15 jours pour changer le climat
Notre région subit de plein fouet les changements climatiques. Les acteurs des Hauts-de-France se déplaceront à la COP23 pour s’y préparer et apporter leur contribution aux débats et réflexions engagés. Parmi eux, sont attendus des universitaires, chefs d’entreprise, experts ou encore députés.
Des pluies plus fortes en hiver, moins de gel et des coups de vent plus redoutables, un nombre croissant de jours caniculaires en été, des risques de submersion marine et d’inondations plus violentes pouvant atteindre Saint-Omer… Si rien n’est fait, le climat des Hauts-de-France va s’apparenter en 2050 à celui de la région nantaise, selon les résultats 2017 de l’Observatoire climat. Cela signifie aussi un taux d’ozone plus important, aggravant la pollution atmosphérique globale. Le commerce, l’immobilier, l’agriculture, la santé en sont déjà impactés.
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Mettre en œuvre l’accord de Paris
La région est présente à la COP23, la 23ème conférence de l’ONU sur les changements climatiques, qui se déroule jusqu’au 17 novembre. Elle est présidée par les îles Fidji et se déroule à Bonn en Allemagne, la ville du secrétariat de l’ONU sur les questions du climat. Les Nordistes ont déjà participé à la très médiatique COP21, qui a permis de ratifier l’accord de Paris, le plus gros traité de l’ONU quasi universel (seuls la Syrie et les USA ne l’ont pas signé). Il a fixé l’objectif de limiter le réchauffement climatique sous le seuil de 2°C, pourtant, la planète se dirige actuellement vers une hausse catastrophique de 3°C. Aujourd’hui, il s’agit de mettre en œuvre ce traité. «Pour avoir les Chinois et les Indiens dans le coup, on peut dire que l’accord de Paris fonctionne assez bien. C’est un grand succès international qu’il faut aujourd’hui transformer», souligne Antoine Bondelle, ingénieur E&E Consultant à Cassel et administrateur de l’ONG Réseau action climat.
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Poids sur les négociations
La COP23 n’est pas ouverte au grand public, son accès est limité aux Etats et aux représentants de la société civile : ONG, entreprises, syndicats, associations, peuples autochtones, collectivités… Elle est politique selon Lucile Dufour de l’ONG Réseau action climat : «Les pays vont préparer à Bonn la future COP24 de Pologne. En 2018, les États sont censés présenter leur feuille de route (les INDC-Intended Nationally Determined ou contributions décidées au niveau national). Elles présenteront les efforts qu’ils ont faits, qu’ils sont prêts à faire et leur budget alloué. C’est le fameux dialogue de facilitation.» Tout l’enjeu est d’atteindre l’objectif zéro gaz à effet de serre (GES) en 2050. Les États vont également travailler sur la mise en place de règles afin de vérifier les efforts de chacun, avec un principe de non-régression : ceux qui s’engagent ne peuvent pas faire moins que l’année suivante. Le retrait des USA n’a en rien démotivé les États à agir durant la COP23. Les négociations se font sous la pression de la société civile, notamment celle des Hauts-de-France, qui rencontre régulièrement les négociateurs durant ces 15 jours.
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Frein politique régional
Cette année encore, les Hauts-de-France se déplacent malheureusement en ordre dispersé, loin de l’image d’une région moteur sur les enjeux climatiques et visible sur ces grands événements médiatiques. Lors du Sommet de la Terre au Brésil en 2012 et de la COP21 à Paris en 2015, la délégation de la société civile était emmenée par le Centre ressource du développement durable (cerdd), émanation du Conseil régional. Les raisons de ce changement ? Certains avancent que la nouvelle majorité à la Région en 2016 aurait modifié sa stratégie environnementale : freins sur le développement de l’éolien et importantes restrictions budgétaires sur des projets de transition énergétique. Barbara Nicoloso, de l’association Virage énergie, souligne aussi une vraie défiance vis-à-vis des associations environnementales, «indispensables car en lien direct avec le citoyen». Pour un expert de l’urbanisme lillois, «quand on parle énergie aujourd’hui, on ne parle plus d’environnement mais uniquement d’économie ou de retour sur investissement. Il y a ce glissement sémantique qui occulte le débat central». Pour d’autres, la fusion des Régions et le développement de la REV3 (troisième révolution industrielle) ont réorienté les priorités.
