A son procès, un paysan-guérisseur tente de justifier des violences sexuelles

Un septuagénaire, qui exerçait comme guérisseur en Auvergne, a reconnu mercredi devant la cour criminelle du Puy-de-Dôme, avoir pratiqué masturbations et fellations sur certains de ses clients, tout en essayant de s'abriter derrière...

"J'appose ma main à l'endroit malade", a-t-il raconté à la cour, admettant "masser l'aine" de certains patients, exclusivement masculins, pour "décoincer les nerfs" et soigner douleurs ou maladies nerveuses... © FRANCK FIFE
"J'appose ma main à l'endroit malade", a-t-il raconté à la cour, admettant "masser l'aine" de certains patients, exclusivement masculins, pour "décoincer les nerfs" et soigner douleurs ou maladies nerveuses... © FRANCK FIFE

Un septuagénaire, qui exerçait comme guérisseur en Auvergne, a reconnu mercredi devant la cour criminelle du Puy-de-Dôme, avoir pratiqué masturbations et fellations sur certains de ses clients, tout en essayant de s'abriter derrière une volonté de leur "décoincer les nerfs".

Au premier jour de son procès pour viols et agressions sexuelles, Michel Boudon, agriculteur à la retraite de 72 ans, a expliqué avoir été "initié" aux manipulations sur les animaux par un autre homme qui avait perçu chez lui un "don".

L'accusé a ensuite apporté ses services pendant des années à des centaines de femmes, d'hommes ou d'enfants, à côté de son activité d'agriculteur. 

Il avait acquis une certaine notoriété au delà de son village de Saint-Jean-des-Ollières (Puy-de-Dôme) après avoir fait l'objet de plusieurs reportages télévisés, d'un court-métrage et d'une biographie.

"J'appose ma main à l'endroit malade", a-t-il raconté à la cour, admettant "masser l'aine" de certains patients, exclusivement masculins, pour "décoincer les nerfs" et soigner douleurs ou maladies nerveuses.

"Vous avez fait des études de médecine?" s'étonne la présidente Diane Amacker. "Non, c'est venu tout seul", répond le septuagénaire, pull clair, lunettes, cheveux blancs.

"Vous leur massiez aussi le sexe?" poursuit la présidente. "Oui", admet-il.

"Et les femmes?" relance-t-elle. "Elle n'ont pas la même réception que les hommes, c'est plutôt au niveau du thorax", dit-il.

Les fellations, "j'en ai eu l'idée parce que les prières n'agissaient pas, j'ai cru bien faire, je n'aurais pas dû, je le reconnais", se justifie-t-il.

"Vous pensez que vous êtes crédible en disant cela?" lui demande alors l'avocate générale Fabienne Cancelier. 

"Ce sont des choses dont on ne parle pas à la campagne, si j'avais su que c'était interdit, je l'aurais pas fait", affirme-t-il.

Répondant à une question de son avocat Me Patrick Roesch, il assure avoir agi "par obligation" et n'avoir pris aucun plaisir à ces actes.

- "Tétanisé"-

Les faits ont eu lieu dans une petite cuisine de quelques mètres carrés où se tenaient les consultations, dans une ferme isolée située dans une zone boisée où habitait l'accusé.

Lors de l'enquête, il a dit n'avoir jamais eu de relation sentimentale, et avoir toujours vécu avec ses parents et sa grande-mère maternelle, se retrouvant seul après leur décès.

Poursuivi pour trois viols et neuf agressions sexuelles sur douze hommes, il encourt 20 ans de réclusion criminelle.

La cour a ensuite entendu l'une des victimes, un jeune homme de 25 ans venu le consulter après un grave accident de la route.

Il a expliqué que Michel Boudon lui avait demandé de quitter son pantalon puis avait baissé son caleçon sous prétexte de "travailler l'aine", avant de lui faire une fellation.

"J'étais tétanisé, stupéfait, j'arrivais plus à bouger", a témoigné le jeune homme, décrit comme "gentil" et "naïf". "Il m'a dit que c'était pour me détendre parce que j'étais tendu", a-t-il ajouté.

L'accusé "considère qu'il agit pour faire du bien même s'il sait que les faits sont répréhensibles", avait souligné plus tôt à la barre l'un des enquêteurs.

"Pourquoi les victimes n'ont pas réagi?" lui demande la présidente.

"Parce qu'elles sont surprises", "sidérées" et "ne savent pas comment réagir, elles ont du mal à comprendre", répond-il, évoquant l'"état de faiblesse" de ces patients venus consulter pour un handicap, une douleur, une baisse de moral, l'une d'elles étant atteinte de la maladie d'Alzheimer.

Les trois victimes de viols ont pour point commun leur vulnérabilité liée à leur état de santé physique ou mental, ou à leur âge.

"Quand vous faites cette démarche, il y a une part de confiance, un laisser-aller. Mais dans la conscience collective, l'approche est compliquée: ce sont des hommes, majeurs, et ils n'ont pas réagi", avait souligné avant le procès Me Maud Vian, avocate de deux victimes.

Le verdict est attendu vendredi.

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