A Cuba, la distribution d'aliments de première nécessité toujours plus difficile
"Il faut dire la vérité, aussi dure soit-elle, ça va mal. Beaucoup de gens ont le frigo vide", témoigne Linorka Montenegro, mère au foyer de 55 ans. A Cuba, la distribution étatique d'aliments subventionnés, indispensables à...
"Il faut dire la vérité, aussi dure soit-elle, ça va mal. Beaucoup de gens ont le frigo vide", témoigne Linorka Montenegro, mère au foyer de 55 ans. A Cuba, la distribution étatique d'aliments subventionnés, indispensables à la survie quotidienne des habitants, cumule les difficultés.
Confronté à sa pire crise économique depuis 30 ans, le gouvernement communiste a toujours plus de mal à fournir ces denrées de première nécessité, réparties selon les besoins de chaque famille par le système de rationnement de la "libreta", introduit en 1963.
La semaine dernière, un cargo chargé de blé était bloqué dans le port de La Havane sans pouvoir décharger sa cargaison faute de "financement" pour le paiement de la marchandise, a fait savoir le ministère de l'Industrie alimentaire.
Il a annoncé dans la foulée la diminution temporaire du poids du pain distribué quotidiennement, qui passe de 80 à 60 grammes.
L'île a besoin de 3.000 tonnes de blé par mois pour assurer la production du pain qui est distribué chaque jour aux Cubains. En juillet et en août, le pays n'a pu acheter que 1.000 tonnes de blé, et 600 seulement en septembre, selon le ministère.
"J'ai droit à sept pains" par jour, explique à l'AFP Rosalia Terrero, 57 ans, qui vit avec six autres membres de sa famille dans le quartier de Centro, à La Havane.
Mais "mes petits-enfants les mangent pratiquement tous", souligne la quinquagénaire en sortant d'une boulangerie d'Etat où sont vendus les pains à un prix symbolique.
Rosalia Terrero travaille elle-même dans une "bodega", une de ces épiceries, présentes dans chaque quartier, où les habitants viennent acheter les autres denrées de première nécessité à des prix très largement subventionnés par le gouvernement.
Ces aliments représentent l'essentiel de la nourriture de la grande majorité des Cubains, qui n'ont pas les moyens d'aller dans les petites entreprises privées autorisées depuis 2021, dont les prix sont inaccessibles au plus grand nombre.
Pour Rosalia Terrero, les personnes âgées, qui reçoivent une maigre retraite, sont celles qui souffrent le plus. "On leur donne un seul pain (par jour), très petit, cela ne leur suffit pas", dit-elle.
Quatre mois
La situation n'est guère plus favorable pour d'autres produits de base. Début septembre, des cargos chargés de riz et de sel attendaient dans les ports de La Havane et de Santiago de Cuba (est), également faute de paiement.
Au même moment, la ministre du Commerce intérieur, Betsy Diaz, a annoncé qu'il n'y aurait en septembre "comme ce fut le cas en août, ni huile ni café" distribués dans les magasins subventionnés.
"Mon frigo est vide, il n'y a rien", se lamente Linorka Montenegro dans la file d'attente de la "bodega" de son quartier dans la Vieille Havane. Elle vient chercher 2,5 kg de riz et un kilo de sucre, même si elle a droit à plus, avec quatre enfants et cinq petits-enfants enregistrés sur sa "libreta".
"Ca va mal (...) je le vois dans mon immeuble, beaucoup de gens ont le frigo vide", témoigne-t-elle.
Depuis quatre ans, Cuba fait face à un durcissement de l'embargo américain décidé par le président républicain Donald Trump (2017-2020), que son successeur démocrate Joe Biden n'a guère assoupli.
Ces sanctions s'ajoutent à une faible récupération du tourisme post-pandémie et aux faiblesses économiques structurelles du pays, dont la production agricole est au plus bas et le manque de devises criant.
Cuba, qui n'a pas connu de telle crise économique depuis la chute de son allié soviétique au début des années 1990, est aussi confronté à des pénuries de carburant et de médicaments dans les pharmacies d'Etat, tandis que les coupures d'électricité sont quotidiennes.
La semaine dernière, le ministre cubain des Affaires étrangères, Bruno Rodriguez, a accusé l'embargo américain d'être en grande partie responsable de cette situation, soulignant qu'en un an les sanctions de Washington avaient coûté plus de 5 milliards de dollars au pays.
Le ministre a estimé le coût annuel de ces aliments subventionnés à environ 1,6 milliard de dollars, "soit l'équivalent de quatre mois de blocus".
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