A Bierne, Rodael élargit son spectre
En Flandre-Maritime, dans la zone d’activités de Bierendyck à côté de Bergues, la société Rodael est le fruit d’une histoire familiale où se mêlent audace et volonté. La PME, spécialisée dans les médicaments et compléments alimentaires, poursuit son développement.
Dans le hall où un portrait de Jean Bart accueille les visiteurs, Laurent Equipart, directeur général et représentant la troisième génération à la tête de l’entreprise, nous reçoit pour nous diriger vers la salle de pause. Sur la table, Le Monde Diplomatique : «C’est complet et fait réfléchir...»
Il raconte : "C’est mon grand-père qui a créé l’entreprise en 1962. Il était pharmacien. C’est le premier à avoir importé des États-Unis des gélules en France : des capsules de gélatine. Mon grand-père avait demandé un échantillon aux Américains. Il a reçu un carton de 62 millions de gélules et une facture...» L’entreprise s'installe dans un entrepôt de Téteghem où les stocks importés irriguent le marché français.
Au milieu des années 70, le fondateur commence à remplir les gélules de divers médicaments. «Cela a été le véritable début de notre activité de sous-traitant, précise Laurent Equipart. Mon père a rejoint l’entreprise au début des années 80, avant de créer une nouvelle structure avec son père, en 1987, pour prendre les rênes en 1993.»
Diversification
En 1995, la législation pharmaceutique scinde les activités d’officine et de producteur-laborantin. C’est le grand tournant pour la famille Equipart qui choisit la seconde, et trouve un site pour construire une usine. En 2001, ce sont 1 300 m² qui surgissent de la zone d’activités qui borde l’autoroute A1. «On a sorti un médicament qui soigne la diarrhée des enfants et évite 40% des décès selon une enquête de l’OMS.» Ce traitement ralentit en effet fortement la déshydratation et lutte contre les problèmes neurologiques associés à la perte des sels minéraux. Rodael livre l’Unicef, l’activité se développe, d’autres clients arrivent et les produits commencent à se diversifier. Les trois quarts sont destinés au marché mondial.
En 2008, Rodael décide d’investir dans l'extension de son outil de production : le bâtiment passe à 5 600 m². «On a pris la décision juste avant la crise de 2008. On était 25 personnes et on tournait en trois fois huit. J’y travaillais quand j’étais puni», plaisante-t-il devant son père. «Un produit dure généralement trois ans. Il y a toujours des hauts et des bas dans l’activité. En ce moment, c’est la vitamine C qui s’envole. Le gluconate de zinc, c’est une hausse de 285%», explique l’ancien dirigeant, Paul Equipart.
En 2016, Rodael fait face à des difficultés majeures : 60% de sa production sont amenés à disparaître avec l’arrêt de certains produits. La troisième génération arrive dans ces conditions : «J'étais toujours en déplacement partout en France : salons, visites de clients, séances de téléphone. Je déposais des cartes de visite partout. Cela a fini par payer", se souvient le directeur général. En effet : en ce début d’année, la croissance de l’entreprise varie entre 7 et 40% selon les produits. «L’unité de vente est passée de 1 à 5 kilogrammes.»
De la cohérence avant tout
Dans l’usine, de petites unités de production en salles fermées fonctionnent dans des conditions de stérilité drastiques : un gage de confiance dans le secteur sanitaire.
Les machines des chaînes de production sont calibrées pour les espaces restreints, bordés par de larges couloirs. Chaque machine est totalement démontée et nettoyée pièce par pièce après un cycle de production. D'ailleurs, le temps de nettoyage est parfois aussi important que celui de la production.
Après avoir perdu 40% de son chiffre d’affaires, Rodael remonte à plus de 7 millions d’euros en 2021, et a quadruplé le nombre de ses clients afin de réduire les risques. L’entreprise, qui emploie aujourd'hui 64 personnes, atteint son rythme de croisière malgré les difficultés à trouver les matières premières, dans un contexte tendu. Reste une recommandation majeure pour perdurer dans le temps : «Le plus important, c’est d’être cohérent avec soi-même. On ne peut pas prendre des risques sinon. Une entreprise, c’est un outil de travail. Ceux qui suivent peuvent changer, mais il faut qu’ils restent cohérents avec eux-mêmes et le projet d’entreprise. C’est comme ça qu’on peut emmener les équipes», insiste Paul Equipart.