Savoir-faire

A Troësnes, l’un des derniers formier-embauchoiristes de France

Hervé Brunelle crée des formes en bois pour empêcher les chaussures de se déformer. Des pièces sur-mesure que l’artisan fabrique pour des grandes marques de chaussures et de bottiers dans le monde entier.

Hervé Brunelle est l’un des derniers embauchoiristes de France et d’Europe. ©Hervé Brunelle
Hervé Brunelle est l’un des derniers embauchoiristes de France et d’Europe. ©Hervé Brunelle

Son métier, labélisé "Entreprise du patrimoine vivant", a quasiment disparu. Hervé Brunelle, 58 ans, est d’autant plus fier de continuer à perpétrer ce savoir-faire séculaire. Il est, depuis 2004, depuis le petit village de Troësnes, dans l’Aisne, formier-embauchoiriste. « Je crée des formes en bois pour que les bottiers puissent réaliser leur création, explique-t-il, et je fais également des embauchoirs, des accessoires en bois qui permettent à la chaussure de garder sa forme d’origine. »

De Tokyo à la Floride

Dans son atelier, il façonne les formes en bois après avoir reçu les patrons de ses clients, parmi eux, les plus grandes marques de luxe, dans le monde entier. « J’ai une cinquantaine de clients réguliers, en Angleterre, au Japon, aux États-Unis, même si je ne parle pas un mot d’anglais, on parle métier et savoir-faire, alors on arrive à se comprendre ! », lance-t-il amusé. La plupart de ses clients, il les a démarchés lui-même en envoyant des courriers et des maquettes, pour le reste, le bouche à oreille a su faire son chemin.

Une partie du travail est réalisé à l’aide de machines, « j’ai fait un peu de mécanique générale à l’école, j’ai donc réussi à adapter mes machines spécialement à mes besoins ». L’autre partie est un travail manuel, qu’il exerce avec dextérité. « J’ai toujours été dans le monde de la chaussure, mais pour ce métier de formier-embauchoiriste, j’ai été formé sur le tas, car il n’existe pas de formation spéciale. » L’artisan a appris au fil des années à s’adapter aux exigences des clients, « je réponds aux commandes, certains veulent des couleurs pour les embauchoirs, des découpes différentes, ce sont eux qui m’ont fait progresser ».

Sur-mesure et industriels

Il réalise entre deux et trois paires d’embauchoirs par jour. Toutes en bois, provenant de la forêt de Retz, à Villers-Cotterêts, juste à côté. Car l’essence est importante, « pour un client qui fait du polo, je vais lui conseiller du tilleul léger, pour voyager. Le hêtre lui est l’un des bois les plus agréable à travailler, mais plus lourd ». L’artisan réalise également des prototypes pour les usines. « Là, il ne faut pas se tromper, car ensuite les pièces sont reproduites à grande échelle, il faut valider avec les stylistes dans les ateliers, qui viennent me voir régulièrement ».

Depuis un an, le formier-embauchoiriste est touché de plein fouet par la crise sanitaire du Covid-19, « j’ai perdu 50 % de mon activité », regrette-t-il, « les clients de mes clients ne voyagent plus, ils n’ont pas besoin d’embauchoirs, mes commandes ont baissé ». En attendant que les carnets se remplissent à nouveau, il a décidé de former au métier un ancien collègue, installé dans le sud de la France. « C’est important de transmettre ce savoir-faire, ces métiers d’arts sont en train de disparaitre ».