre en places des garanties pour les consommateurs durant l'acte d'achat en ligne.
Pourquoi avoir chaviré en ligne ?
Clarisse Jouenne : Parce qu'il est facile de passer chez le fleuriste pour offrir des fleurs à des gens qui sont autour de soi mais nous n'habitons pas toujours près des gens qu'on aime. Le site de vente en ligne permet de pallier à cela.
Mehdi Adem : En 1997, le chargement d'un site était très compliqué, les photos ne devaient pas être trop lourdes donc le crédo de François et Henri de Maublanc a été tout de suite d'avoir le bouquet conforme. Par contre, nous n'avons pas enlevé de trafic aux fleuristes car vous n'achetez pas une botte de tulipes sur internet par exemple. Ils ont transféré le concept Aquarelle en boutique sur internet, à savoir des bouquets de collection ou encore des bouquets de pivoines, une fleur emblématique. Et déjà en boutique des clients nous demandaient d'envoyer des fleurs partout en France parce qu'ils aimaient nos bouquets. Et puis, François et Henri de Maublanc ont décidé de lancer les bouquets conformes dès le début, c'est-à-dire d'envoyer la photo du bouquet que le client va recevoir, avec les moyens de l'époque ! Nous étions déjà dans la transmission florale et c'est comme cela que l'aventure du site e-commerce a progressé et s'est construite.
Le e-commerce a-t-il transformé votre offre ?
Clarisse Jouenne : Cela a permis d'être plus conforme. En faisant partir nos fleurs de Brasseuse, nous assurons que c'est bien le bouquet choisi qui va être reçu... et la conformité, c'est ce qui fait la différence d'Aquarelle avec les autres. Nous travaillons aussi avec des réseaux de fleuristes comme 123 Fleurs, pour les couronnes de deuil par exemple, et nous sommes aussi très vigilants sur cette conformité.
Mehdi Adem : Notre volonté est de suivre une nomenclature stricte qui respecte une liste de produits qui correspondent à la volonté du client et à un prix. Et nous envoyons des photos aux clients, et cette démarche, personne ne le fait. Car le crédo d'Aquarelle est que si on fait une promesse, il faut la respecter.
Pourquoi s'être installé à Brasseuse ?
Mehdi Adem : C'était une vision à long terme avec pour objectif d'atteindre un million de bouquets envoyés. Cela ne pouvait pas se faire en boutique alors il fallait envisager une structure différente. François et Henri de Maublanc ont acheté une ancienne manufacture, ont réalisé des travaux et nous avons commencé à cinq salariés. Nous avons ensuite embauché 25 personnes et nous les avons formées à la réalisation de bouquets. Les volumes étaient tellement importants qu'Aquarelle a fait bousculer les systèmes de livraison de Chronopost qui ne livrait pas chez les particuliers à l'époque. Aujourd'hui, nous sommes à 12 millions de bouquets expédiés en 30 ans et cela grâce à une vision de deux passionnés de fleurs.
Depuis cette installation, y-a-t-il eu des virages pris ?
Clarisse Jouenne : Je dirais que nous sommes plutôt dans la continuité de cette vision qui était déjà très avant-gardiste. Nous avons continué de développer l'entreprise en gardant ces valeurs fortes que sont l'authenticité, le travail en équipe, la valeur travail, le respect de nos collaborateurs.
La RSE est une valeur forte ?
Clarisse Jouenne : Oui, nous avons depuis toujours développé l'entreprise avec une forte emprise RSE. Nous avons installé récemment, sur une partie de la toiture, 960 m² de panneaux solaires et nous couvrons 60% de nos besoins, et nous allons arriver cette année à 1 500 m², ce qui nous permettra de couvrir plus de 100% de nos besoins. Ainsi, nous allons pouvoir redistribuer de l'électricité dans le village. Le raccordement des eaux vient d'être réalisé et nous avons un puits qui nous permet de récupérer de l'eau. Nous travaillons avec nos fournisseurs pour avoir les fleurs les plus fraîches.
Nous travaillons aussi avec un fournisseur en chocolat à Strasbourg, pour notre gamme de bouquets en chocolat, et nous avons retravaillé le packaging qui est désormais en carton recyclable. Les pots fraîcheurs sont en plastique recyclable, fabriqués en France, et nous cherchons à atteindre le zéro plastique. La RSE est un fil rouge depuis le début, c'est aussi cela la continuité de cette vision. Cela permet de continuer notre activité tout en étant responsable dans nos décisions.
Mehdi Adem : Dès 2000, nous avons été dans cette démarche, avec, au début, ce qui était les prémisses des TMS. Nous avons adapté les postes et travaillé sur l'ergonomie, par exemple en installant des lignes de conditionnement. Cette année, nous en avons installé de nouvelles, plus courtes de 15 cm. L'ADN d'Aquarelle c'est toujours de faire mieux.
