70 ans après son appel, l'Abbé Pierre une "icône" toujours actuelle

"Mes amis au secours, une femme vient de mourir gelée cette nuit" : le 1er février 1954, l'Abbé Pierre lance son célèbre appel. 70 ans plus tard, ce défenseur inlassable des sans abri et des mal-logés reste une icône dont le...

L'Abbé Pierre, le 5 décembre 1987 à Saint-Wandrille, en Seine-Maritime © Mychele DANIAU
L'Abbé Pierre, le 5 décembre 1987 à Saint-Wandrille, en Seine-Maritime © Mychele DANIAU

"Mes amis au secours, une femme vient de mourir gelée cette nuit" : le 1er février 1954, l'Abbé Pierre lance son célèbre appel. 70 ans plus tard, ce défenseur inlassable des sans abri et des mal-logés reste une icône dont le combat demeure, selon les associations, "criant d'actualité". 

Relayé sur les ondes de Radio Luxembourg, le cri de l'Abbé Pierre, de son vrai nom Henri Grouès, provoque ce que l'on appellera plus tard une "insurrection de la bonté": un immense mouvement de générosité poussant le gouvernement d'alors à agir.  

"Son appel de 1954 faisait appel à l'humanité, c'était criant de vérité et ça reste criant d'actualité", estime auprès de l'AFP Laurent Desmard, président d'honneur de la Fondation Abbé Pierre. 

"Les gens qui l'écoutaient avaient vécu l'exode, les privations de la guerre et étaient très sensibles à la douleur des personnes vivant dans la rue à une période où il faisait extrêmement froid", se remémore celui qui fut l'ancien secrétaire particulier du prêtre décédé en 2007 à 94 ans.

Loin de s'éteindre avec sa mort, la figure de l'Abbé Pierre, à la barbe blanche, au béret et à la capeline noire, reconnaissable entre tous, et son combat pour les plus démunis continuent d'inspirer militants et artistes.

Rien que pour 2023, lui ont été consacrés un biopic ("L'Abbé Pierre, une vie de combats", de Frédéric Tellier, avec Benjamin Lavernhe), une bande dessinée ("L'Abbé Pierre, une vie pour les autres" d'Abdel de Bruxelles et Vincent Cuvellier, chez Casterman) et la réédition d'une biographie ("L'Abbé Pierre, l'insurgé de Dieu" de Pierre Lunel, chez Archipoche). 

Ses discours sont, eux, régulièrement partagés sur les réseaux sociaux, y compris par les plus jeunes sur TikTok, notamment celui prononcé par le prêtre en 1984 contre "les plus riches" et repris par le rappeur Nekfeu dans son morceau "Nique les clones". 

"Ceux qui ont pris tout le plat dans leur assiette, laissant les assiettes des autres vides, et qui ayant tout disent avec une bonne figure +Nous qui avons tout, nous sommes pour la paix !+, je sais ce que je dois leur crier à ceux-là : les premiers violents, les provocateurs, c’est vous !", déclarait l'Abbé Pierre.

Générations actuelles

Dans un sondage TF1 publié en 2021, il arrive en tête du classement sur la personnalité française la plus marquante des 40 dernières années, devançant Coluche, Simone Veil, François Mitterrand ou encore Johnny Hallyday.

Une popularité persistante qui n'étonne pas Laurent Desmard: il décrit un homme "qui prenait feu dès qu'il y avait un combat à mener, c'est cela qui en a fait une sorte d'icône et qui parle aux générations actuelles". 

L'Abbé Pierre avait cette capacité "à provoquer chez les gens une envie de se bouger, cela résonne aujourd'hui dans une société en quête de sens", abonde Nicolas Sueur, président d'Emmaüs France. 

Pour Nathalie Latour, de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), ces films et ces hommages montrent surtout "que les sujets pour lesquels il se battait restent totalement d'actualité, malheureusement".

Car 70 ans après, l'appel du 1er février ne souffre d'aucun "anachronisme" au vu de la "situation catastrophique" des personnes sans abri, estime Laurent Desmard. 

Selon les derniers chiffres de la Fondation Abbé Pierre, 330.000 personnes étaient sans abri en France en 2022, deux fois plus qu'en 2012. Le nombre d'enfants à la rue a lui atteint un record en novembre 2023, avec 2.822 enfants, dont 686 âgés de moins de trois ans. 

"Emmanuel Macron se ferait rouer de coups verbalement par l'Abbé Pierre qui ne mâchait pas ses mots", s'il était encore vivant, estime le porte-parole de Droit au Logement (DAL), Jean-Baptiste Eyraud.

Pour Antoine Sueur, le prêtre n'aurait sans doute "pas accepté ce qu'il se passe sur la question du logement ou sur la loi immigration". "Il aurait réagi et lancé un nouvel appel".

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