A quoi vont ressembler les régions en 2016 ?

Plus grandes, plus équilibrées, même si des écarts importants subsistent : l’Insee dessine le visage que prendront les nouvelles régions au 1er janvier 2016. Leur puissance économique vis‑à‑vis de leurs concurrentes européennes reste à évaluer.

A quoi vont ressembler les régions en 2016 ?

D.R.

“Il n’y a plus de très petites régions”, note Luc Brière, chef de la division statistiques régionales, locales et urbaines à l’Insee. C’était le 14 avril à Paris, lors de la présentation de l’ouvrage La France et ses territoires de l’Institut national de la statistique et des études économiques, pour partie consacré à la physionomie des nouvelles régions, telles qu’elles naîtront de la mise en application de la loi du 16 janvier 2015, relative notamment à la délimitation des régions. Le 1er janvier 2016, donc, la France passera de 22 à 13 régions en France métropolitaine. Seules 6 régions ne sont pas modifiées. Dans la nouvelle configuration, note l’Insee, les profils des régions se rapprochent : chacune des régions métropolitaines dépasse les deux millions d’habitants et pèse au moins 3% du PIB, à l’exception de la Corse qui compte 0,3 million d’habitants pour 0,4% du PIB.

Une homogénéité démographique et économique accrue.

Sur le plan démographique, deux très grandes régions se distinguent : l’Ile-de-France, avec ses presque 12 millions d’habitants, suivie par la région issue de la fusion entre Rhône- Alpes et Auvergne, qui compte 7,6 millions d’habitants. Pour le reste, les régions vont se répartir en deux groupes : le premier rassemble 5 à 6 millions d’habitants, et le second, 2 à 4 millions. Dans le premier groupe, figurent le Nord-Pas-de-Calais-Picardie, l’Aquitaine-Limousin-Poitou- Charentes, le Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées, ainsi que l’Alsace-Champagne- Ardenne-Lorraine, suivi de la région PACA (Provence-Alpes- Côte d’Azur). “Par rapport aux régions européennes limitrophes, les nouvelles régions atteignent des niveaux de population importants”, remarque Luc Brière. C’est le cas du Nord-Pas-de-Calais-Picardie : le nouvel ensemble compte 6 millions d’habitants, soit presque autant que la région flamande où vivent 6,3 millions d’individus et beaucoup plus que la Wallonie (3,5 millions d’habitants). Autre exemple, la nouvelle région Auvergne-Rhône-Alpes avec ses 7,6 millions d’habitants. Sa population est quasiment similaire à celle de la Suisse (7,9 millions d’habitants). Elle demeure toutefois moins peuplée que la Lombardie italienne et ses 9,9 millions d’habitants, mais pour une superficie trois fois supérieure. La même tendance à l’homogénéisation est constatée dans le champ économique. “On observe des groupes de régions équivalentes, aux caractéristiques économiques resserrées”, constate Luc Brière. En matière de poids de la région dans le PIB national, les nouvelles entités se répartissent principalement en deux groupes. Dans le premier, le PIB de chaque région pèse environ 7% du PIB total. C’est le cas des régions Aquitaine-Limousin Poitou- Charentes, Nord-Pas-de-Calais- Picardie, PACA, Languedoc- Roussillon-Midi-Pyrénées et de l’Alsace-Champagne-Ardenne- Lorraine. Le second groupe de régions est doté d’un PIB qui pèse entre 3 et 5% de celui national. Parmi eux, celui de la région Centre-Val de Loire, qui pèse 3,3% du PIB, est le plus petit. A l’autre extrémité, deux régions pèsent plus lourd : il s’agit de l’Ile-de-France (29,8%) et de l’Auvergne-Rhône-Alpes (11,4% du PIB). Une autre variable économique tend vers plus d’homogénéité : le processus de regroupement réduit les écarts régionaux en matière de type d’activité. Exemple : alors que le secteur agricole pèse le plus en Champagne-Ardenne avec 8,7% de la valeur ajoutée régionale en 2012, le poids de l’agriculture en région fusionnée Alsace-Champagne- Ardenne Lorraine n’est plus que de 3,5%.

Les mélanges des genres et les différences qui subsistent.

Qu’il s’agisse de la démographie ou de l’économie, cette homogénéisation relative est le fruit du rapprochement de zones géographiques qui connaissent des dynamiques différentes. Ainsi, sur le plan démographique, des régions à forte densité de population sont agrégées à des régions qui le sont moins. C’est le cas, par exemple, du Nord-Pas-de-Calais qui rejoint la Picardie. Autre mélange, celui de territoires qui connaissent des niveaux de PIB par habitant très différents, à l’image de Rhône-Alpes et de l’Auvergne. Toujours dans le domaine économique, le rapprochement de régions aux activités différentes aboutit à des ensembles où certaines spécificités s’estompent. Ainsi, quand la Champagne-Ardenne affiche traditionnellement un pourcentage de services marchands dans son activité de l’ordre de 24%, en deçà de la moyenne nationale, ce n’est plus le cas de l’économie de la nouvelle entité régionale, composée à 28% de ces services. En dépit de cette tendance globale à l’homogénéisation, “des disparités territoriales subsistent”, ajoute Luc Brière. Ainsi, au Nord et à l’Est, demeure une population plus jeune qui augmente peu, alors qu’au Sud et à l’Ouest, elle augmente et vieillit plus vite. Par ailleurs, l’observation de l’évolution du PIB entre 1990 et 2012 sur le territoire des nouvelles régions créées fait apparaître des trajectoires diverses. Cinq groupes se distinguent durant cette période au cours de laquelle le PIB national a augmenté de 1,6%. Un premier groupe de régions a connu une croissance très en deçà de ce taux, composé de l’Alsace- Champagne-Ardenne-Lorraine (0,8%), la Bourgogne-Franche- Comté (0,8%) et le Centre-Val de Loire (0,9%). Un deuxième groupe de régions a bénéficié d’une croissance légèrement supérieure (1,1% environ), mais toujours inférieure à la moyenne nationale. Il comprend le Nord- Pas-de-Calais-Picardie et la Normandie (Haute et Basse- Normandie). Se situent au niveau de la moyenne nationale l’Auvergne-Rhône-Alpes, et l’Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, qui forment le troisième groupe. Le quatrième ensemble est constitué de trois régions qui ne sont pas touchées par les regroupements et qui affichent des taux d’environ 1,8% (Bretagne, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Ile-de-France). Enfin, les Pays de la Loire et Languedoc-Roussillon-Midi- Pyrénées dépassent les 2 % de croissance. Reste, note l’Insee, que ces chiffres masquent des dynamiques diverses : par exemple, si les deux régions d’origine connaissent chacune la croissance, celle du Languedoc- Roussillon est plutôt liée à un processus de rattrapage tiré par la forte croissance de la population, alors que Midi-Pyrénées a bénéficié du dynamisme de secteurs moteurs comme l’aéronautique et les services marchands.