Amandine, morte affamée à 13 ans: "Elle n'a pas été privée de nourriture", maintient sa mère
"Je ne sais pas pourquoi elle ne mangeait pas. Elle n'a pas été privée de nourriture": au premier jour de son procès à Montpellier, la mère d'Amandine a répété ignorer les causes du décès de...
"Je ne sais pas pourquoi elle ne mangeait pas. Elle n'a pas été privée de nourriture": au premier jour de son procès à Montpellier, la mère d'Amandine a répété ignorer les causes du décès de l'adolescente, qu'elle est accusée d'avoir volontairement affamée.
Le procès de Sandrine Pissarra, 54 ans, et de son compagnon, Jean-Michel Cros, 49 ans, s'est ouvert en début d'après-midi devant les assises de l'Hérault, quatre ans après la mort de la jeune fille, à l'âge de 13 ans.
Mme Pissarra doit répondre d'"actes de torture" et de "barbarie", faits pour lesquels elle encourt la réclusion à perpétuité. M. Cros risque 30 ans de réclusion pour avoir "privé de soins ou d'aliments" sa belle-fille et n'avoir rien fait pour la "sauver d'une mort certaine".
Le 6 août 2020, jour de sa mort d'un arrêt cardiaque dans la maison familiale de Montblanc (Hérault), près de Béziers, Amandine ne pesait plus que 28 kg pour 1,55 m. Les conséquences d'un état "cachectique", un amaigrissement extrême, associé à une septicémie et à un possible syndrome de renutrition inappropriée, selon les médecins légistes.
Elle avait également perdu plusieurs dents et avait les cheveux arrachés.
"Il n'y a pas d'explication. Elle n'a pas été privée de nourriture, on ne l'a pas fait, personne n'a fait ça. Je ne sais pas pourquoi elle ne mangeait pas", a insisté Mme Pissarra, pull noir et longs cheveux châtains, répondant évasivement aux questions pressantes du président de la cour d'assises, Eric Emmanuelidis.
Scénario diabolique
"Pendant le confinement, Amandine était devenue encore plus compliquée", a avancé sa mère, sans préciser la nature de ces comportements et affirmant avoir aimé sa fille, pourtant sa souffre-douleur depuis des années selon de nombreux témoignages.
"Mais quelles mesures avez-vous prises pour lui porter secours?", alors que visiblement elle dépérissait, interroge le magistrat.
"En lui disant qu'il fallait qu'elle mange. Je faisais le rôle de papa et de maman, j'étais dépassée", lui répond Mme Pissarra.
"Pardonnez-moi l'expression, mais elle va de toute façon crever, c'est son sort, c'est inscrit. On est au-delà du +dépassement+", répond le magistrat, avant de lui demander: "Finalement, qu'est-ce que vous admettez ?".
"De ne pas avoir pu voir, avoir su voir, avoir su réagir", répond l'accusée.
Jean-Michel Cros affirme également n'avoir pas vu l’aggravation de l'état d'Amandine. "Je rentrais tard, j'étais persuadé qu'elle mangeait", a avancé, proche des larmes, ce patron d'un centre de contrôle technique. "J'aurais dû réagir, je ne sais pas si c'est la peur, je n'ai pas d'explication, peur de Mme Pissarra, de ses réactions, de ses colères", dit-il.
"Il ne fait aucun doute qu'Amandine a enduré de la part de (sa mère) des violences destructrices et paroxystiques, dont le seul dessein a été (...) de l'entraîner dans une agonie honteuse et humiliante", avait estimé le juge d'instruction dans son rapport d'enquête.
"On a des constatations médico-légales, on a un corps martyrisé, on a une petite momie de 13 ans qui a vécu l'enfer. Moi, ce que je voudrais savoir, c'est pourquoi ils ont mis en œuvre ce scénario véritablement diabolique", avait déclaré avant l'audience Me Luc Abratckiewicz, l'un des avocats de Frédéric Flores, le père d'Amandine.
Amandine était en fait depuis son plus jeune âge le souffre-douleur de sa mère, ancienne serveuse, mère de huit enfants nés de trois unions, qui la privait de nourriture, lui infligeait d'interminables "punitions d'écriture" et l'enfermait dans un débarras, sous la surveillance de caméras. Selon l'expertise psychiatrique, Sandrine Pissarra a pu "transposer sa haine" du père d'Amandine sur le corps de sa fille.
Les faits les plus graves se sont déroulés à partir de mars 2020 avec le premier confinement dû au Covid, lorsque l'adolescente a cessé d'être scolarisée.
Quatre associations, dont "L'Enfant Bleu - Enfance Maltraitée", qui entend "interroger les failles du système de protection de l'enfance", se sont constituées parties civiles. Plusieurs signalements et trois saisines du juge des enfants n'avaient débouché sur aucune mesure qui aurait pu mettre Amandine hors de danger.
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