90 nouvelles mesures de simplification au menu des entreprises
Mercredi 3 février à Paris, Manuel Valls, le Premier ministre, a annoncé 170 nouvelles mesures de simplification. Parmi celles-ci, 90 concernent les entreprises
Il faut simplifier. Et simplifier, c’est gagner en compétitivité pour nos entreprises, nos TPE, nos PME, nos entrepreneurs. » Dans un des salons feutrés de l’hôtel Matignon à Paris et devant un parterre de ministres, secrétaires d’État et chefs d’entreprises, Manuel Valls n’a pas renié la complexité de l’administration française. C’est dans ce contexte qu’il a annoncé 90 nouvelles mesures de simplification pour les entreprises, le 3 février. Sous couvert d’anonymat, un petit chef d’entreprise amiénois déclare même qu’il ne se relancerait pas dans l’aventure de l’entrepreneuriat s’il avait à recommencer. Les Français, pour un quart, sont d’accord avec lui. « Tous événements de vie confondus, un usager sur quatre témoigne de la complexité administrative rencontrée lors de ses démarches », écrit BVA dans son étude 2014, – La complexité administrative vue par les Français – , publiée en mars 2015. Trop de paperasse, trop d’interlocuteurs, trop de soucis en plus de son travail quotidien. C’est afin de répondre à ces difficultés que le gouvernement s’affaire depuis 2013 à résoudre cette caractéristique française. C’est aussi pour être au plus près des préoccupations des entrepreneurs que le Premier ministre a confié les rênes du Conseil de simplification, créé en 2013, à un duo atypique. S’y retrouvent un politique – actuellement Laurent Grandguillaume (député de Côte-d’Or) – et un chef d’entreprise – Françoise Holder (administratrice de la Holding Holder SA) depuis janvier 2015. Dans le Conseil se retrouvent aussi élus, chefs d’entreprises, administrations et experts. Sur le papier, l’idée a tout du bon coup.
Trop proche de l’existant… « Aujourd’hui, recruter quelqu’un, c’est le parcours du combattant pour savoir quel formulaire remplir, pour savoir à quelles aides on a éventuellement droit, etc., etc. », décrypte Sébastien Horemans, président de la CGPME Somme et Picardie. C’est afin de remédier à ces problèmes que sera mis en place en juin un simulateur qui intègre 40 paramètres de coûts et aides à l’embauche pour les PME. Il est déjà accessible en version bêta sur “modernisation.gouv.fr/cout-embauche”. C’est une des mesures phares de ce nouveau listing de simplifications annoncé au début du mois. Le simulateur de créances permettant de calculer le montant du crédit impôt recherche (CIR) en est une autre. Au rayon simulateur toujours, les entreprises pourront à partir de la fin de l’année mieux anticiper leurs choix stratégiques de financement, sur le modèle de l’aide publique simplifiée (APS). Une réponse personnalisée sera apportée à chaque entreprise. Cependant, cette possibilité existait déjà dans la pratique. « Ce n’est pas une simplification mais une aide. Les experts-comptables peuvent le faire », tempère Frédéric Tilly, le président de l’ordre des experts-comptables PicardieArdennes. Cela permet donc aux futurs utilisateurs de se passer des services d’un expert-comptable. Là encore, les experts-comptables se sont positionnés en accompagnateurs des entreprises. Depuis mi-janvier, un millier d’experts-comptables ont volontairement proposé leur aide via la plate-forme “business-story.biz”. Cette dernière propose de mettre en relation les professionnels et les entrepreneurs par département. Les trois premiers rendez-vous sont gratuits. L’ordre des experts-comptables en est à l’initiative.
… avec quelques bonnes idées « La télédéclaration des ruptures conventionnelles. C’est bien car cela demande du temps », explique Frédéric Tilly. L’expertcomptable, qui a lu attentivement le document, le reconnaît volontiers pour certaines mesures : « Cela va dans le bon sens. » Dans ce cas précis, le développement du portail TéléRC simplifie les démarches pour l’employeur comme pour le salarié, améliorant au passage le suivi et le traitement des demandes d’homologation. Cette mesure entrera en vigueur en novembre 2017. Ce n’est pas la seule. Depuis décembre 2015, les entreprises n’ont plus l’obligation de notifier la tacite reconduction des accords d’intéressement aux Direccte. « Au niveau du droit de la société, il y a des choses pas mal, comme la simplification des modalités de convocation aux assemblées générales qui pourra être faite par voie électronique. Ou encore le remplacement de l’obligation faite au gérant d’adresser aux associés les documents devant être joints à la convocation par la seule obligation de tenir ces documents à la disposition des associés au siège de la société et de ne les communiquer que sur simple demande. Le tout entrera en vigueur mi-2016 », détaille Frédéric Till
Contraire à certaines attentes Cependant, certaines simplifications subissent le courroux des professionnels. L’augmentation de la durée de validité de la carte professionnelle d’agent immobilier à cinq ans (au lieu de trois) à partir de juin 2016 est dans ce cas de figure. « On est déçus. Ce n’est pas un chemin de croix. Avec les CCI, on a mis tout en place pour que cela se fluidifie bien. La FNAIM avait obtenu que cela soit trois ans car dix ans, c’était trop long. Ça veut dire que le professionnel qui n’est pas dans les clous, qui ne fait pas de formations peut exercer pendant plusieurs années sans formation. Ce n’est que quatre documents. C’est peanuts ! », s’indigne Guillaume Maupin, le président de la FNAIM Nord-Pas-deCalais-Picardie. L’agent immobilier isarien prend ombrage également de la décision de simplifier l’exigence de formation continue pour le renouvellement de la carte professionnelle nécessaire à l’exercice d’activités de transaction et de gestion immobilière. Pour ce cas de figure, il met en avant la qualité du service vendu et l’intérêt du consommateur. Frédéric Tilly avance le même argument lorsqu’il évoque l’allègement des contraintes pour les activités réglementées. « On est assez prudents. Il faut simplifier, mais pas aller à l’encontre de la sécurité du consommateur », tonne-t-il.
Un constat en demi-teinte « Sur le fait de simplifier, Manuel Valls a tout à fait raison, commente Sébastien Horemans. Mais qu’il le fasse. Il ne faut pas décourager nos fonctionnaires, mais ils sont loin de nos problématiques. Ça va légèrement dans le bon sens. Il y a de bonnes initiatives, mais on fait que 2-3% du chemin », reprend-il. L’accord sur le principe est entier. Cependant, sur le fond et les mesures instituées, il l’est moins. Frédéric Tilly est sur la même longueur d’ondes : « Il n’y a pas réellement de simplification. C’est un catalogue à la Prévert qui concerne assez peu nos PME et TPE. Pour la plupart des annonces, c’est beaucoup de formalités papier qui deviennent numériques. C’est un peu gadget. Ce sont des mesurettes », conclut-il. Pourtant, selon Manuel Valls, les 325 mesures pour les entreprises (56% sont déjà effectives) et les 132 pour les particuliers (54% en place) ont déjà généré 2,2 milliards d’euros d’économies, depuis 2013, pour les collectivités, les entreprises et les citoyens.
Alexandre BARLOT