300 ans de justice honorés par la visite de la garde des Sceaux

300 ans de justice rendue à Douai au Parlement de Flandre ont réuni magistrats et ministre de la Justice lors d’une émouvante et très solennelle cérémonie. En attendant les réformes, la cour d’appel s’est vu confirmer la construction de son prochain tribunal.

Superbe reconstitution salle d'Anchin d'une chambre de l'ancien Parlement, avec -aux murs- les allégories dela Justice. (photos CA Douai)
Superbe reconstitution salle d'Anchin d'une chambre de l'ancien Parlement, avec -aux murs- les allégories dela Justice. (photos CA Douai)
D.R.

De gauche à droite, le préfet de région M.Dominique Bur, Mme Lottin, Premier président de la CA Douai, Mme Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la Justice, M.Olivier de Beynast, procureur de la République.

 Douai est devenue capitale judiciaire du nord de la France le 2 octobre 1714 quand Louis XIV y a déménagé le Parlement de Flandre, précédemment sis à Tournai et Cambrai. Ce bord de Scarpe s’appelait alors refuge de Marchiennes. Changeant plusieurs fois de nom, le Parlement reflète, dans sa décoration même, l’histoire mouvementée de notre région, en proie aux invasions, batailles, annexions, les pays étant conquis et très souvent reconquis. Le Parlement a donc vu son ressort fluctuer, il ne comptait alors que 3 chambres, 27 magistrats dont 3 greffiers et des chevaliers d’honneur.

 Des attentes. En rendant visite à cette audience solennelle qui, vu l’assistance nombreuse (tous les magistrats réunis, des professeurs d’université en robe, membres du siège et du parquet, tous les greffiers, tous les personnels…), a dû se réfugier dans les vastes et prestigieuses salles d’Anchin où l’on avait reconstitué la salle d’audience du Parlement, la garde des Sceaux, ministre de la Justice, Christiane Taubira, n’a pas caché son émotion face au géant Gayant qui était de sortie, mais aussi «éblouie par la qualité de cette audience». Accueillie par le premier président Mme Dominique Lottin et le procureur général, Olivier de Beynast, la ministre, qui fêtait là sa première audience solennelle de 2014, a répondu à quelques attentes (notamment sur des réformes plus rapides).

Il fut question de l’évolution des moyens (financiers) affectés par l’Etat. Elle a donc confirmé qu’en mai, le marché serait passé avec une entreprise pour la construction du nouveau tribunal à Douai. Particulièrement érudite, verbalement brillante et précise, la ministre a magnifié le passé du Parlement et la vitalité de la cour d’appel de Douai, mais ne s’est pas engagée sur la nature des réformes attendues. Précisant néanmoins que pour «répondre aux appels de détresse sans être submergé, il ne suffit pas de multiplier les effectifs. Il faut penser à la façon de rendre la justice». Mais aussi d’ajouter que le souhait émis, certes avec le sourire par Mme Lottin et Olivier de Beynast (lui, sous une autre forme : «que les valeurs de la justice soient respectées»), de voir enfin venir les réformes avait bien été compris mais que «les groupes de travail avaient demandé six mois supplémentaires» (ndlr : ils ont en effet rendu 268 préconisations…).

Rappelons enfin que la garde des Sceaux a entamé le lendemain même de sa venue à Douai, donc le 10 janvier, une vaste réflexion nationale à laquelle elle convie les magistrats et professions du droit sur le thème : «La justice du XXIe siècle», organisant pour ce faire deux « Journées de la justice».

Le programme des manifestations célébrant ce tricentenaire est composé de conférences historiques (la première débutant le 20 février, la dernière ayant lieu le 12 novembre), d’un colloque sur le droit international privé en mai et d’expositions. Consulter le lien spécialement créé : www.300ans-courdappel-douai.fr/programme.html

D.R.

Salle historique d'Anchin, toute la cour d'appel réunie avec ses « partenaires », en un seul lieu et le même jour !

