Vivre au camping à l'année, entre budgets serrés et quête de sociabilité
Au camping La Grisse, en Vendée, ouvert toute l'année, il y a les propriétaires, ceux qui se sont payé un mobil-home comme logement petit budget synonyme de liberté, ou de sociabilité. Et puis les locataires, ceux qui peinent à...
Au camping La Grisse, en Vendée, ouvert toute l'année, il y a les propriétaires, ceux qui se sont payé un mobil-home comme logement petit budget synonyme de liberté, ou de sociabilité. Et puis les locataires, ceux qui peinent à se loger ou se remettent d'un coup dur.
Mégane Lévèque, 31 ans, et ses trois enfants, font partie des seconds. En attente d'un logement social depuis son divorce, elle a habité plusieurs mois chez des proches avant de louer un mobil-home ici, près du village du Givre.
Au nord du marais poitevin, le camping, trois étoiles sans piscine, est entouré de verdure. Près de 80 mobil-homes y sont installés à l'année.
"Ce n'est pas grand mais je retrouve mon indépendance. Les enfants sont au chaud, j'ai quelques mois de tranquillité d'esprit. Je respire", confie cette aide à domicile, en faisant visiter les trois petites chambres de son 38 mètres carrés, loué environ 600 euros par mois.
La jeune femme touche pour l'instant l'aide personnalisée au logement (APL) mais devra quitter son mobil-home avant juillet et l'arrivée des vacanciers, quand son prix triplera pour l'été.
Assise sur une banquette mauve, un oeil sur sa fille de 4 ans qui prépare, ciseaux en main, sa lettre au père Noël, elle raconte les mois de galère qui ont suivi sa séparation et l'attente "interminable" d'un logement social.
"Au début, j'appelais tous les jours. Avec trois enfants, comment veulent-ils que j'attende calmement ?", soupire-t-elle.
Le nombre de ménages en attente d'un HLM n'a jamais été aussi élevé en France. Fin 2022, ils étaient 2,42 millions, 162.000 de plus qu'en 2021, selon les données de l'Union sociale pour l'habitat (USH).
voisins
Deux mobil-homes plus loin, une jeune femme de 21 ans s'est récemment installée avec son bébé d'un mois. Le père a mis les voiles alors elle est venue habiter là "en attendant de voir".
En ce début novembre, le propriétaire du camping, Didier Martineau, explique avoir une cinquantaine de demandes en attente pour ses six mobil-homes à louer.
"On a beaucoup d'appels de mairies ou d'associations qui cherchent à loger des personnes sans domicile mais ce n'est pas du tout adapté. Le coeur de notre camping, c'est le résidentiel. Des personnes en quête de sens, qui cherchent un petit endroit tranquille, un changement d'air", explique le propriétaire.
Brigitte Bouché, retraitée pétillante de 71 ans, est arrivée il y a deux ans et demi de région parisienne, pour se rapprocher de son fils gendarme et de ses petits-enfants.
"Je suis mieux là qu'en ville. J'ai la verdure, la mer, des voisins gentils qui ont pris soin de moi quand j'avais le Covid. On se sent vite seule, à mon âge, dans un immeuble", raconte la retraitée, thé à la main sur sa terrasse abritée.
Quand il fait beau, elle et ses voisines y prennent souvent l'apéro.
- "sécurité" -
De ce côté "résidentiel" vivent des retraités en quête de sociabilité, des travailleurs attirés par le haut taux d'emploi de la Vendée ou pour qui le mobil-home, "facile à acheter ou à revendre", est synonyme de liberté, et des familles confrontées à un marché de l'immobilier saturé.
Un mobil-home s'achète ici à partir de 30.000 euros d'occasion. Le camping facture 2.000 euros par an la location du terrain.
Emilia et Christian Assié, 78 et 74 ans, originaires de Loire-Atlantique, ont vendu il y a quelques années une maison qu'ils ne "pouvaient plus entretenir".
A son mobil-home de 50 mètres carrés, le couple a apposé une terrasse fermée et chauffée, avec cuisine et coin télé.
"Ici tout le monde se parle, tout le monde se connait. Et puis on se sent en sécurité. Ce n'est pas donné à tout le monde, avec tout ce que l'on entend aux informations", affirme Emilia Assié.
Mégane Lévèque aussi évoque ce "sentiment de sécurité" qui lui permet de laisser ses enfants jouer librement dans les allées. Elle sourit: "Depuis qu'on est là, ils disent que je crie moins. Peut-être qu'il y a juste assez d'espace pour qu'ils ne m'entendent pas."
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