À Oye-Plage, Chicorée du Nord fête ses 90 ans
Chicorée du Nord est la dernière entreprise artisanale française de torréfaction de chicorée. Cette année, l’entreprise pourrait voir son activité menacée par une décision de l’Union européenne.
En 2020, Stéphane Catrice et Agnès Lutun, arrière-petite-fille du fondateur de Chicorée du Nord, reprennent l’entreprise familiale installée Oye-Plage. «La vieille dame», l’appellent-ils affectueusement. À sa création en 1934, Chicorée du Nord est une sécherie. Dans les années 1980, l’entreprise se lance dans la torréfaction, l’ultime étape de production de la chicorée.
C’est lors de cette étape que la racine séchée de chicorée – la cossette – passe dans un four où elle caramélise avant que le produit ne soit refroidi et concassé. Aujourd’hui, 1 500 tonnes de chicorée sortent chaque année de l’usine, le plus souvent sous forme de sacs de 20 kilogrammes ou en «big bags» d’une tonne. 70% de cette production est exportée à l’étranger, où la chicorée jouit d’une excellente image, portée par ses bienfaits pour la santé et sa capacité à se substituer au café.
Une entreprise labellisée
Agnès Lutun, Stéphane Catrice et leurs huit salariés sont les derniers torréfacteurs artisanaux de chicorée français. Un savoir-faire qui a valu à l’entreprise familiale d’être labellisée «Entreprise du patrimoine vivant» par l’État en 2023. Au même moment, Chicorée du Nord obtenait le label PME+, attribué aux entreprises engagées dans une démarche RSE.
«Se faire labelliser, c'est entrer dans une démarche d'amélioration continue sur les volets sociétal, écologique et social» détaille Stéphane Catrice. Parmi les évolutions mises en place par l’entreprise, il y a l’amélioration des conditions de travail des salariés, mieux équipés pour le port des charges lourdes. L’entreprise travaille également sur les performances énergétiques de l’usine en lançant son bilan carbone. «L’Ademe nous dit que la chicorée a un impact carbone dix fois plus faible que le café» se réjouit déjà le torréfacteur.
Filière menacée
Une menace pèse cependant sur l’ensemble de la filière : l’interdiction par l’Union européenne du benfluraline, un herbicide utilisé par les agriculteurs pour la culture de la chicorée et de l’endive. Une décision qui doit prendre effet au mois de mai 2024. «On demande trois ans pour trouver le produit qui remplacera le benfluraline», explique Stéphane Catrice, qui espère une dérogation.
Si l’interdiction venait à être confirmée, les agriculteurs pourraient renoncer à cultiver la chicorée, s’inquiète le torréfacteur qui serait alors privé d’une partie de sa matière première. Et la filière bio peinerait à répondre aux besoins de l’entreprise. En deux ans, la part du bio dans le chiffre d’affaires de Chicorée du Nord a reculé de 55% à 40%. « Je ne peux pas maintenir l’entreprise avec 40% du chiffre d’affaires, ce n’est pas possible » conclut l’ansérien.