Affaire Karachi: le procès en appel du volet financier s'est ouvert à Paris

Trois décennies après, le procès en appel du volet financier non-ministériel de l'affaire Karachi s'est ouvert lundi: six hommes sont soupçonnés d'avoir joué un rôle dans un système de commissions occultes en marge de contrats d'armement qui auraient...

Trois décennies après, le procès en appel du volet financier non-ministériel de l'affaire Karachi s'ouvre lundi © MIGUEL MEDINA
Trois décennies après, le procès en appel du volet financier non-ministériel de l'affaire Karachi s'ouvre lundi © MIGUEL MEDINA

Trois décennies après, le procès en appel du volet financier non-ministériel de l'affaire Karachi s'est ouvert lundi: six hommes sont soupçonnés d'avoir joué un rôle dans un système de commissions occultes en marge de contrats d'armement qui auraient alimenté la campagne présidentielle d'Édouard Balladur en 1995.

"J'estime avoir été très injustement condamné pour des faits que je n'ai absolument pas commis", a déclaré en début de soirée Nicolas Bazire, 66 ans, ancien chef de campagne de M. Balladur, au diapason de ses coprévenus.

Celui qui était jusqu'à récemment membre du conseil d'administration de LVMH est rejugé jusqu'au 20 juin par la cour d'appel de Paris.

A ses côtés, l'industriel Dominique Castellan (87 ans), Thierry Gaubert (73 ans), alors au ministère du budget et impliqué dans la campagne, ainsi que Renaud Donnedieu de Vabres (70 ans), à l'époque proche collaborateur du ministre de la Défense François Léotard.

Les anciens intermédiaires Ziad Takieddine (73 ans) et Abdul Rahman Al Assir (74 ans) étaient quant à eux absents, représentés par leurs avocats. Ils sont tous deux visés par un mandat d'arrêt - Ziad Takieddine ayant fui au Liban juste avant le jugement de première instance.

Le procès s'est ouvert quatre ans après cette décision, rendue le 15 juin 2020: le tribunal correctionnel de la capitale avait alors infligé des peines de deux à cinq ans d'emprisonnement ferme pour abus de biens sociaux, complicité ou recel.

Au premier jour d'audience, la présidente Michèle Agi a longuement résumé les investigations. Des débats de procédure sont prévus mardi et mercredi. Les interrogatoires doivent débuter le 10 juin.

Frégates et sous-marins

Au cœur du dossier, des commissions colossales, alors légales, versées à des intermédiaires en marge de la signature de contrats pour la vente de frégates et de sous-marins en 1994 à l'Arabie saoudite et au Pakistan.

Pour l'accusation, le réseau d'intermédiaires "réseau K" (pour King en référence au roi d'Arabie) a été imposé par le pouvoir politique alors qu'il était "inutile".

Ce qui a entraîné le versement de commissions "exorbitantes" au détriment de deux entités détenues par l'Etat, la branche internationale de la Direction des constructions navales (DCN) et la Sofresa.

Selon le ministère public, une partie de ces pots-de-vins sont ensuite revenus en France sous forme de rétrocommissions illégales, notamment pour financer la campagne présidentielle perdue du Premier ministre Édouard Balladur.

En cause en particulier: un dépôt suspect de 10,25 millions de francs en liquide le 26 avril 1995 sur le compte de campagne du candidat.

Une décision, rendue après le premier jugement, va planer sur les débats à venir. Édouard Balladur et François Léotard ont en effet comparu devant une autre juridiction, la Cour de justice de la République (CJR), seule habilitée à juger des membres du gouvernement pour des infractions commises dans l'exercice de leurs fonctions.

Enquête sur l'attentat

Le 4 mars 2021, l'ex-locataire de Matignon a été relaxé, la CJR estimant que l'existence "d'instructions" de sa part n'était pas prouvée. M. Léotard, décédé depuis, a été condamné à deux ans d'emprisonnement avec sursis.

Ce volet financier a émergé de l'information judiciaire sur l'attentat de Karachi qui a tué, le 8 mai 2002, onze personnes qui travaillaient à la construction d'un sous-marin pour la DCN ou des sous-traitants.

Cette instruction, toujours en cours, a d'abord privilégié la piste d'Al-Qaïda, puis exploré celle (non confirmée à ce jour) de représailles pakistanaises à la décision de Jacques Chirac, tombeur d'Édouard Balladur en 1995, d'arrêter le versement des commissions qui auraient servi à financer son adversaire.

Dans la salle d'audience lundi étaient présents des membres des familles des victimes qui attendent des réponses depuis plus de vingt ans. L'une d'elles et un homme blessé dans l'attaque doivent témoigner.

En première instance, ils ont été déclarés irrecevables en tant que partie civile dans ce volet financier car ne pouvant être considérés comme victimes de l'infraction d'abus de biens sociaux.

Mais certains ont été déclarés recevables concernant un faux témoignage reproché à Ziad Takieddine, a souligné l'un de leurs avocats, Me Olivier Morice.

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