A Grenoble, stupeur après l'incendie d'une bibliothèque à la voiture-bélier

Une voiture-bélier a été précipitée dans la façade d'une bibliothèque municipale de Grenoble lors d'une nuit d'échauffourées et de violences, choquant le voisinage...

Des pompiers et des policiers devant une bibliothèque incendiée à Grenoble par une voiture-bélier en feu, le 19 février 2025 © Maxime GRUSS
Des pompiers et des policiers devant une bibliothèque incendiée à Grenoble par une voiture-bélier en feu, le 19 février 2025 © Maxime GRUSS

Une voiture-bélier a été précipitée dans la façade d'une bibliothèque municipale de Grenoble lors d'une nuit d'échauffourées et de violences, choquant le voisinage de ce quartier réputé difficile.

La bibliothèque, inaugurée en décembre et baptisée au nom de l'alpiniste Chantal Mauduit, est partie en flammes peu après minuit, ont relaté les riverains de ce quartier classé prioritaire du sud-ouest de la capitale iséroise.

"Le bâtiment est entièrement inutilisable, les dégâts sont colossaux", n'a pu que constater sur place Lucille Lheureux, adjointe au maire de Grenoble, tandis que des habitants et élèves du collège voisin observaient la scène, incrédules.

La bibliothèque "a été intentionnellement incendiée par propagation volontaire de l’incendie déclenché sur un véhicule projeté dans le bâtiment", a indiqué le procureur adjoint de Grenoble François Touret-de Coucy, venu lui aussi sur place.

Ce nouvel épisode de violences intervient dans un climat déjà alourdi à Grenoble par une attaque à la grenade la semaine dernière dans un bar associatif et par de fréquentes fusillades entre trafiquants de drogue les mois précédents.

Les faits ont été commis "dans un contexte de soirée tendue avec tirs de mortiers sur des véhicules de police et leur équipage par des individus non identifiés, possiblement suite à l'interpellation dans la soirée d'un vendeur" de drogue, "sans qu’un lien puisse être établi à ce stade", a noté le procureur.

"Il s'agit incontestablement d'une action de représailles, d'une action de riposte de la part de voyous que la présence de la police dérangeait", a estimé de son côté la préfète de l'Isère Catherine Séguin. 

Ces actes "d'une extrême violence (sont) insupportables, intolérables", a-t-elle ajouté, annonçant que 160 policiers seraient déployés dans les quartiers "dont 80 CRS" et resteraient "aussi longtemps que nécessaire". "Nous ne nous laisserons pas impressionner. Nous continuons d'occuper l'espace, la République est partout chez elle !", a-t-elle lancé.

Pour le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, qui s'était lui-même déplacé à Grenoble vendredi sur le thème de la sécurité, "ce qui se passe à Grenoble, comme dans tant de villes de France, est le signe d’une dérive mafieuse de certaines organisations criminelles qui répondent à l’action de l’État par des intimidations visant les services publics", a-t-il écrit sur X.

Toute la nuit

Encore visible, encastrée dans les restes de la façade et totalement calcinée, la carcasse de la voiture a été emportée en milieu de matinée mercredi par des équipes spécialisées, a constaté l'AFP.

"Ça a duré toute la nuit. J'étais dans ma chambre et tout d'un coup je vois des flammes, les pompiers qui arrivent. J'ai entendu un bruit, je croyais que c'étaient des feux d'artifice et c'était le toit qui explosait en haut", relate Sarah, une sexagénaire qui habite l'immeuble voisin.

Un groupe de trois jeunes mères regardaient elles aussi les pompiers travailler depuis le trottoir d'en face: "On est attristées et dégoûtées. Nos enfants sont scolarisés là, ils y vont tous les jours. Il y avait aussi de l'escalade et du taekwondo, des ordinateurs en libre accès".

"Quand j'ai vu ça, j'ai pleuré, ça me dégoûte pour les gosses. Nos enfants ont des activités scolaires ici. La bibliothèque venait d'être rénovée", déplore Tatiana, l'une des trois femmes. "Il va falloir se rabattre sur d'autres structures. Du coup il n'y a plus rien dans le quartier", regrette une autre habitante, Lexou.

Ecoeurés mais déterminés

"La Ville de Grenoble ne reculera pas", a réagi la municipalité dans un communiqué, réclamant un "renforcement des moyens de police nationale". 

"Malgré les menaces et les intimidations, elle poursuivra son action pour préserver le lien social et garantir à chaque Grenobloise et Grenoblois l’accès aux services publics", ajoute-t-elle.

"Nous sommes à la fois écœurés, touchés, affectés par cet acte, mais nous sommes aussi déterminés à faire vivre ce service public", a souligné l'adjointe, Lucille Lheureux.

"C'est un quartier qui est difficile, où il se passe beaucoup de choses compliquées. Il y a de la violence, des bruits (...) mais il y a aussi beaucoup de belles choses qui s'y passent", relève Gauthier Pénicaud, responsable de l'antenne grenobloise de l'association Le Rocher, qui vise à tisser des liens dans les quartiers.

"Le problème principal, c'est le manque d'amour, le manque de liens qu'il peut y avoir entre les gens. Tout le monde se méfie des uns des autres, etc. C'est ce qui peut parfois rendre difficile ces quartiers", estime-t-il.

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