Amin Maalouf: sous le signe de Marianne et du Cèdre du Liban

L'écrivain franco-libanais Amin Maalouf, élu jeudi nouveau secrétaire perpétuel de l'Académie française, est une figure du roman historique d'inspiration orientale qui a consacré son œuvre...

L'écrivain franco-libanais a pris la tête de l'Académie française. Ici dans sa maison à Port-Joinville, le 1er ocobre 2021 © LOIC VENANCE
L'écrivain franco-libanais a pris la tête de l'Académie française. Ici dans sa maison à Port-Joinville, le 1er ocobre 2021 © LOIC VENANCE

L'écrivain franco-libanais Amin Maalouf, élu jeudi nouveau secrétaire perpétuel de l'Académie française, est une figure du roman historique d'inspiration orientale qui a consacré son œuvre au rapprochement des civilisations. 

Reçu à l'Académie en 2012, il avait fait inscrire sur son épée une Marianne et un Cèdre du Liban. 

"Toute votre œuvre, toute votre pensée, toute votre personnalité, c'est un pont entre deux mondes (...) qui portent chacun leur part de crimes mais aussi de valeurs. Ce sont ces valeurs que vous voulez unir", avait résumé sous la Coupole son ami Jean-Christophe Rufin, qui briguait lui aussi ce poste prestigieux. 

Ancien journaliste installé en France depuis 1976, Amin Maalouf avait remporté en 1993 le prix Goncourt pour "Le Rocher de Tanios", qui avait pour décor les montagnes libanaises de son enfance. 

On doit à ce conteur hors pair des fictions comme "Léon l'Africain" (1986), "Samarcande" (1988), "Le Périple de Baldassare" (2000) ou "Nos frères inattendus" (2020).

Il est aussi l'auteur d'essais et de récits comme "Les Croisades vues par les Arabes" (1983), "Les Échelles du Levant" (1996), "Les Identités meurtrières" (1998), "Le Dérèglement du monde" (2009) ou "Un fauteuil sur la Seine" (2016) où il raconte la vie des 18 académiciens qui l'ont précédé au 29e fauteuil (le sien) depuis 1635.

Il a écrit des livrets d'opéra, notamment pour la compositrice finlandaise Kaija Saariaho. L'un d'entre eux, "L'Amour de loin", a été créé en 2000 au festival de Salzbourg. 

Les thèmes de l'exil, du nomadisme, du métissage culturel, de l'identité habitent ses livres, écrits en français, érudits et porteurs de plaisir romanesque. Dans "Origines" (2004), il racontait se sentir l'obligé de ses ancêtres. Chez les siens, écrivait-il, on naît naturellement nomade, cosmopolite, polyglotte. Et c'est la famille, le lignage sacré, qui fonde "l'identité diasporique" des êtres qui, comme lui, vont, depuis le Liban, essaimer de par le monde.

Nostalgie du "Levant

Né à Beyrouth le 25 février 1949, Amin est le fils d'un journaliste et écrivain, enseignant, peintre, poète et grande figure de la ville des années 40 à 80. 

Dans le sillage de ce père aimé, il devient journaliste après des études d'économie et de sociologie. Pendant douze ans, il est grand reporter, couvrant la chute de la monarchie éthiopienne ou la dernière bataille de Saïgon. Puis directeur de l'hebdomadaire "An-Nahar International".

En 1975, il assiste aux premiers affrontements de la guerre civile. Cet intellectuel humaniste décide de partir pour la France. "J'ai quitté le Liban au bout d'un an de guerre, mais je n'éprouve pas de culpabilité car, à un moment donné, il fallait prendre la décision de partir pour ma famille et moi".

À Paris, il entre à l'hebdomadaire "Jeune Afrique" où il devient rédacteur en chef.

Dans la foulée d'auteurs libanais comme Charles Corm, Nadia Tueni ou Salah Stétié, Amin Maalouf écrit avec ce mélange de force et de douceur propres à l'Orient. Mais, dit-il, "si, en Occident, on me trouve oriental, en Orient, on me trouve très occidental!"

Cet homme réservé, souriant, attend 1993 pour évoquer le Liban dans un livre ("Le Rocher de Tanios"), "par superstition peut-être, comme si écrire sur mon pays allait encore aggraver son malheur. Je ne me suis jamais éloigné du Liban, c'est mon pays qui s'était éloigné de moi". 

"Je ne cherche pas à savoir de quel pays je suis, je vis cette double nationalité, libanaise et française, de façon harmonieuse", a-t-il dit en revenant dans son pays natal en 1993 pour la première fois depuis dix ans. 

Dans "Les Désorientés" (2012), il s'inspirait de ses années d'université pour évoquer avec nostalgie son pays, "le Levant", où avant la guerre, toutes les communautés coexistaient. 

Il y avait, selon lui, "une qualité de coexistence entre des communautés différentes qui a disparu et n'aurait jamais dû disparaître car cela aurait dû être la préfiguration de l'avenir et aujourd'hui cela appartient au passé".

Père de trois fils, il se partage entre Paris et l'île d'Yeu (Vendée). Il est l'oncle du trompettiste Ibrahim Maalouf.

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