A La Havane, la difficile quête de jouets de Noël en période de crise

Avec son gros sac rouge en bandoulière, un homme déguisé en père Noël distribue des sucreries aux enfants dans les rues de La Havane, sur une île où la crise économique contraint les parents au système D...

Un homme déguisé en père Noël dans une rue de La Havane, le 21 décembre 2023 à Cuba © YAMIL LAGE
Un homme déguisé en père Noël dans une rue de La Havane, le 21 décembre 2023 à Cuba © YAMIL LAGE

Avec son gros sac rouge en bandoulière, un homme déguisé en père Noël distribue des sucreries aux enfants dans les rues de La Havane, sur une île où la crise économique contraint les parents au système D pour espérer offrir des cadeaux à leur famille.

Sur une petite carte, un enfant liste les objets de ses rêves. "Cher Santa, pour ce Noël, je voudrais que tu m'offres une voiture télécommandée, un savon, des confitures, un charriot, un téléphone, un ballon, des feutres (...) et une paire de tongs".

Peu de ses voeux seront exaucés à Cuba, un pays plongé dans la crise, mais l'illusion doit être maintenue, selon ce père Noël qui déambule dans les rues de la capitale. 

"Certains auront un meilleur Noël, d'autres un moins bon mais l'important c'est qu'il y ait des rêves et qu'ils ne se perdent pas", dit à l'AFP cet ex-comédien qui ne souhaite pas donner son patronyme.

Agée de 49 ans et déjà grand-mère, Lin Vania Alonso sait qu'elle devra faire des choix. 

"J'achète soit les jouets, soit les vêtements soit la nourriture et les vêtements et la nourriture, c'est mieux que les jouets", dit-elle en passant devant des étals informels du centre-ville où sont vendus des jouets de mauvaise qualité en provenance de l'étranger.

Nostalgie

Lin se souvient avec nostalgie de son enfance, quand des jouets étaient distribués conformément aux "livrets de rationnement" fournis par le régime communiste pour que chaque famille dispose des produits de base.

Chaque mineur recevait des coupons lui donnant droit à trois jouets pendant la journée de l'enfance, célébrée en juin à Cuba.

"Ils m'ont offert des poupées, des patins, de faux ustensiles de cuisine et même une bicyclette", se souvient Lin. "A cette époque, j'ai reçu pas mal de cadeaux mais ce n'est plus comme ça aujourd'hui", dit-elle, regrettant la disparition de ce mécanisme à la fin des années 1980.

En dépit des difficultés économiques, Yanisleydi Alonso, 22 ans, assure qu'elle va tout faire pour offrir un cadeau à son fils de deux ans pour Noël.

"Je vais essayer de lui donner un cadeau, même si ce ne sera pas un cadeau très cher, mais j'essayerai de lui donner quelque chose", dit la jeune mère, avec son bébé dans les bras.

Les magasins de jouets qui avaient ouvert quand le système des coupons a disparu sont aujourd'hui abandonnés et les parents doivent désormais se tourner vers Facebook ou des groupes WhatsApp afin d'espérer trouver des cadeaux à portée de leur bourse.

Gepetto cubain

En 2020, pendant la pandémie de Covid, Yulién Granados, un petit entrepreneur de 35 ans, a été confronté à ce problème et a cherché une solution. 

Confiné avec sa famille, il ne trouvait pas de moyens de divertir son fils âgé de cinq ans et s'est alors lancé avec son épouse dans la fabrication de jouets en bois.

Depuis, son entreprise a conçu et commercialisé 19 jouets éducatifs. "Ca a changé ma vie" de pouvoir proposer "des jouets en bois (...) de bonne qualité et faits à Cuba", lance-t-il avec fierté, tenant à la main des figures géométriques qui stimulent la motricité et les associations de couleurs.

Avant, ce genre de produits pour les enfants s'achetait très cher à l'étranger, raconte ce Gepetto cubain, qui a récupéré de vielles ferrailles pour concevoir une machine à découper le bois.

"Pour rester inventifs, comme on dit à Cuba, il faut une dose d'émotion, ne pas abandonner et se dire qu'on va de l'avant pour les enfants parce qu'il y a vraiment un manque", explique-t-il. 

A Cuba, l'esprit de Noël s'était quelque peu perdu en 1970 quand le régime révolutionnaire avait décidé de ne plus faire du 25 décembre un jour férié. 

Le gouvernement était toutefois revenu sur cette décision en 1997 après une visite du pape Jean-Paul II dans l'île.

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