Après les tempêtes, l'entente de raison entre Meloni et Macron

Après des débuts tempétueux entre Giorgia Meloni et Emmanuel Macron, les relations franco-italiennes semblent engagées sur la voie du réchauffement, à la faveur de ce même...

Le président français Emmanuel Macron et la Première ministre italienne Giorgia Meloni avant une réunion au Palazzo Chigi à Rome, le 26 septembre 2023. © Filippo MONTEFORTE
Le président français Emmanuel Macron et la Première ministre italienne Giorgia Meloni avant une réunion au Palazzo Chigi à Rome, le 26 septembre 2023. © Filippo MONTEFORTE

Après des débuts tempétueux entre Giorgia Meloni et Emmanuel Macron, les relations franco-italiennes semblent engagées sur la voie du réchauffement, à la faveur de ce même dossier migratoire qui les avait écornées.

"Une entente de raison", résume pour l'AFP l'historien Marc Lazar. "Ils ont des divergences politiques fondamentales mais pour le moment, les deux gouvernements essayent de montrer qu'ils agissent main dans la main" face à leurs défis communs, un an, bientôt, après l'entrée en fonction de Giorgia Meloni.

Elles n'avaient pourtant pas commencé sous les meilleurs auspices, les relations entre la présidente du conseil italien, à la tête d'une coalition ultraconservatrice, et le président français, qui se revendique d'un progressisme franchement pro-européen.

Dès la victoire de Mme Meloni aux législatives de septembre 2022, l'axe Rome-Paris qui s'était resserré sous Mario Draghi s'était à nouveau distendu.

La Première ministre française Elisabeth Borne avait mis l'Italie en demeure de "respecter" les droits humains et le droit à l'avortement en Italie. Une gifle pour la nouvelle majorité.

En novembre, conformément aux promesses de Mme Meloni de "bloquer" les débarquements de migrants, l'Italie déclenchait une crise diplomatique en refusant d'accueillir le navire humanitaire Ocean Viking et les 230 personnes à son bord. 

La France l'avait laissé accoster en dénonçant le comportement "inacceptable" de Rome.

Au printemps suivant, le ministre français de l'Intérieur Gérald Darmanin rallumait la mèche en jugeant Giorgia Meloni "incapable de régler les problèmes migratoires sur lesquels elle a été élue".

En Italie, les réactions politiques ont été violentes. Mais rapidement les deux dirigeants décidaient de se parler, multipliant les appels et les entrevues bilatérales, comme au G7 en mai au Japon.

Et c'est le brûlant dossier migratoire qui, paradoxalement, est venu jouer les juges de paix ces dernières semaines: mi-septembre, 8.500 migrants débarquent en trois jours sur l'île de Lampedusa. 

Confetti italien situé à moins de 150 km du littoral tunisien, il représente l'une des premières escales pour les migrants qui franchissent la Méditerranée en espérant gagner l'Europe.

Giorgia Meloni fait venir sur l'île Ursula von der Leyen qui annonce un plan d'aide d'urgence. A Paris, le ton se fait plus conciliant: Mme Meloni qui appelle l'Union européenne au secours, c'est une aubaine.

"On ne peut pas laisser les Italiens seuls", plaide Emmanuel Macron.

Même changement de pied chez les Italiens.

En déplacement lundi soir à Paris, le chef de la diplomatie italienne Antonio Tajani adresse un satisfecit à la "solidarité" française.

Selon certains analystes, Bruxelles et Paris souhaitent utiliser leur aide à l'Italie comme un levier pour que Mme Meloni presse ses alliés souverainistes, la Hongrie et la Pologne, d'accélérer la réforme du Pacte asile et immigration.

L'Allemagne, nouvel ennemi?

Les critiques italiennes se portent maintenant sur l'Allemagne, accusée d'avoir temporairement cessé d'accepter des migrants vivant en Italie, après que Rome elle-même a suspendu les règles européennes régissant la répartition des migrants. Rome reproche également à Berlin de financer des ONG aidant les migrants dans son pays.

Pour le quotidien de centre-gauche La Repubblica, Mme Meloni, en défiant l'Allemagne, cherche à se "construire un ennemi" pour mieux vendre sa volonté de rapprochement avec Bruxelles et Paris.

Le dégel franco-italien doit beaucoup au calendrier: Meloni et Macron veulent faire la preuve de leur capacité à trouver des solutions à l'approche des élections européennes de 2024.

Bien qu'adversaires au Parlement de Strasbourg, ils entendent se poser en gouvernants pragmatiques, au-dessus de la mêlée, face à leurs trublions respectifs, ancrés à l'extrême droite, Matteo Salvini et Marine Le Pen, tenants d'une ligne dure, nationale et nationaliste pour juguler l'immigration.

La Ligue anti-migrants de M. Salvini est membre de la coalition gouvernementale de Mme Meloni et lui-même en est un des deux vice-Premiers ministres avec Antonio Tajani.

Mais la Ligue siège avec le Rassemblement national à Strasbourg dans le groupe Identité et Démocratie, tandis que Fratelli d'Italia de Mme Meloni fait partie des Conservateurs et réformistes européens.

Au-delà du dossier migratoire, l'Italie et la France partagent une stratégie de soutien à l'Ukraine. Ils défendent aussi, avec l'Espagne et face à l'Allemagne et les pays dits "frugaux", la même ligne sur le pacte de stabilité.

Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'autres sujets de friction, par exemple en Afrique, où l'Italie "veut mettre le pied dans la porte" en profitant du reflux français, note Marc Lazar. "Adieu Françafrique", a écrit mardi le journal turinois La Stampa.

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