A peine nommé, Barnier déjà sous le feu de la gauche et la pression du RN
Tout juste nommé à Matignon, Michel Barnier a essuyé samedi les tirs croisés de la gauche, qui a appelé à manifester dans des dizaines de villes pour dénoncer "un coup de force", et du Rassemblement national qui...
Tout juste nommé à Matignon, Michel Barnier a essuyé samedi les tirs croisés de la gauche, qui a appelé à manifester dans des dizaines de villes pour dénoncer "un coup de force", et du Rassemblement national qui dit placer le nouveau Premier ministre "sous surveillance".
C'est le baptême du feu pour Michel Barnier qui doit déjà faire face à des manifestations à l'appel de La France insoumise, notamment à Paris où un cortège a arpenté le parcours classique Bastille-Nation, réunissant 26.000 personnes selon la police, 160.000 selon les organisateurs. Samedi soir, les autorités ont recensé 110.000 manifestants dans le pays, contre 300.000 selon les initiateurs du mouvement.
La colère est d'abord tournée contre Emmanuel Macron et son "coup de force démocratique", selon les mots des initiateurs de la marche, furieux de ne pas voir nommée à Matignon Lucie Castets, candidate d'une gauche unie forte de 193 députés.
"La démocratie, ce n'est pas seulement l'art d'accepter d'avoir gagné, c'est aussi l'humilité d'accepter de perdre", a ainsi lancé à l'adresse d'Emmanuel Macron le patriarche Insoumis Jean-Luc Mélenchon, juché sur un camion dans le cortège de la capitale.
"Ce que Macron nous offre ce n'est pas une cohabitation, c'est une provocation", a tancé sur BFMTV la cheffe des écologistes Marine Tondelier, promettant de ne pas se "résigner", dans le rassemblement de Lille.
Geneviève, une retraitée de 68 ans défilant dans les rues de Marseille s'indigne contre un "énorme déni de démocratie qui sature la population. On ne se sent pas entendu depuis des mois, ce n'est plus possible", déplore-t-elle, drapeau du Nouveau parti anticapitaliste à la main.
Le choix de Michel Barnier, issu de la droite, a renforcé la détermination des manifestants. "Nous voyons qu'un pacte a été scellé entre la macronie, la droite et l'extrême droite", a pesté devant la presse parisienne la députée LFI Aurélie Trouvé, alors que fusaient dans la foule des "Macron démission".
L'initiative, lancée fin août par deux syndicats d'étudiants et de lycéens puis reprise en main par LFI, s'inscrit dans une stratégie de contestation plus large des Insoumis qui ont déposé à l'Assemblée nationale une procédure de destitution du président de la République.
Mais les troupes mélenchonistes peinent à faire le plein de soutien à gauche: comme les grandes centrales syndicales, le PS n'a pas relayé l'appel à manifester samedi et seuls six élus écologistes et trois ultramarins ont paraphé, en plus des députés LFI, la proposition de destitution.
Un gouvernement "fragile" ?
La pression n'est pas venue que de la gauche samedi. Le président du Rassemblement national Jordan Bardella, en déplacement à la foire de Châlons-en-Champagne, a exigé de M. Barnier que "les sujets du Rassemblement national" soient pris en compte par un futur gouvernement étiqueté comme "fragile".
Si le RN a jusque-là fait savoir qu'il jugerait M. Barnier "sur pièces", et n'entendait pas tenter de le renverser à l'Assemblée nationale avant de connaître le contenu de son programme, le ton s'est durci, le parti à la flamme capitalisant sur son contingent de 126 députés (142 avec les alliés d'Eric Ciotti). "Nous aurons sans doute un rôle d'arbitre dans les prochains mois et à compter d'aujourd'hui", a rappelé le chef du RN.
"Je crois qu'à compter de ce jour, M. Barnier est un Premier ministre sous surveillance (...) d'un parti politique qui est désormais incontournable dans le jeu parlementaire", a-t-il ajouté, tout en assurant plus tard sur TF1 ne pas vouloir participer "au désordre institutionnel et au chaos démocratique".
"Moi, je suis sous la surveillance de tous les Français", a rétorqué M. Barnier en marge de son premier déplacement en tant que chef du gouvernement, à l'hôpital Necker à Paris.
A l'adresse de la gauche, il a récusé les mots de "coup de force, qu'il n'y a pas lieu de prononcer". "On n'est pas dans cet état d'esprit là. L'esprit, c'est de rassembler autour d'un projet d'action gouvernementale", a-t-il encore plaidé, faisant valoir que la situation financière du pays était "grave".
Le Premier ministre a également poursuivi samedi ses consultations à Matignon où il a échangé samedi matin avec sa prédécesseure Elisabeth Borne avant de déjeuner à l'Assemblée avec la présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet. Dimanche à 11H00, il recevra les représentants d'Horizons, dont un autre ex-Premier ministre, Edouard Philippe.
En jeu, le casting gouvernemental et surtout l'établissement d'une feuille de route, exercice périlleux dans une Assemblée fragmentée.
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