 La puissance de la cour d’appel de Douai

 La CAD est une lourde machine qui réussit, malgré les restrictions budgétaires, à progresser sur le raccourcissement des délais de décisions, l’informatisation et la coopération européenne.

 Effectifs. La cour d’appel de Douai administre un ressort important  sur la région : 50 juridictions de premier degré, 10 tribunaux de grande instance (TGI), 17 tribunaux d’instance (TI), 16 conseils des prud’hommes et 6 tribunaux de commerce. Soit 491 magistrats et 1 276 fonctionnaires, plus 1 634 collaborateurs occasionnels, 1 700 avocats, 230 huissiers de justice et 470 notaires, quasiment tous issus des facultés de droit de la région (Douai, Lille, Boulogne). Son attractivité est croissante, en 2013 nombre de magistrats ont remplacé les partants (50% des effectifs environ), tous jeunes issus de l’Ecole nationale de la magistrature. La cour a aussi noué des contacts nombreux et forts avec les facultés et l’ENM pour mieux recruter, en particulier des candidats issus de milieux modestes.

 Budget et patrimoine. Le budget est conséquent : 66 M€ auxquels il faut rajouter la masse salariale de 109 M€. Le poids économique de la cour touche tous les secteurs, le pouvoir d’achat local par exemple ( Douai accueille chaque jour 117 magistrats, 167 greffiers et fonctionnaires) mais pas seulement. Le ministère de la Justice, possède le 5e parc immobilier de France avec 800 sites abritant 1 200 juridictions sur 2 100 000 m2. Ce patrimoine, il faut l’entretenir et le valoriser, ce qui rejaillit sur l’activité économique de notre région. Citons la construction d’un nouveau palais de justice à Avesnes achevée en 2007, la rénovation lourde du tribunal de Boulogne et bien sûr le chantier de rénovation en cours à Douai avec fin 2015 un nouveau bâtiment.

Les juridictions du ressort sont gérées aujourd’hui comme des entités économiques classiques via le service administratif interrégional. Aspect proprement économique que l’on retrouve dans l’informatisation et ses effets. Chaque jour 50 juridictions entrent dans de nouvelles pratiques via l’électronique, avec les avocats par exemple, en numérisant les dossiers d’instruction et utilisant la visioconférence pour les audiences. Gain de temps, gain d’argent.

 Une activité considérable. Ainsi la cour participe-t-elle à la régulation de l’activité sociale et économique régionale, influant sur la vie des familles. Le magistrat judiciaire est dans la cité, il dit le droit mais va plus loin en tenant compte des particularités économiques et sociales de son arrondissement judiciaire. En 2013, la cour a au total prononcé 54 000 décisions civiles et 27 000 jugements pénaux.

Le juge régule la vie sociale (litiges civils et commerciaux) dans les tribunaux de commerce mais l’activité prud’hommale est considérable aussi : en 2012, 11 568 décisions !

S’agissant de la paix sociale, les deux cours d’assises de Saint-Omer et Douai sont parmi les plus actives de France. En matière de trafic de stupéfiants, Douai étant au centre géographique de ces flux illégaux, la coopération judiciaire internationale avec la Grande-Bretagne, la Belgique et les Pays-Bas a démarré avec succès et Lille accueille l’une des neuf juridictions interrégionales spécialisées dans la lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière de grande complexité. La cour est la 3e cour pénitentiaire de France (avec 29 JAP et 13 parquetiers), avec 5 000 détenus écroués dans 12 établissements.

Enfin, 36 juges pour enfants ont en charge 24 347 mineurs en danger, dont 17 669 placés en familles d’accueil ou en foyers.

L'actuel Parlement de Flandre sera bientôt flanqué d'un nouveau tribunal ultra-moderne (fin 2015) .

L'actuel Parlement de Flandre sera bientôt flanqué d'un nouveau tribunal ultra-moderne (fin 2015) .

 NB : les délais : 9 mois pour le civil, 6 mois pour le pénal. En 2013, la cour a jugé à Douai même 20 246 affaires dont 14 028 au civil (+11% au total). Délais considérés comme très performants…