Vers une unification des régimes des professions du droit et du chiffre ?

L’Inspection générale de la justice vient de remettre à la Chancellerie son rapport sur «La discipline des professions du droit et du chiffre», dans lequel elle plaide pour une refonte des dispositifs actuels.

Parmi les propositions, les rapporteurs suggèrent la création, au sein du ministère de la Justice, d’un bureau de la déontologie et de la discipline des professions du droit. © FineBokeh
Parmi les propositions, les rapporteurs suggèrent la création, au sein du ministère de la Justice, d’un bureau de la déontologie et de la discipline des professions du droit. © FineBokeh

Le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, a reçu début décembre un rapport de l’Inspection générale de la justice (IGJ) dont l’objectif était d’établir un bilan de l’exercice de l’activité disciplinaire de professions réglementées du droit et du chiffre entre décembre 2019 et octobre 2020. Sont concernées les professions d’avocat, avocat aux conseils, notaire, huissier de justice et commissaire-priseur judiciaire, greffier auprès des tribunaux de commerce, commissaire aux comptes, et administrateur et mandataire judiciaires.

Hétérogénéité, complexité et opacité

Dans leur rapport, les inspecteurs de l’IGJ pointent «l’hétérogénéité et la complexité» des régimes disciplinaires actuels, «leurs failles et leur lourdeur sur le plan procédural». «Cette diversité, longtemps acceptée, est aujourd’hui source de confusion voire, pour les acteurs, considérée comme un obstacle à la mise en œuvre du disciplinaire, lequel concentre par ailleurs toujours des critiques de fond (distanciation insuffisante, impartialité aléatoire de l’enquêteur…)», observent les rapporteurs.

Selon les données chiffrées fournies par les autorités judiciaires et par les professions, il apparaît que les instances disciplinaires sont rarement saisies et prononcent assez peu de sanctions. «En 2018 et 2019, les professions du droit les plus sanctionnées – avocats, notaires et huissiers de justice – l’ont été à raison d’à peine deux professionnels pour 1 000. Les autres professions du droit sont encore moins sanctionnées», constatent-ils.

Qui plus est, «aucune profession n’est en mesure de fournir des données vérifiées et consolidées. Cela vaut également pour la direction des Affaires civiles et du Sceau et, localement, pour les autorités judiciaires. Cette difficulté à connaître et donc à restituer symbolise bien un domaine que les professionnels peinent à dévoiler jusqu’ici, se contentant à tout le moins d’une opacité certaine.»

Unification et codification des régimes

Si les rapporteurs jugent les systèmes de contrôle et de discipline des professions du chiffre satisfaisants, ils suggèrent en revanche une refonte complète des dispositifs en vigueur au sein des professions du droit, sous l’égide de la Chancellerie, et plus précisément de la direction des Affaires civiles et du Sceau qui «doit affirmer sa tutelle sur ce secteur, dont elle détient la compétence exclusive», soulignent-ils.

Pour ce faire, le rapport émet une vingtaine de propositions qui visent la codification et l’unification des différents régimes. À commencer par la création, au sein du ministère, d’un bureau de la déontologie et de la discipline des professions du droit «doté de la plénitude de compétence (légistique et action publique)», et l’octroi aux parquets généraux de «la plénitude de compétence en matière de discipline des professions du droit».

Il suggère également de créer un régime disciplinaire commun à l’ensemble des professions du droit et de regrouper les règles déontologiques communes, la réglementation et la procédure disciplinaire dans «un code des professions du droit, voire également du chiffre, qui donnera une meilleure lisibilité à l’ensemble et facilitera l’accès au droit». Il recommande alors de prévoir une nouvelle échelle de sanctions, identique pour toutes les professions, et intégrant des sanctions pécuniaires.

Nouvelles instances disciplinaires, fichier national, publicité

Parmi les autres propositions figurent, notamment, la création d’une instance disciplinaire échevinale et de services d’enquêtes au niveau interrégional (basée sur la cartographie des cours d’appel) et d’une commission nationale d’appel des décisions des instances disciplinaires interrégionales, la mise en place d’un fichier national des sanctions disciplinaires visant les professions du chiffre et du droit et d’une typologie des manquements, hiérarchisés selon leur gravité. Ou encore, il préconise d’assurer la publicité des décisions disciplinaires au niveau local et national, «afin de renforcer la confiance du public dans ces professions». L’intégralité du rapport est consultable sur le site du ministère de la Justice qui n’a, pour l’instant, pas fait savoir quelle suite il entend donner à ces travaux.