62 M€ d’euros pour booster la reconquête des friches industrielles

Depuis 31 ans, l’Etablissement public foncier (EPF) pilote la reconquête des friches industrielles du Nord et du Pas-de-Calais. Cette politique, destinée à économiser les terres naturelles de la région, est aujourd’hui boostée par les 62 millions d’euros que l’Etat va injecter via le fonds «friche», dans le cadre du plan de relance de l’économie.

Sur le site de La Plaine image à Roubaix, une école de cinéma et un campus universitaire verront bientôt le jour en lieu et place d'une ancienne usine textile (© Artfx)
Sur le site de La Plaine image à Roubaix, une école de cinéma et un campus universitaire verront bientôt le jour en lieu et place d'une ancienne usine textile (© Artfx)

Toutes les régions du monde portent les stigmates de leur passé. Dans le Nord - Pas-de-Calais, plus qu'ailleurs peut-être : à la fin des années 80, un rapport interministériel faisait état de 10 000 hectares de friches, soit 50% des friches du pays ! Un héritage qui pèse lourd mais qui, paradoxalement, offre aussi de belles opportunités aujourd'hui... à condition de pouvoir les financer. C'est tout l'objet du fonds "friche", intégré à France relance, et qui apportera son soutien à 37 projets dans les Hauts-de-France, dont 23 dans le seul Nord - Pas-de-Calais.

Viser le "zéro artificialisation nette" (ZAN)

Outre la disparition de ces véritables verrues au cœur des villes ou à leur périphérie, la reconquête des friches permet surtout d’économiser du foncier. «Chaque fois que l’on va chercher une friche, c’est un espace naturel ou agricole qui est préservé», défend Guillaume Lemoine, référent biodiversité et ingénierie écologique à l’EPF. Une aubaine dans un pays où on a une fâcheuse tendance à consommer la terre sans trop compter. «Tous les sept ans, la superficie d’un département français disparaît, déplore Guillaume Lemoine. Et sans rapport avec notre croissance économique ou démographique.» Selon diverses études, 1,5% d’augmentation de la population consomme en moyenne 5% du territoire.

«Nous sommes entrés dans une logique de sobriété foncière.» C’est d’ailleurs la volonté du Gouvernement. Lors de l’inauguration du Salon de l’agriculture en février 2019, le président Macron avait déclaré : «Nous avons fait ce choix radical, avec le Gouvernement, de viser le ‘zéro artificialisation nette’ (ZAN).» Cela intègre maintenant divers codes, avec la sortie de la toute récente loi portant sur "la lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets".

France relance tombe donc comme une aubaine. D’autant que pour Laurent Buchaillat, secrétaire général pour les affaires régionales à la préfecture de région, il y a urgence : «On voit que les aléas climatiques se succèdent à un rythme plus soutenu. Or, l’étalement urbain, c’est aussi l’artificialisation des sols, donc plus d’inondations. Cela a aussi des effets négatifs en termes de développement durable, de biodiversité et pas que... Quand on installe des logements plus loin du centre-ville, on génère des déplacements par exemple.»

Les Grands Moulins de Paris à Marquette, sont un bel exemple de reconquête de friche industrielle : des centaines de logements et de cellules commerciales, sans artificialiser le moindre centimètre carré de terre. (© Histoires et Patrimoines)


Le ministre table sur 6% de croissance

Deux dispositifs ont émergé. «On a financé 54 projets pour 35,5 millions d’euros de subventions», détaille le monsieur friche de la Préfecture. Ainsi, 3 300 logements, 165 000 m² de surface économique et 250 000 m² d’équipements publics ont vu le jour. «On vient de relancer un deuxième appel à projets pour 27 millions de subventions. Au total, on aura opéré plus de 62 millions d’euros.» L’autre dispositif est porté par l’Agence de la transition écologique, l'Ademe. Là, ce sont quatre projets qui ont été financés pour 1,4 million d’euros de subventions.

Laurent Buchaillat, secrétaire général pour les affaires régionales à la préfecture de région, défend une réduction drastique de l'artificialisation des sols. © Aletheia Press/B. Dequevauviller

L’intérêt de ces dispositifs est de rendre viable des projets qui n’auraient pas vu le jour sans un «petit» coup de pouce. «Quand il y a une logique de dépollution, de déconstruction et plus de contraintes dans la construction, ça complique les choses, détaille Laurent Buchaillat. Parfois, il est moins coûteux d’aller construire ailleurs. C’est pourquoi ce dispositif est centré sur le traitement des sites pollués, ce qui change l’équilibre économique d’un projet.»

Et du côté de l’Etat, on veut aller vite. «L’idée est de financer des projets qui verront le jour très vite et non pas dans cinq ans. L’objectif de la relance est de donner de l’activité. Or ces subventions vont générer beaucoup de travaux…» Car il y a un effet levier, quand on sait que ces subventions ne représentent qu’un faible pourcentage des montants investis pour réaliser ces projets. Du coup, on comprend mieux pourquoi Bruno Le Maire, le ministre des Finances, table désormais sur une croissance à 6%. Du jamais-vu depuis la disparition des mines et de l’industrie textile, il y a 40 ans. L’économie française serait-elle en train de renaître en partie de ses cendres ?

Mon projet : éligible ou non ?

Pour les appels à projets régionaux, sont éligibles les projets d’aménagement de friches dont le bilan économique est déficitaire, malgré l’optimisation de tous les autres leviers. Afin d’être éligibles, les projets devront aussi être suffisamment matures pour permettre un engagement des crédits du fonds d’ici fin 2022. Devront donc être connus la maîtrise d’ouvrage, les conditions de maîtrise du foncier, la programmation urbaine de l’aménagement ou le projet de revitalisation économique, le bilan économique de l’opération d’équilibre financier. En revanche, ne sont pas éligibles au fonds les opérations de simple mise en conformité à une obligation réglementaire, ni les opérations de simple démolition, dépollution, portage ou renaturation lorsqu’elles ne s’intègrent pas dans un projet d’aménagement avec production ou réhabilitation de surfaces de logements, de surfaces économiques ou d’équipements publics.