A Lille, un intérêt naissant pour les "bitcoins"
Alors que la Banque de France met en garde contre la devise internet, les premières rencontres autour de celle-ci attirent déjà quelques curieux.
Jusque ce début d’année encore, le bar La Machine, situé boulevard Victor-Hugo, était sans doute le seul commerce à Lille où il est possible de payer en “bitcoins”. Sébastien Couture, professionnel du web, y a organisé le 6 février une soirée apéro autour de la monnaie virtuelle : l’un des tout premiers événements «bitcoins» sur la métropole lilloise. «J’ai commencé par m’y intéresser il y a deux mois, explique Sébastien Couture. J’ai alors décidé de rechercher des personnes sur Lille qui s’y intéressaient aussi.»
Quelques jours plus tôt, le 28 janvier, c’est une conférence à l’université Lille 1 qui avait réuni une soixantaine de curieux autour du thème «La crypto-monnaie réinvente la monnaie : le bitcoin». Le conférencier n’était autre que Jean-Paul Delahaye (voir p. 5)à qui Sébastien Couture a fait appel pour éclairer les intéressés venus au bar La Machine. Pour certains comme pour Sébastien Couture, c’est la première fois qu’ils réglaient des achats sur un point de vente physique en bitcoins. «C’est même la première fois que j’achète un produit physique avec des bitcoins, reconnaît Sébastien Couture. Jusque-là j’achetais en ligne des services tels que de l’hébergement internet.»
Pour le règlement des consommations au bar La Machine, les transactions, de gré à gré, quasi instantanées, se font par smartphones interposés : celui du client et celui du barman. Ce dernier explique : «Dans l’application bitcoin, on saisit le montant à débiter en euros. La conversion se fait automatiquement en bitcoins via une plate-forme reconnue qui fait le change. Le logiciel affiche un QR code qu’on présente au téléphone du client. Il vérifie le montant et il valide la transaction, exactement comme pour un terminal de carte bleue. A partir de ce moment une fraction de son bitcoin est transféré au téléphone du commerçant.» La transaction ne coûte pas le moindre centime.
Sans cours légal, aucune garantie. En décembre dernier, la Banque de France, dans une publication, alertait sur les dangers des monnaies virtuelles telles que les bitcoins, «monnaie non régulée qui n’offre aucune garantie». «Le bitcoin ne peut être qualifié de monnaie ayant cours légal dans la mesure où il est possible de le refuser en paiement sans contrevenir aux dispositions de l’article R642-3 du code pénal qui sanctionne le refus d’accepter les billets et les pièces libellés en euros ayant cours légal», peut-on y lire. Et la Banque de France d’ajouter : «Cette monnaie ne répond pas non plus à la définition d’un moyen de paiement au sens du code monétaire et financier, dans la mesure où le bitcoin n’est pas émis contre de la remise de fonds.»
Les dangers, voire le caractère sulfureux des bitcoins, sont-ils redoutés au bar La Machine ? «Nous avons décidé d’accepter les bitcoins par curiosité technique, à titre expérimental et pour des montants infimes», répond le gérant. Avant la soirée apéro du 6 février et deux mois après le démarrage de cette expérimentation, le bar La Machine a enregistré en tout et pour tout quatre achats en bitcoins. «Les gens se posent des questions. Ils n’ont pas une vision exacte de ce qu’est le bitcoin.» Pour Sébastien Couture, «difficile de me prononcer. J’ai des avis mais qui se construisent. Je pense qu’il y a une place pour les bitcoins en tant que monnaie transactionnelle. Etant donné qu’il n’y a pas de frais de transaction ou que ces frais sont infimes, c’est intéressant pour les secteurs à faible marge. Je pense que c’est aussi intéressant pour les envois d’argent dans le cas des immigrés. Le bitcoin pourrait être légitime sur ces points. Mais je ne pense pas que c’est la monnaie qui pourrait remplacer l’euro». Pour l’heure, ce dernier point semble faire l’unanimité. Sébastien Couture annonce un autre événement «bitcoins» cette mi-mars à Lille.