A Douvrin, la gigafactory commence à se dévoiler

Ouverte depuis le 25 février dernier, la concertation sur l’implantation d’un site industriel de fabrication de batteries électriques au parc des Industries à Douvrin se poursuit. Un webinaire a rassemblé des intervenants qui ont répondu à un public d’internautes dans le cadre du débat public animé par la Commission nationale du débat public (CNDP). Compte-rendu.

La gigafactory représente 2 000 emplois. © ACC
La gigafactory représente 2 000 emplois. © ACC

Le projet d’implantation de la gigafactory à Douvrin et Billy-Berclau prend forme. L’enjeu réside dans une transition industrielle dont la batterie électrique pour l’automobile est le fer de lance. Aux commandes, l’entreprise Automotive Cells Compagny - de droit européen - qui rassemble au capital (32 millions d’euros) les constructeurs PSA, Opel et l’entreprise de fabrication d’accumulateurs électriques SAFT, sise à Levallois-Perret avec un établissement secondaire à Nersac en Nouvelle-Aquitaine, et dédié à l’ingénierie et aux études techniques.

Souveraineté énergétique

La concertation réglementaire qu’incarne la CNDP porte sur des questions clés : faut-il le faire, pourquoi et comment... Le webinaire du 15 mars s’est tenu dans un climat consensuel quant à la future réalisation du méga projet industriel. La construction d’un site de quatre bâtiments de production de cellules et modules de batterie coûtera 2 milliards d’euros d’investissement, dont 120 millions pour les collectivités territoriales (agglomérations et Région).

Laurent Buchaillat, secrétaire général pour les affaires régionales (SGAR) à la préfecture du Nord, a évoqué le soutien massif des pouvoirs publics : «26% de l’investissement total. C’est exceptionnel, stratégique en matière de transition écologique. Il nous faut sauvegarder la souveraineté énergétique de l’Union européenne. Nous nous inscrivons dans une stratégie de résilience et de relocalisation». 

Pour l’Etat, trois raisons président à une installation dans la région : des compétences tirées de son histoire industrielle et d’excellence, le positionnement géographique et ses dessertes, la présence d’acteurs comme rev3 qui ont anticipé. L’enjeu réside aussi dans l’ambition de rester en pointe dans l’industrie automobile de demain.

Une nouvelle étape industrielle dans un nouveau cycle européen ?

«La voiture électrique doit devenir la norme. Dans cette perspective, la réduction de la batterie est un axe majeur de développement», a expliqué Jean-Baptiste Pernot, directeur des opérations d’ACC. La société dispose de quatre implantations, dont trois en France. 

A Douvrin, le site sera calibré pour fournir de quoi équiper un million de véhicules d’ici 2030 dans «une approche européenne globale». Il insiste : "Il y a un virage qui est en train d’être pris dans la mobilité électrique. Nous sommes dans un contexte où l’Asie domine avec la Corée du Sud, le Japon et, bien sûr, la Chine. Beaucoup veulent s’implanter en Europe via des antennes ou des filiales. ACC est un vrai projet européen avec des centres de décisions en Europe.»

En écho, Bruno Frimat, directeur régional adjoint de l’Ademe, a dessiné une perspective : «La mobilité du futur, d’ici 2050, c’est de diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre. Le transport, c’est 36% de ce qu’on rejette. Il faut décarboner, repenser notre mobilité, maîtriser et limiter nos déplacements, les reporter sur des modes non fossiles, changer nos motorisations. Tout cela doit se traduire par moins de déplacements et plus de mobilité partagée.» Il faut rappeler qu’une batterie est produite en émettant 7 tonnes de dioxyde de carbone. D’où l’intérêt de construire au plus près des usages, tout en limitant les importations...

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Le site de Douvrin sera calibré pour fournir de quoi équiper un million de véhicules d’ici 2030. © Altimage/Philippe Frutier

Des emplois et des formations

Douvrin, c’est aussi - et surtout - du travail. Dans le contexte délétère des problèmes que vivent les entreprises Bridgestone et la Française de mécanique, les acteurs publics plébiscitent ce projet porteur de milliers d’emplois. 

«Douvrin, c’est 2 000 emplois. On peut s’attendre à un multiplicateur de trois en emplois indirects. Les entreprises régionales doivent en tirer parti. Nous allons les relier à ce projet via des rencontres. Le 25 mars prochain, c’est le lancement de CCI Business, une plateforme qui permettra de découvrir des opportunités de marché dans l’industrie. Nous mettrons à disposition notre outil formation. Et on le fera du sur-mesure s’il le faut», avance Fanny Lefebvre, directrice de la communication de la CCI Hauts-de-France.

Le recensement des emplois et des compétences est en cours. «On travaillera avec les acteurs régionaux pour la formation», promet Jean-Baptiste Pernot. 

Actuellement, une première équipe est formée dans le Sud-Ouest. Dès 2023, les premiers employés seront sur le site. «Il y en aura quelques centaines au début et on montera en charge au fur et à mesure de l’avancée du site», explique le directeur des opérations d’ACC. Auparavant, ce seront plusieurs centaines d’autres emplois qui seront créés pour le chantier. «Nous avons commencé à rencontrer des sous-traitants.» souligne-t-il.

Rattraper les concurrents asiatiques

Le projet de gigafactory mobilise des financements privés et publics. S’il n’est pas inscrit dans le plan de relance du Gouvernement (il a commencé avant la crise sanitaire), il est dans la même logique selon Laurent Buchaillat. «Mais le plan de relance français est financé à 40% par le plan de relance européen.» Les trois quarts des financements viennent des investisseurs en question qui pourront tirer sur des financements européens au titre de leur participation à un groupement de 17 entreprises en Europe qui répondent à des appels à projet sur la transition énergétique. Projet d’intérêt commun européen, la gigafactory a été le premier projet validé fin 2019.

«Les aides publiques sont avant tout pour la R&D. En vitesse de croisière, ce sont les actionnaires qui financent. L’aide publique est un coup de pouce pour rattraper nos concurrents asiatiques», précise le SGAR.

Le milliard trois cent millions d’euros d’investissement initial se scinde ainsi : deux tiers de financement français et un tiers allemand. En sus, des financements complémentaires sur la formation devraient être récoltés au vu du nombre d’emplois créés. Les études en cours dans le bassin du Béthunois sont prises en charge par l’Etat. Au total, Jean-Baptiste Pernot a annoncé un investissement «de 5 milliards d’euros dans la décennie».

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«A son tour l’automobile connaît des mutations : c’est une véritable opportunité», souligne Philippe Vasseur, président de rev3. © archives Aletheia Press/MR)


Président de rev3, Philippe Vasseur a pointé l’importance historique du projet : «Nous sommes au cœur du sujet industriel dans les Hauts-de-France. Le charbon, c’était 200 000 emplois. On a reconverti notre économie. On a misé sur l’automobile. Beaucoup. A son tour l’automobile connaît des mutations : c’est une véritable opportunité. Pour la planète bien sûr, mais aussi pour l’économie et l’emploi de cette région. C’est l’occasion de faire une région majeure dans l’électro-mobilité. ACC est un pilier d’une nouvelle filière, le cœur d’une nouvelle chaîne de valeur. C’est une chance à saisir dans une dimension globale.» La suite sur le site dédié : www.concertation-acc-batteries.fr