A Verdun, raconter la guerre à hauteur d'hommes... et de femmes

Un tirailleur sénégalais, un médecin allemand, une Française incorporée par erreur: dans une exposition baptisée "Destins de Verdun", le Mémorial de la pire bataille de la Première Guerre mondiale la...

L'exposition "Destins de Verdun" au Mémorial de Verdun à Fleury-devant-Douaumont, dans la Meuse, le 26 octobre 2023 © Jean-Christophe VERHAEGEN
L'exposition "Destins de Verdun" au Mémorial de Verdun à Fleury-devant-Douaumont, dans la Meuse, le 26 octobre 2023 © Jean-Christophe VERHAEGEN

Un tirailleur sénégalais, un médecin allemand, une Française incorporée par erreur: dans une exposition baptisée "Destins de Verdun", le Mémorial de la pire bataille de la Première Guerre mondiale la fait renaître via des parcours individuels.

Vingt portraits permettent de comprendre que "dans la grande histoire, il y en a beaucoup de petites, individuelles", selon Nicolas Czubak, commissaire scientifique de l'exposition.

L'exposition "permet de renouer avec l'ADN du Mémorial", créé par des anciens combattants qui souhaitaient, à "hauteur d'hommes", transmettre leur souvenir de la bataille, rappelle Nicolas Barret, directeur du musée.

Le discours d'inauguration de Maurice Genevoix (1890-1980), auteur de "Ceux de 14", y est en partie retranscrit dans le "Destin", une bande sonore et un portrait.

Sur un mur, 20 portraits, dont certains floutés faute d'avoir trouvé des originaux, des 20 destins choisis pour être racontés au public. Une vidéo montre des images superposées du champ de bataille tel qu'il était en 1916 et ce qu'il est maintenant.

Au centre, un belvédère en bois, avec des bancs et des casques pour écouter les destins, voulu comme un point de rencontre et d'écoute. Au milieu du cercle, un plan montrant les différents lieux du champ de bataille où se poursuit l'exposition: le fort de Douaumont, le fort de Vaux, et l'ouvrage de Froideterre.

Car pour la première fois, l'exposition est aussi un parcours dans la bataille: on peut y écouter, à Douaumont, l'histoire d'un médecin allemand, Benno Hallauer, témoin d'une explosion causant la mort d'au moins 700 hommes le 8 mai 1916.

"Entendre ces destins, là où se sont passés les faits, ça fait quelque chose", souligne M. Barret.

La bataille de Verdun, en 1916, est une somme de chiffres tous plus vertigineux les uns que les autres: 60 millions d'obus, plus de deux millions d'hommes engagés, 300.000 tués, 400.000 blessés. 

Des chiffres qui en font un symbole, mais qui peuvent aussi en faire oublier les histoires individuelles.

Collecter des traces

D'autant qu'il est difficile, encore aujourd'hui, de connaître l'identité de certaines personnes: le caporal Moussa Dansako, du 36e bataillon de tirailleurs: "Etait-il Malien, Sénégalais, Nigérien, Guinéen, Burkinabé ? Son nom même avait-il bien été retranscrit par les recruteurs français ?", interroge la bande sonore. "Son destin émerge, plus de cent ans plus tard, des brumes de l'Histoire".

On peut aussi y écouter l'histoire d'une femme médecin engagée dans l'armée française. Nicole Girard-Mangin avait été convoquée en septembre 1914 par erreur par l'administration militaire pensant avoir affaire au docteur Gérard Mangin. "Je demande un homme, on m'envoie une femme !" avait-on pesté à son arrivée à Verdun. Elle y est restée jusqu'en novembre 1916.

La bataille ne s'est pas arrêtée avec la Grande Guerre. En témoigne le combat d'une autre femme, Fernande Herduin, née Nivoix, pour réhabiliter la mémoire de son mari, fusillé sans jugement pour s'être replié avec un camarade. En 1922, l'Etat leur reconnaîtra le statut de "morts pour la France". Elle obtiendra la réhabilitation de son défunt mari en 1926. 

Le Mémorial appelle les visiteurs à interroger leur propre mémoire familiale: "Vous aussi, vous avez peut-être un +Destin de Verdun+ dans votre famille ?" Selon les statistiques du musée, 30% d'entre eux répondent oui. 

Une adresse courriel est mise à disposition "pour aider les gens à collecter des traces (...) Nous recevons des demandes de renseignement", de Français mais aussi d'Allemands, assure M. Czubak. "La question qui revient souvent est +S'il s'est fait tuer, où est-il ?+".

Avant de devenir une étape de la visite du Mémorial, et plus largement du champ de bataille, l'exposition est née sur les réseaux sociaux, rappelle M. Barret. Depuis avril 2022, ces "destins" ont cumulé "plus d'un million de vues".

Onze comédiens ont accepté de prêter leur voix gratuitement pour oraliser les parcours de ces hommes et femmes, dont Omar Sy, parrain de l'exposition. 

L'exposition-parcours "Destins de Verdun" est visible jusqu'au 28 avril 2024. 

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