Accompagner l’entreprise pour mieux la préserver

Parce qu’il est important que les dirigeant(e)s sachent qu’ils peuvent être entourés lorsqu’ils rencontrent des difficultés, la Banque de France a organisé fin juin une matinée d’information sur l’accompagnement des entreprises en difficulté dans la région. Un seul mot d’ordre : la prévention.

Pour prévenir les difficultés des entreprises, les acteurs économiques et institutionnels régionaux ont mis en place de nombreux dispositifs.  © deagreez.
Pour prévenir les difficultés des entreprises, les acteurs économiques et institutionnels régionaux ont mis en place de nombreux dispositifs. © deagreez.

Après deux années consécutives de baisse, 2018 a été marquée par une stabilité du nombre de défaillances (-0,1%), soit un peu moins de 4 200 procédures enregistrées au troisième trimestre, 5% de plus qu’avant la crise1. Avec 17 défaillances pour 1 000 entreprises, les Hauts-de-France restent la région française la plus impactée par ces procédures, devant la Normandie, le Grand Est et le Centre-Val de Loire. Plus de 9 600 emplois ont été menacés, dont 7 230 dans le Nord – Pas-de-Calais (-0,2%) – davantage impacté que la Picardie par l’ouverture de procédures de défaillances – et 2 430 en Picardie (-1,6%). Certes, la région est plutôt en tête de peloton pour les créations d’entreprise (+14% en un an, un niveau record atteint en 2018 avec 39 578 entreprises créées). Pour autant, la défaillance d’entreprise ne doit pas être laissée pour compte et elle fait, elle aussi, l’objet de nombreux dispositifs développés par des acteurs publics ou privés. «Bien entendu, on préférerait ne pas parler de difficultés, mais il faut avant tout les traiter en amont et ne pas laisser le chef d’entreprise dans son isolement. Il s’agit également pour nous, acteurs économiques, de renforcer notre coordination et développer une culture de réseau», explique Nicolas Wozniak, directeur du services entreprises de la Banque de France. Sachant que la majorité des entreprises françaises sont des TPE-PME (à 20% dans le commerce et la construction), le financement et le traitement des difficultés sont, pour un tiers d’entre elles, une priorité. La Banque de France a ainsi signé des conventions avec 35 partenaires (CCI, experts-comptables, tribunaux de commerce, organismes de micro crédit…) et a engagé 10 000 propositions d’orientation depuis 2016 au niveau national, avec 102 correspondants sur le territoire2. Depuis 2008, la Banque de France a aussi mis en place la médiation du crédit. Aujourd’hui élargie aux entreprises de l’économie sociale et solidaire, cette procédure gratuite rencontre 65,5% de réussite et maintient les lignes de financement sur le court terme. «Depuis dix ans, la Banque de France a ainsi débloqué ou maintenu 6 milliards d’euros de crédits, concernant 23 000 entreprises (dont 80% de TPE) pour 414 000 emplois préservés», détaille Nicolas Wozniak.

«Nous ne sommes pas des magiciens»

La Région Hauts-de-France a aussi fait de la défaillance des entreprises un combat, sous l’impulsion de son président Xavier Bertrand qui a d’ailleurs créé un pôle «Soutien au travail», destiné à appuyer les entreprises dans leur innovation et leur performance, mais aussi dans leurs difficultés. En témoigne d’ailleurs Hauts-de-France financement, lancé en 2017 avec un budget de l’ordre d’un milliard d’euros, pour soutenir les entreprises régionales (apport au capital, prêts, garanties d’emprunts, aides directes). Là encore, la prévention reste de mise : «Plus l’entreprise traîne à venir nous voir, moins nous avons de marges de manœuvre. En phase de procédure collective, nous ne sommes pas des magiciens !» tempère Jérémy Parsy, chargé de mission au sein du pôle «Soutien au travail» de la Région Hauts-de-France. Pour autant, bon nombre de dispositifs existent en région : le fonds de premier secours (4 M€ annuels), en lien avec les tribunaux de commerce, à destination des PME de moins de 25 salariés et par une procédure de mandat ad hoc ; Hauts-de-France prévention (4 M€ annuels), en lien avec la CCI de Région Hauts-de-France ; ou encore le prêt consolidation financière à destination des PME et ETI. En 2018, la Région a accordé 143 prêts pour un montant de 15,3 millions d’euros, qui ont concerné 4 220 emplois.

«Depuis dix ans, la Banque de France a débloqué ou maintenu 6 milliards d’euros de crédits»

Le tribunal de commerce, le médecin de l’entreprise

«La TPE est le pain quotidien des tribunaux de commerce. Nous détectons et donnons les bons signaux pour aider les entreprises», poursuit Gérard Meauxsoone, vice-président du tribunal de commerce de Lille. En témoigne l’avance remboursable à un taux de 0% (entre 5 000 et 50 000 €), pour les TPE de plus de trois ans, qui se fait par l’ouverture d’une procédure amiable. À mi-juin 2019, 292 entreprises se sont présentées au tribunal pour bénéficier de ce fonds de premier secours pour 60 entreprises éligibles et 487 emplois préservés. «Le tribunal de commerce, c’est comme un médecin : il faut aller le voir quand on est légèrement souffrant. Les juges consulaires sont aussi des chefs d’entreprise ou des cadres dirigeants ; aucune décision n’est obligatoire, c’est le dirigeant qui décide», ajoute-t-il, en précisant que les entretiens avec les chefs d’entreprise se font en toute confidentialité. Car si le mot «tribunal» peut faire peur, il reste néanmoins un premier pas vers une prise en charge de l’entreprise, afin de lui éviter la possible liquidation. À fin mai 2019, le TC de Lille a enregistré 19 mandats ad hoc et 8 conciliations (+15%). Parmi les autres aides proposées aux chefs d’entreprise en difficulté, on peut aussi citer celles de la DRFIP (Direction régionale des finances publiques) via deux commissions : la CCSF (Commission des chefs des services financiers) et le CODEFI (Comité départemental d’examen des problèmes de financement des entreprises). En 2019, cela représentera 33,81 M€ de créances accordées (contre 24,51 M€ en 2018). Ou encore les aides de la Bpi, qui, en région, a géré 3 500 dossiers en accord garantie et 1 000 dossiers «au cas par cas». L’organisme est d’ailleurs en partenariat avec la Région sur le prêt croissance TPE (230 ont d’ores et déjà été mis en place) ou sur le prêt flash TPE, mis en place dès la rentrée prochaine, pour les entreprises de 1 à 9 salariés.

  1. Source : CCI Hauts-de-France
  2. Pour le Nord – Pas-de-Calais : TPE59@banque-france / TPE62@banque-france.fr