Vos fleurs suivent cette éthique ?
Mehdi Adem : Le Label Fleurs de France a été créé en 2015 mais Aquarelle était déjà dans cette démarche. Aujourd'hui, 30% de nos fleurs sont françaises et nous travaillons en direct avec des producteurs qui partagent nos valeurs. Il faut savoir que la production française ne permet pas de répondre à la totalité de la demande en France et aujourd'hui, il n'y a pas assez de terres pour faire de l'horticulture. Le reste de nos fleurs provient des Pays-Bas, de producteurs responsables. Cependant, de nombreuses fleurs viennent de France mais suivent un circuit qui fait qu'à l'arrivée elles ne sont plus estampillées françaises.
Clarisse Jouenne : Nous connaissons l'origine très précise de chacune des fleurs que l'on met dans un bouquet. Pour les roses, si nous devions les produire en France, le bilan carbone serait catastrophique car il faudrait les produire sous serre. Donc, nous avons mis en place des partenariats en Afrique, en Éthiopie, avec des fermes avec lesquelles nous travaillons depuis des années et dans lesquelles nous investissons. Et pour chaque achat de roses, nous reversons de l'argent pour que les enfants des personnes qui travaillent dans ces fermes puissent être scolarisés. Là aussi, les productions sont éthiques. Finalement, dans toutes ces démarches, nous voulons maintenir une vraie relation humaine, et depuis toujours, et de façon sincère : ce n'est pas quelque chose qui est décrété mais quelque chose qui est vécu. Nous essayons aussi de ne pas avoir un catalogue trop large de fleurs pour ne pas les jeter. Aujourd'hui, nous proposons 60 références de bouquets et 80 variétés de fleurs.
La personnalisation fait partie du succès ?
Clarisse Jouenne : Nous avons toujours été dans une sorte de personnalisation car depuis longtemps le client a la possibilité d'envoyer une photo avec nos bouquets de fleurs. Nous sommes tous convaincus que nous avons envie d'offrir des choses personnalisées parce que nous avons envie de prouver l'attention que nous portons à quelqu'un. Nous avons tout de même passé une nouvelle étape en lançant la semi-personnalisation, il y a un an, pour les fêtes, avec la possibilité pour le client de choisir des plantes et des bougies porteuses de messages.
Pour Aquarelle, que représentent les fleurs ?
Clarisse Jouenne : Avec les fleurs, nous véhiculons le partage des émotions de nos clients. Pour nous, la mission d'Aquarelle est de permettre à quelqu'un de partager un sentiment avec quelqu'un d'autre ou avec plusieurs personnes. Les fleurs ont le pouvoir de transmettre énormément de choses. C'est un geste qui reste, notamment avec la personnalisation. Nous avons aussi une gamme de fleurs séchées avec la marque Rosa Cadaquès, avec laquelle nous proposons aussi une gamme "mariage" de bouquets, de bracelets ou de boutonnières. Nous sommes un vecteur d'émotions, c'est notre raison d'être. Pour les années à venir, nous allons trouver les nouvelles innovations qui vont nous permettre d'offrir toujours plus d'émotions à nos clients.
Bonus
Un lieu favori : Au quotidien, je vous dirais notre manufacture de Brasseuse, l'énergie qui se dégage de nos équipes, le cœur qu'elles mettent dans chacune de leurs missions et leur sourire font de cet endroit un des endroits où je préfère me rendre pour travailler, même si je n'y suis pas assez souvent à mon goût. Si je pense à un endroit pour m'échapper du quotidien, alors ce sera ma Bretagne, ses fleurs sauvages et ses embruns.
Un conseil à de jeunes dirigeants : Écoutez vos clients, prenez le temps de vous pencher sur leurs sources de satisfaction pour les renforcer et sur leurs sources d'insatisfaction pour les traiter. Le diable se cache dans les détails, allez au bout des choses, ne restez pas à la surface.
Une personnalité qui vous inspire : Mon père et mon oncle, pour leurs parcours bien sûr, mais aussi et surtout pour leurs valeurs et leur complémentarité.
Des tableaux transformés en bouquets
Depuis quelques années, Aquarelle s'est associée avec l'École du Louvre. Ensemble, ils proposent une collection artistique à partir des savoir-faire de l'artisan fleuriste et de l'artiste. Le concept repose sur la traduction à la fois des formes, des couleurs et du style de l’œuvre d’art (peinture, astrologie, affiches art-déco, lithographies, illustrations).
En chiffres
- 80 salariés
- 12 millions de bouquets expédiés en 30 ans
- 35 millions d'euros de chiffre d'affaires