André Chassaigne, porte-voix du communisme rural, tourne la page à l'Assemblée

Figure du communisme rural au verbe truculent, André Chassaigne quitte l'Assemblée après quasiment un quart de siècle de mandat, laissant à ses pairs l'image d'un "grand républicain"...

André Chassaigne à l'Assemblée nationale lors de sa dernière participation à une séance de questions au gouvernement, le 25 mars 2025 à Paris © Bertrand GUAY
André Chassaigne à l'Assemblée nationale lors de sa dernière participation à une séance de questions au gouvernement, le 25 mars 2025 à Paris © Bertrand GUAY

Figure du communisme rural au verbe truculent, André Chassaigne quitte l'Assemblée après quasiment un quart de siècle de mandat, laissant à ses pairs l'image d'un "grand républicain", "profondément enraciné" dans son Auvergne natale.

Derrière sa moustache blanche et ses sourcils broussailleux, l'élu de 74 ans a, mardi, "essayé de ne pas être débordé par l'émotion", pour sa dernière question au gouvernement, sa dernière réunion en tant que patron du groupe communiste. 

Applaudi par l'ensemble des députés, André Chassaigne, connu pour son franc-parler, a reçu une pluie d'hommages, y compris de ceux qu'il a pu affronter.

"Avec vous s'éloigne une grande figure de l'Assemblée nationale", "un très grand républicain", a salué Yaël Braun-Pivet la présidente de l'institution, qui n'avait conservé son poste qu'à une dizaine de voix près face à André Chassaigne, candidat du Nouveau Front populaire l'été dernier au perchoir.

Cet échec avait finalement "un peu soulagé" l'élu, a-t-il plaisanté mardi devant des journalistes, car les "réceptions" et "cocktails", "ce n'était pas mon truc".

Le Premier ministre François Bayrou a salué "une personnalité profondément enracinée dans le sol de notre pays". 

Spécialiste des questions rurales, André Chassaigne laisse derrière lui deux lois à son nom, sur la revalorisation des pensions de retraites agricoles. Mais l'image qu'il retient est l'adoption de sa motion de rejet sur un projet de loi sur les OGM, en 2008.

"Je me baladais dans la rue, les gens m'arrêtaient comme si je leur avais sauvé la vie", se rappelle-t-il.

Dédé, t'as pas changé

Sa fin de mandat marque "le départ d'une génération, de gens qui sont arrivés peut-être un peu plus tard que les autres à la politique nationale, après des mandats locaux", selon François Hollande.

L'ancien président se souvient avoir vu arriver en 2002 un élu du Puy-de-Dôme "assez timide", peu à peu devenu l'"un des orateurs les plus brillants de l'Assemblée".

Après avoir été maire pendant 27 ans de la petite commune de Saint-Amant-Roche-Savine en Auvergne, c'est par un retour aux sources qu'André Chassaigne a choisi de tourner la page parlementaire, en s'y faisant ré-élire comme maire adjoint.

"Je n'ai absolument pas peur de m'ennuyer", martèle-t-il, en énumérant les projets locaux qui l'attendent, et les actions de solidarité prévues pour Cuba, sa "passion".

Tout en veillant de près, tout de même, sur son suppléant, à qui il a conseillé d'"être lui-même" dans l'hémicycle, et de "rester humble". 

"Le meilleur compliment qu'on peut me faire, (...) c'est quand des gens me disent dans ma circonscription, Dédé, t'as pas changé", dit-il avec son accent auvergnat. 

Mais il confie un regret: ne pas avoir réussi à démontrer que les thèses du Rassemblement national seraient "dramatiques pour notre pays".

Lors des dernières législatives en 2024, il est élu au second tour en perdant 14 points par rapport à son score de 2022, au profit d'une candidate RN. Une claque, qui joue dans sa décision de passer le flambeau.

"J'ai commis cette erreur-là de penser que (...) l'affection pour un élu pouvait remplacer le débat politique", dit-il.

Mardi, dans l'hémicycle, les députés RN lui ont répondu: "Good Bye Lenin".

Fin d'une époque

Passionné par le travail parlementaire, pas avare de colères, André Chassaigne a dénoncé ces dernières années une "dérive" cherchant à "contourner la voix du peuple". 

"Ce coup de force que l'on a vécu avec la loi El Khomri sous la présidence de François Hollande, c'est devenu ensuite habituel avec la majorité macroniste", déplore-t-il.

Pour certains, le départ d'André Chassaigne, entré aux jeunesses communistes à l'âge de 16 ans, fils d'un ouvrier Michelin, marque aussi la fin d'une époque.

"Il incarne ce qui malheureusement n'existe plus ou très peu au PC, mais qui a marqué son histoire, l'essor du monde ouvrier ou rural qui accédait à des responsabilités", et savait "y tenir une place" sans "s'y fondre", selon la députée communiste Elsa Faucillon, qui confie une "forme de tristesse". 

Lui n'en a pas montré mardi.

"Il y en a qui sont partis dans des conditions beaucoup plus difficiles", a-t-il fait remarquer. "Moi, je pars avec sérénité."

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