Après la mort de Philippine, une enquête ouverte pour viol et homicide

Une enquête pour viol et homicide a été ouverte à Paris après le meurtre de la jeune étudiante Philippine, dont le suspect, interpellé mardi en Suisse, est un Marocain visé...

Le nouveau ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, accompagné du préfet de police de Paris Laurent Nunez lors d'une conférence de presse à La Courneuve, au nord de Paris le 23 septembre 2024 © Dimitar DILKOFF
Le nouveau ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, accompagné du préfet de police de Paris Laurent Nunez lors d'une conférence de presse à La Courneuve, au nord de Paris le 23 septembre 2024 © Dimitar DILKOFF

Une enquête pour viol et homicide a été ouverte à Paris après le meurtre de la jeune étudiante Philippine, dont le suspect, interpellé mardi en Suisse, est un Marocain visé par une obligation de quitter le territoire.

Le fait que le suspect, âgé de 22 ans et déjà condamné pour viol, soit en instance d'expulsion a suscité de vives réactions, en particulier à l'extrême droite.

Ce "crime est abominable", a dénoncé le nouveau ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau dans un communiqué. Plusieurs responsables politiques, de droite comme de gauche, avaient mis en cause mardi "la chaîne pénale et administrative".

"C'est à nous, responsables publics, de refuser la fatalité et de faire évoluer notre arsenal juridique, pour protéger les Français", ajoute le ministre, après l'interpellation de Taha O. condamné par le passé pour viol et sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

"S'il faut changer les règles, changeons-les", poursuit M. Retailleau, qui appelle à "travailler" "ensemble, avec le ministre de la Justice (...) pour assurer la sécurité de nos compatriotes".

En fin de peine

Tenant d'une droite dure, désireux de "rétablir l'ordre", l'élu vendéen a d'emblée entamé un bras de fer avec le garde des Sceaux, Didier Migaud, ancienne figure du PS, au sujet d'un supposé laxisme de la justice. 

Le corps de Philippine, une étudiante de 19 ans à l'université de Paris-Dauphine, a été retrouvé enterré dans le bois de Boulogne, dans l'ouest parisien, lors d'une battue samedi après-midi.

C'est sa famille qui avait signalé sa disparition. L'étudiante avait été vue pour la dernière fois vendredi à l'heure du déjeuner, à l'université située tout près du bois.

Ses obsèques seront célébrées vendredi à la cathédrale de Versailles, après une veillée de prière qui a rassemblé mercredi soir une centaine de personnes dont les parents de la victime, selon une source policière, dans une église de Montigny-le-Bretonneux (Yvelines) fréquentée par la famille.

Le ressortissant marocain a été arrêté mardi dans le canton de Genève, en Suisse, "en vertu d'une mesure relevant du droit des étrangers et a ensuite été identifié comme suspecté d'un meurtre commis à Paris", a déclaré à l'AFP la porte-parole du ministère suisse de la Justice. Les autorités judiciaires françaises, qui ont désormais 18 jours pour déposer une demande d'extradition, ont indiqué qu'elles entendaient le faire "afin de se voir remettre l'intéressé le plus rapidement possible". 

Taha O. avait été identifié par la brigade criminelle en France grâce notamment à l'exploitation des images de vidéosurveillance d'une banque où il a effectué un retrait avec la carte bancaire dérobée à la victime.

L'information judiciaire, ouverte dès mardi, porte notamment sur les infractions de meurtre précédé, accompagné ou suivi d'un autre crime, viol, vol et escroquerie, le tout en état de récidive légale.

A ce stade cependant, de nombreux examens médico-légaux sont encore en cours et il est trop tôt pour se prononcer sur l'existence de violences sexuelles, selon une source proche du dossier.

Taha O. avait été condamné en 2021 pour un viol commis en 2019 et avait été libéré, "en fin de peine", en juin, selon le parquet de Paris.

Il n'a pas bénéficié de libération conditionnelle, selon une source judiciaire française, il est sorti à la fin de sa peine, en bénéficiant de réductions automatiques que la loi permettait encore à l'époque de sa condamnation.

Il avait été placé en centre de rétention administrative (CRA) à Metz.

Le 18 juin, deux jours avant sa sortie de détention, les autorités françaises avaient émis une demande de laissez-passer consulaire au Maroc, mais, selon le Maroc, cette demande n'avait pas été émise par le bon service en France. La Direction générale des étrangers en France (DGEF) transmet finalement aux autorités marocaines le laissez-passer consulaire le 18 juillet. 

Le 3 septembre, un juge des libertés et de la détention (JLD) valide sa sortie du centre de rétention, qui avait auparavant été prolongée à trois reprises. 

Le JLD a notamment motivé sa décision par le fait que "l'intéressé n'a pas sollicité l'asile et ne s'est pas opposé à la mesure d'éloignement" de France. Le suspect n'avait pas non plus adopté de comportement constituant un "trouble à l'ordre public" lors de son séjour en CRA, susceptible d'autoriser une quatrième prolongation. Enfin, les autorités marocaines n'ont pas répondu aux multiples demandes de la France pour valider le laissez-passer consulaire.

La mesure était assortie d'une obligation de pointer et d'une assignation à résidence dans un hôtel de l'Yonne, où Taha O. ne se rendra jamais.

Le Maroc a finalement répondu positivement début septembre à la demande de laissez-passer consulaire, mais le suspect était déjà dehors, selon une source proche du dossier.

Que ça aille vite

La veille du meurtre, le 19 septembre, il avait été inscrit au fichier des personnes recherchées, parce qu'il ne respectait pas son obligation de pointer.

L'extrême droite est immédiatement montée au créneau, mais aussi des personnalités de gauche. 

"La vie de Philippine lui a été volée par un migrant marocain sous le coup d'une OQTF", a réagi sur X le président du Rassemblement national, Jordan Bardella. "Il est temps que ce gouvernement agisse: nos compatriotes sont en colère et ne vont pas se payer de mots".

"C'est le problème des OQTF (Obligation de quitter le territoire français, NDLR), il faut que ça aille vite", a de son côté souligné l'ancien président François Hollande, qui a mis en cause sur Franceinfo la "chaîne pénale et administrative". 

Le taux d'exécution des mesures d'éloignement (OQTF) de la France est le plus bas de l'Union Européenne: autour de 7% contre près de 30% au niveau de l'UE.

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