Événement

Villers-Cotterêts : Emmanuel Macron inaugure la Cité internationale de la langue française

La Cité internationale de la langue française s'élève et s'ouvre au public à Villers-Cotterêts. Emmanuel Macron qui a lui-même initié le projet en 2017, est venu inaugurer le site lundi 30 octobre. Le Président de la République évoque un « lieu unique au monde » célébrant la langue française et plus qu'un simple musée, il veut en faire un lieu de rencontres, d'échanges, d'apprentissage et de connaissance de la langue française et des cultures de la francophonie.

Emmanuel Macron est venu à Villers-Cotterêts inaugurer son grand projet présidentiel culturel : la création de la Cité internationale de la langue française. (c)Gaëtane Trichet
Emmanuel Macron est venu à Villers-Cotterêts inaugurer son grand projet présidentiel culturel : la création de la Cité internationale de la langue française. (c)Gaëtane Trichet

Il s'agit tout simplement du chantier présidentiel d'Emmanuel Macron. Son centre Pompidou, sa pyramide du Louvre, ce sera la Cité internationale de la langue française. Le Président de la République l'a voulue à Villers-Cotterêts, dans son château royal construit au XVIe siècle par François 1er . C'est ici que le roi de France signera en août 1539 l'ordonnance de Villers-Cotterêts, celle qui impose la langue française dans tous les actes administratifs du royaume.

Il s'agit aujourd'hui du texte juridique le plus ancien encore en vigueur. Un exemplaire de l'ordonnance, édité à l'époque est d'ailleurs prêté par les Archives nationales à la nouvelle Cité de la langue française où il est exposé. « Le français devient par cette ordonnance la langue de nos lois, de nos textes, la langue de la justice, et elle devient alors symboliquement et réellement ouverte à la compréhension de tous et non plus réservée simplement aux clercs et aux lettrés », souligne le Président de la République. Il s'agit alors d'un acte d'unification de la Nation à travers la langue.

Si Emmanuel Macron a choisi Villers-Cotterêts, il le doit aussi et d'abord à un moment particulier de mars 2017. « Il y a presque sept ans, c'était en mars d'une campagne présidentielle, se remémore-t-il. Certains m'accompagnaient, Jacques Krabal [ndlr : ancien député de l'Aisne] qui s'en souvient sans doute, et quelques autres. Nous descendions place du docteur Mouflier, face à la statue d'Alexandre Dumas. Première expérience en arrivant dans cette ville, Dumas est né ici. Lui-même revendiquait d'être né à deux pas de La Ferté-Milon où Racine avait vu le jour, et de Château-Thierry où La Fontaine avait grandi. La langue française est là, partout déjà. »

Le château de l'ordonnance de Villers-Cotterêts, la ville de Dumas

À l'époque où Emmanuel Macron, candidat à l’Élysée, découvre le château, il est à l'abandon.À partir du XIXe siècle, il accueille un dépôt de mendicité pour les indigents du département de la Seine, qui recouvre alors une partie de l'actuelle Île-de-France puis de 1889 à 2014, le château devient une maison de retraite avant d'être abandonné, squatté.

« Il était en mars 2017 totalement fermé à la ville, on s'en souvient, rappelle Emmanuel Macron. Claquemuré et poussant la porte, on rentrait dans cette cour qui était totalement délabrée. On ne pouvait pas rentrer. Il menaçait de s'effondrer, patrimoine en péril. Et je prenais alors le soir-même à Reims, l'engagement de pouvoir raviver ce lieu, de lui redonner sa force, sa beauté, d'y retrouver l'histoire. »

Le président rappelle que le Valois et cette forêt de Retz monumentale qui borde le château ont toujours eu une place à part dans l'histoire de France. Dagobert 1er y pratique déjà la chasse en 632 et les rois qui lui succèdent apprécient eux aussi sa richesse en gibier et y font construire une résidence sans prétention. La grande histoire du château ne commence réellement qu'avec François 1er, qui reçoit de son cousin le roi Louis XII le duché de Valois et le château alors qu'il n'a que 3 ans.

« François 1er décide avec plusieurs grands architectes de créer ou de réinventer plusieurs de nos lieux, donnant d'ailleurs à l'architecture renaissante française son heure de gloire, précise le Président. Il y a eu Le Louvre, Fontainebleau, Saint-Germain-en-Laye et donc ici dans ce qu'il appelait lui-même Mon Plaisir. Les travaux sont lancés en 1530 et ce lieu deviendra un lieu de chasse régulière, de séjours réguliers et de Gouvernement. Dans ce lieu où, imaginez une seule seconde, Rabelais, Clément Marot sont venus passer des séjours. François 1er vient chasser et gouverne. Henri II l’adore. Molière, dit-on y donne Tartuffe pour Louis XIV. »

Xavier North, commissaire principal du parcours de visite, devant la "bibliothèque magique" abritant plusieurs milliers d'ouvrages écrits en français, de tous les continents, de toutes les époques et de tous les genres. À l'intérieur, un dispositif d'intelligence artificielle pose une série de questions au visiteur qui repart avec une recommandation de lecture toute personnelle.

