A Londres, les parcours d'entrepreneurs immigrés qui ont façonné le Royaume-Uni
Du co-fondateur du géant Marks & Spencer au créateur Jimmy Choo, en passant par des restaurateurs de quartier, une exposition au Musée de l'Immigration de Londres retrace les parcours d'entrepreneurs immigrés qui, au-delà de leurs histoires...
Du co-fondateur du géant Marks & Spencer au créateur Jimmy Choo, en passant par des restaurateurs de quartier, une exposition au Musée de l'Immigration de Londres retrace les parcours d'entrepreneurs immigrés qui, au-delà de leurs histoires individuelles, en disent long sur l'histoire du Royaume-Uni.
Intitulée "Les entrepreneurs immigrés et la fabrique du Royaume-Uni", cette exposition qui se tient jusqu'à la fin du mois de septembre veut "explorer les histoires d'entrepreneurs immigrés (...) et les nombreuses façons dont ils ont façonné nos vies, des vêtements que nous portons, à la nourriture que nous mangeons, aux applications que nous avons sur nos téléphones", explique à l'AFP Matthew Plowright, directeur de l'engagement et de la communication du musée.
Niché dans un centre commercial de Lewisham (sud de Londres), le musée a reproduit un quartier d'une ville britannique typique, où chaque bâtiment présente des entreprises d'un secteur d'activité: restaurants, technologies, meubles, produits de beauté, mode, etc.
Au gré de sa déambulation, le visiteur peut découvrir les origines d'entreprises connues de tous les Britanniques, comme Marks & Spencer, cofondé par Michael Marks, né dans une famille juive polonaise arrivé à Leeds en 1882, ou encore la première chaîne de cafés du pays Costa Coffee, créée par les deux frères Sergio et Bruno, arrivés d'Italie dans les années 1950.
Humaniser le débat
Mais l'exposition retrace aussi le parcours, souvent semé d'embuches, de dizaines d'immigrés anonymes, venus au Royaume-Uni pour fuir l'oppression, la misère ou simplement pour étudier et qui y ont créé leur propre activité.
Comme Gary et Jin Hui, venus de Hong Kong au milieu des années 1980 et propriétaires d'un restaurant de plats chinois à emporter dans le sud du Pays de Galles. Leur fille, Angela, 31 ans, a reproduit pour l'exposition leur ancien comptoir, derrière lequel elle et ses frères ont longtemps aidé leurs parents qui ne parlaient pas anglais.
"L'histoire britannique est si complexe, via le colonialisme notamment, et je pense que beaucoup de personnes ne comprennent pas cela" quand on parle d'immigration, explique-t-elle.
Immigrés caribéens, juifs fuyant les persécutions en Europe, étudiants indiens ou d'anciennes colonies africaines, les parcours de ces entrepreneurs rejoignent l'histoire du pays, "et peut-être que cela nous aide (...) à penser le débat actuel sur l'immigration d'une manière un peu différente", veut croire Matthew Plowright.
Nomshado Michelle Baca est ainsi arrivée à l'âge de 7 ans avec sa mère du Zimbabwe en 1996. Elle a grandi dans le Kent (sud-est de l'Angleterre), et après une école de commerce et plusieurs années dans la mode, elle a créé en 2018 "The complexion company", société de produits de beauté et de compléments alimentaires adaptés aux femmes noires.
Elle regrette les débats actuels autour de l'immigration, qui selon elle "manquent de recul". "Le Royaume-Uni a toujours été l'une des plus importantes places d'échanges du monde et d'oublier cela n'est pas seulement nocif pour les personnes immigrées mais aussi pour le Royaume-Uni", souligne-t-elle à l'AFP.
Pas une coïncidence
"Souvent quand les gens parlent de l'immigration dans les médias ou dans la classe politique, ce sont des débats très impersonnels sur des nombres, des chiffres" et nous voulons "évoquer les histoires personnelles derrière les gros titres", explique Matthew Plowright, alors que les conservateurs au pouvoir ont fait du contrôle de l'immigration une priorité depuis le Brexit.
Selon une étude du Centre for Entrepreneurs, une entreprise britannique sur sept a été créée ou co-créée par une personne immigrée.
Et trois des six personnes les plus riches du pays n'y sont pas nées, dont le premier, Gopichand Hinduja et sa famille, propriétaires d'origine indienne du conglomérat Hinduja Group, selon le classement 2023 du Sunday Times.
"Ce n'est pas une coïncidence", selon Matthew Plowright, car "quand vous arrivez de l'étranger, vous n'avez pas le réseau, les connections pour vous insérer facilement sur le marché du travail, et donc souvent vous vous lancez seul, par nécessité".
Mais l'exposition met aussi en avant "la complexité, la discrimination, les défis et les difficultés que beaucoup de chefs d'entreprises et de personnes continuent d'affronter aujourd'hui", prévient-il. Par exemple pour obtenir des financements.
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