Social

Amiens : le Conseil départemental de la Somme et l'Apradis soutiennent les aidants

Pour la première fois, le Département de la Somme et l’Apradis ont organisé, le 15 juin à Amiens, une journée consacrée aux aidants, ces proches qui assistent un membre de leur famille handicapé ou en perte d’autonomie.

Alain Blanc, Marie-Christine Boutin, Margot Labouche, Guy Alboussière et Didier Kapetanovic ont participé à la première table ronde. (c)Aletheia Press/ DLP
Alain Blanc, Marie-Christine Boutin, Margot Labouche, Guy Alboussière et Didier Kapetanovic ont participé à la première table ronde. (c)Aletheia Press/ DLP

« C’est une évidence humaine de prendre soin d’un proche et nombreux sont ceux à ne pas s’identifier comme aidant », lance Ahmed Zouad, président de l’Apradis, pour introduire une matinée d’échanges sur le sujet, qui s’est déroulé le 15 juin au lycée Saint-Rémi d’Amiens. Un constat qui a motivé le Département de la Somme et l’association à organiser deux tables rondes ainsi qu’un village des aidants (voir encadré). L’objectif : donner la parole aux aidants et ouvrir des axes de travail pour améliorer le quotidien de ceux qui se retrouvent souvent très seuls.

Un rôle en construction

« J’ai mis trois ans à me reconnaître comme aidant, à l’accepter et à demander de l’aide », confie Guy Alboussière qui a soutenu son épouse pendant six ans et qui a créé l’association d’aide Avec nos proches. « C’est une situation complexe que l’on doit affronter seul très souvent et avec très peu d’informations. Il faut oser dire "j’ai besoin d’aide" », confirme Marie-Christine Boutin, mère de trois enfants, dont un souffrant de multiples handicaps.

Une situation d’isolement amplifiée par l’évolution des modes de vie et du modèle familial comme le souligne le sociologue et professeur d’université Alain Blanc, qui travaille sur le sujet. « Nos vies sont marquées par la conjoncture, nous nous déplaçons en fonction du travail, des opportunités, note-t-il. Il poursuit : « Il y a de plus en plus de gens à aider, les services institutionnels, sanitaires, associatifs ne suffisent plus, les proches sont essentiels », ajoute-t-il.

De fait, le vieillissement de la population entraînera un bon de ce qu’on appelle la proche aidance. Si aujourd’hui ils sont plus de dix millions à soutenir un proche – 60% de femmes et près de 700 000 jeunes – ce chiffre est appelé à grimper rapidement. « On estime qu’en 2030, une personne sur quatre sera aidant », pointe Juliette Barnoud, étudiante en DESS qui a réalisé une étude sur cette population dans la Somme. « En moyenne, ils consacrent 16 heures par semaine à l’aidé et 12% sont même présents 24 heures sur 24. Ils ont besoin de repos et de lieux d’échange où ils peuvent parler », indique-t-elle.

Une personne sur quatre sera aidant en 2030. (c)Aletheia Press/ DLP

Aidant et salarié, une combinaison difficile

Si aujourd’hui un congé de proche aidant, sous condition et à durée limitée, a été créé pour accompagner les salariés, l’entreprise reste globalement peu présente sur ce sujet. « C’est une première marche, mais il mérite d’être amélioré. Il est plus facile aujourd’hui pour des grands groupes d’avancer sur ces sujets », observe Guy Alboussière.

Dans l’ensemble, continuer à exercer une activité professionnelle lorsque l’on est aidant demeure un véritable combat. « Avec mon épouse, nous avons fait le choix de continuer à travailler, mais c’est très difficile. Les horaires de l’IME ne correspondent pas à celles d’un salarié, nous devons donc faire appel à des auxiliaires de vie. C’est un métier très précaire où il est difficile de rester : depuis le début de l’année, cinq personnes se sont succédé auprès de mon fils », raconte Yoann Fortini, père d’un enfant polyhandicapé. Il note d’ailleurs qu’autour de lui, beaucoup d’aidants sont des mères célibataires sans emploi.

« Devenir aidant, c’est voir sa place dans la société changer, nous avons besoin de construire un nouveau statut avec une reconnaissance juridique, administrative, légale ! Actuellement le monde de l’aidant et le monde économique sont deux espaces qui ne communiquent pas. Cela va devoir changer », assure Alain Blanc.

Le village des aidants s’arrête à Amiens et Abbeville

Jean-Benoît Dujol, Étienne Stoskopf, Hugo Gilardi, Stéphane Haussoulier, Ahmed Zouad ont inauguré le village des aidants aux côtés de Claudie Kulak, fondatrice de la Compagnie des aidants. (c)Aletheia Press/ DLP

En marge de cette première matinée d’échanges, le village des aidants s’est arrêté le temps d’une journée à Amiens avant une seconde étape à Abbeville, le 16 juin. Rassemblés en centre-ville, les partenaires – MDPH, Bulle d’air, Maison Hapi, CPAM, Soins Services… – étaient présents pour informer et sensibiliser. « Jongler entre sa vie professionnelle, sa vie personnelle et son rôle d’aidant est aujourd’hui un véritable casse-tête auquel doit répondre la société. Demain, les aidants seront de plus en plus nombreux », rappelle Ahmed Zouad, présidence de l’Apradis, l’Association pour la professionnalisation, la recherche, l’accompagnement et le développement en intervention sociale. À ses côtés, Stéphane Haussoulier, président du Conseil départemental, Étienne Stoskopf, préfet de la Somme, Hugo Gilardi, directeur régional de l’AR, et Jean-Benoît Dujol, Directeur général de la cohésion sociale. « Les aidants incarnent la solidarité entre générations, nous nous devons d’être meilleurs dans nos politiques pour mieux les accompagner », pointe de son côté le président du Département.