Plus qu'un musée, un lieu de culture vivante

C'est donc à ce site intimement lié à l'histoire de notre langue, qu'Emmanuel Macron a choisi de redonner son lustre. Il souhaite en faire bien plus qu'un musée, « un lieu dédié aux Français, à notre langue et à l'aventure de celle-ci ». Il rappelle l'ampleur du chantier dont le coût total se monte à 211,1 millions d'euros. Villers-Cotterêts a ainsi été ces dernières le second chantier le plus important de France derrière la restauration de Notre-Dame de Paris et a fait travailler 600 compagnons de 220 entreprises pour 65 corps de métier.

Il rappelle que le lieu est unique puisque « jamais une institution n'avait été consacrée à l'histoire de notre langue, qu'aucun projet culturel de cette ampleur porté par un président n'avait encore été implanté en dehors de Paris et que jamais de tels investissements n'avaient bénéficié en matière de culture au département de l'Aisne ».

« C'est bien une cité et non pas un musée, insiste le Président. Car le parcours permanent s'enrichit de lieux de vie, de rencontres, de loisirs et de savoirs où se tiendront des formations, des ateliers, des résidences d'artistes et de chercheurs, un auditorium, un laboratoire de technologie linguistique. Chacun doit s'y sentir chez lui. »

Le parcours de visite rappelle que le français cohabite avec des langues régionales dont le picard. Le visiteur peut actionner avec ses pieds l'écoute de ces langues. La Cité internationale de la langue française se veut interactive et souhaite s'adresser à tous les publics.

Emmanuel Macron y voit donc « une cité à travers laquelle nous irons de mot en mot, de livre en livre, interactive, immersive, salle de spectacle également, qui permettra ici de partager l'expérience de la langue ». Le lieu sera selon le Président la maison des enseignants et de leurs élèves pour venir apprendre, découvrir, étudier la langue française et la littérature, mais aussi la maison des artistes, des écrivains, des traducteurs et des bibliothécaires. Il célébrera la langue française mais aussi les langues régionales ainsi que celles de la francophonie et accueillera d'ailleurs l'an prochain le sommet international de la francophonie.

« Pourquoi ce lieu ? Parce que la langue française bâtit l'unité de la nation et parce que la langue française est une langue de liberté et d’universalisme, explique le Président. À un moment où les divisions reviennent, les haines ressurgissent où on voudrait renvoyer les communautés dos-à-dos, les religions, les origines ; la langue française est un ciment. » Le Président se montre fier d'avoir réalisé « ce rêve fou » formulé il y a sept ans de vouloir faire revivre ce château et d'y créer cette Cité internationale de la langue française.

L'ancienne cour du Jeu de paume a été coiffée d'une verrière et d'un ciel lexical faisant la part belle à des mots des différentes cultures de la francophonie. Ces mots avaient été choisis par les habitants et écoliers de Villers-Cotterêts lors d'une consultation.

La Cité internationale de la langue française en chiffres

La restauration du château de Villers-Cotterêts et l'installation d'une Cité internationale de la langue française représentent un chantier colossal, le second plus important de France après celui, encore inachevé, de la restauration de Notre-Dame de Paris. « À partir de 2017 a commencé un chantier inédit : 23 000 m², 265 000 ardoises, des milliers de pierres de taille aux mains de plusieurs dizaines d’entreprises, 600 compagnons pour créer une verrière unique en son genre », rappelle le Président Emmanuel Macron.

Dans le détail, 3 600 m² de toiture ont été rénovés, 600 m3 de pierres de taille ont été mis en œuvre pour les façades, 280 fenêtres ont été restaurées, 1 250 m² de planchers anciens ont été réhabilités, 2 050 m² de planchers restitués, 15 000 pavés ont été posés dans la cour du Jeu de paume, 10 000 carreaux en terre cuite ont été posés sur le sol de la chapelle.

Le domaine du château s'étale sur 23 000 m² et Logis royal sur 5 000 m² dont 1 200 m² d'exposition permanente, 400 m² d'expositions temporaires, 150 m² d'espaces d'accueil, et 170 m² d'espace de restauration. La cour du Jeu de paume coiffée d'une verrière et d'un ciel lexical reprenant des mots des langues de la francophonie s'étale sur 640 m² et le Jeu de paume fait 1 570 m². Le financement des travaux se monte à 211,1 millions d’euros dont 179 millions d’euros du ministère de la Culture (dont plan de relance), 30 millions d’euros du Programme d'investissement d'avenir et 2,11 millions d’euros d'apports extérieurs.

La Cité internationale de la langue française administrée par le Centre des monuments nationaux, regroupe 15 salles dans le parcours permanent faisant la part belle à l'image, au son, à l'interactivité, à la pédagogie et au ludisme. Elle comprend 62 dispositifs de médiation, 150 œuvres, objets et documents grâce à 20 institutions prêteuses, un auditorium de 250 places, une librairie-boutique, un café salon de thé, un lieu de formation et d'apprentissage de la langue pour apprenants et formateurs, douze ateliers de résidence pour des artistes, des chercheurs, des entrepreneurs, et un centre des technologies de la langue. 200 000 visiteurs annuels sont espérés.

La restauration du château royal de Villers-Cotterêts a représenté un chantier colossal débuté en 2020.