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Convaincre 90% de la population à agir
Hervé Pignon, directeur régional de l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), tient à rappeler l’engagement des Hauts-de-France dans le master plan de la REV3 : «Le calendrier de nos actions est fixé sur deux horizons : stabilisation des GES d’ici 2030 et division par deux (pour les pays riches comme la France, c’est le facteur quatre) d’ici 2050, si on ne veut pas perdre le contrôle du climat. Aujourd’hui, 100% de la région est sensibilisée à cette problématique. Mais seul 10% d’entre elle passe à l’action. Il reste à convaincre les 90% restants à agir», en changeant notre façon de nous déplacer, consommer, travailler, produire,…
Phrase en gros et entre guillemets
“Si rien n’est fait, le climat des Hauts-de-France va s’apparenter en 2050 à celui de la région nantaise”
Encadré
Pourquoi se déplacent-ils à la COP23 ?
La COP23 n’est pas uniquement un haut lieu de négociations étatiques. La société civile des Hauts-de-France a son rôle à jouer, pour partager des expériences, développer son réseau, influencer les négociateurs et revenir sur son territoire avec de bonnes pratiques.
Audrey Keunebrock, présidente de Terraotherm (Villeneuve-d’Ascq et Grande-Synthe), une entreprise spécialisée dans le développement d’outils pour recycler la vapeur d’eau et les fumées industrielles. «Nous souhaitons promouvoir à la COP23 le recyclage de l’énergie thermique. 50% de la consommation d’énergie est liée à la production de chaleur (climatisation, chauffage…), notamment industrielle. Le recyclage de l’énergie thermique permettrait d’économiser 50% de la consommation d’énergie fossile. Nous espérons aussi rencontrer à Bonn des fonds financiers et des partenaires économiques potentiels.»
Philippe Valette, expert régional des océans au sein de Réseau océan global, directeur du Centre national de la mer Nausicaà (Boulogne-sur-Mer). «Je me déplace pour que les océans soient plus reconnus dans le mécanisme de régulation du climat. L’enjeu est de sensibiliser le grand public de façon toujours plus efficace à cette problématique.»
Antoine Bonduelle, ingénieur E&E Consultant (Cassel) et administrateur de l’ONG Réseau action climat. «J’ai débuté à la COP1, avant même que l’État s’y intéresse. Cette année, je vais échanger avec d’autres sur la problématique de l’absorption du carbone (comment rendre une région neutre en carbone). Et je participerai à un comité spécifique de l’ONU, qui donne son avis sur l’efficacité de l’activité politique à intégrer les préconisations des scientifiques.»
Jean-Baptiste Dollé de l’Institut de l’élevage (Arras). Il présentera un programme européen «Life Beef Carbon» qui vise à réduire de 20% l’empreinte carbone en dix ans de la filière bovine, tant pour la viande que pour le lait. «Le secteur bovin contribue à hauteur de 10% aux émissions des GES. Les Hauts-de-France sont d’ailleurs une région pilote : 250 fermes produisant du lait à faible impact carbone sont étudiées depuis 2013. Danone et McDonald’s souhaitent développer ce concept dans d’autres régions. Nous allons présenter nos résultats.»
Seront également présents Barbara Pompili, députée de la Somme, présidente de la commission développement durable et aménagement du territoire à l’Assemblée nationale, et Gilles Pargneaux, député européen et vice-président de la commission environnement, santé publique et sécurité alimentaire du Parlement européen, élu dans la circonscription Nord-Ouest (régions Normandie et Hauts-de-France), conseiller métropolitain délégué de la Métropole européenne de Lille. Certains profiteront pour rencontrer, jeudi 16 novembre, le président Macron, Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, et Stéphane Travert, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation.
Encadré
Chiffres
La COP23, c’est :
• 30 000 participants
• 2 000 journalistes
• Budget organisationnel : 170 millions d’euros