A Roanne, exercices de souplesse chez Nexter

Sur les pistes d'essais sculptées dans une forêt de Roanne, le Serval, un véhicule blindé multi-rôles (VBMR) qui effectuera sa première sortie sur les Champs-Elysées le 14 juillet lors du défilé militaire, se livre à quelques...

Le Serval, un véhicule blindé multi-rôles (VBMR), sur les pistes d'essais du site de Nexter, le 4 juillet 2023 à Roanne, dans la Loire © OLIVIER CHASSIGNOLE
Le Serval, un véhicule blindé multi-rôles (VBMR), sur les pistes d'essais du site de Nexter, le 4 juillet 2023 à Roanne, dans la Loire © OLIVIER CHASSIGNOLE

Sur les pistes d'essais sculptées dans une forêt de Roanne, le Serval, un véhicule blindé multi-rôles (VBMR) qui effectuera sa première sortie sur les Champs-Elysées le 14 juillet lors du défilé militaire, se livre à quelques arabesques, jonglant aisément de la terre au bitume.

Plutôt trapu, il est assemblé sur le site de Nexter à Roanne, comme les autes blindés du programme "Scorpion", où tous les engins sont connectés entre eux et en temps réel sur un théâtre d'opération, au service d'un "combat collaboratif".

Observant les manoeuvres depuis une tourelle, le directeur du programme Serval, Patrice Randrianangaly détaille l'usage: "il est destiné à intervenir en urgence, pour des brigades d'ouverture de théâtre, par exemple pour un débarquement. Grâce à sa compacité, un Airbus A400 M peut en emporter deux en même temps, en ordre de combat". 

De quoi faire oublier le vénérable VAB (Véhicule de l'avant blindé), 40 ans de campagne, qu'il remplace avec un autre véhicule fabriqué à Roanne, le Griffon.

La livraison du Serval, dernier né de "Scorpion", a débuté en mai 2022 à la direction générale de l'armement (DGA), qui le répartit ensuite aux forces. Premier servi: le 3e RPIMA (parachutistes d'infanterie de marine) à Carcassonne, en mai, avec une quarantaine d'exemplaires. 

Le projet de loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030, en cours d'adoption, en prévoit la livraison de 1.405 d'ici 2030, et de 2038 en 2035.

Mais Nexter se trouve confronté aux aléas du rythme des commandes, devant composer pour piloter au mieux son outil industriel.

"A ce jour, nous sommes notifiés pour 364 livraisons d'ici 2025", indique Olivier Bonfils, directeur des productions. Mais "nous travaillons par bons de commande et, au-delà de 2025, il y a une incertitude sur la production", relève-t-il.

Le cadencement est "un sujet de vigilance et nous devons savoir comment étaler cette production sur les prochaines années", abonde M. Randrianangaly, espérant que les échanges avec la DGA déboucheront sur "une prise de commandes fin 2023 pour les années après 2025".

Cette "vigilance" est partagée par Texelis, co-traitant de Nexter pour Serval. Implantée à Limoges, cette société de 400 personnes fournit des éléments de mobilité (châssis, essieux...).

Economie de guerre

"Environ 50% de notre chiffre d'affaires dépend actuellement du Serval, nous avons calibré notre outil industriel à cet effet. Il serait difficile à encaisser de descendre à des cadences plus basses", avertit l'entreprise, qui réalise environ 40% de son chiffre d'affaires pour le civil (bogies pour métro et tramway notamment).

Cette recherche d'une meilleure visibilité dans le rythme des commandes concerne une myriade de PME plus modestes, qui travaillent en bout de chaîne pour Roanne et ses 1.481 salariés (700 en 2018). 

Un puzzle dont l'approvisionnement se gère au cordeau, surtout par ces temps d'assèchement de certains marchés (composants électroniques, matières premières). Mais aussi en raison du nouveau mode de production adopté: les différentes lignes d'assemblage sont désormais organisées par "stations", pour un rythme plus élevé, conséquence directe du lancement du programme Scorpion en 2018.

Le canon Caesar n'a pas échappé à cette nouvelle organisation. Nexter passe dans le cadre de l'"économie de guerre" à une production accélérée de ces canons livrés à l'Ukraine: de 31 mois avant le conflit, le cycle de production, jusqu'à la livraison, est tombé à 17 mois aujourd'hui, avec un objectif à 12 mois en 2024.

Jusqu'alors, la fabrication était réalisée par "box": le Caesar était assemblé à un même emplacement. Désormais, il passe d'une "station" à une autre, un "flux tiré" qui a accéléré le tempo et permettra, associé à un gros travail de gestion des stocks, un rythme de 8 pièces par mois d'ici 2024 contre 4 aujourd'hui.

"Nous nous sommes donnés les moyens de répondre à la commande étatique, pour produire plus et plus vite", résume M. Bonfils. Prélevés sur le stock des armées, 30 Caesar ont été livrés à l'Ukraine, la production roannaise actuelle vise à les remplacer. 

"L'économie de guerre, c'est une expression. Maintenant, on attend les commandes", traduit Olivier Sachet, secrétaire CFDT du site de Roanne, saluant par ailleurs "un dialogue social plutôt constructif, après des années de plans sociaux jusqu'en 2018". 

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