Une voiture de sport électrique artisanale, c'est possible !
En avril sera présentée la Pariss, conçue par Damien Biro. Le véhicule est présenté comme une voiture électrique de luxe : des performances qui seraient supérieures à celles d'une voiture équipée d'un moteur à explosion et un prix au final plutôt raisonnable pour un véhicule de ce type : entre 60 000 et 80 000 €. Un tarif équivalent à celui d'une Tesla d'entrée de gamme sans option (aux alentours de 80 000 €). "Les voiture de ce type ne sont pas vendues en dessous de 100 000 € généralement", affirme le développeur de ce roadster deux places.
“Le premier défi de ce type de voiture, c’est la rentabilité de la filière. Comment est-ce que le consommateur et le constructeur gagnent de l’argent ?” En effet, le composant principal d’une voiture électrique est aussi le plus onéreux : la batterie. La baisse du coût du lithium ne compense pas les pertes des deux parties et la filière perd de l’argent depuis une dizaine d’années.
Les deux autres défis du constructeur se résument en un mot : l’autonomie. La capacité de la batterie est un des principaux problèmes que rencontrent les fabricants de voitures électriques. L’autonomie d’une batterie se résume pour l’heure à une ou deux centaines de kilomètres pour des modèles de ville. Une batterie plus performante coûte aussi plus cher. D’autre part, les bornes de recharge pour ces véhicules sont encore très rares et représentent un investissement colossal.
Des solutions. Pour pallier ces problèmes, Damien Biro présente un service “sans fioritures” : “Un siège chauffant est gourmand en énergie. Ce service alourdirait la voiture inutilement. Il faut faire des économies sur la masse de la voiture. Plus la voiture est lourde, plus l’énergie nécessaire pour la mouvoir est grande et plus elle consomme d’électricité…” Les options sont donc réduites à leur minimum pour la Pariss.
D’autre part, le constructeur a conçu un groupe électrogène pour développer l’autonomie de son véhicule, un range extender pour lequel Damien Biro a reçu le Grand Prix du concours Lépine en 2009 sur sa solution adaptable. “Dans un groupe électrogène, le poids et le volume sont secondaires. Ici, ils étaient primordiaux. Il a fallu travailler dans ce sens.” Et Damien Biro peut mettre en avant son capital génétique : pour la petite histoire, son arrière-grand-père a inventé le stylo à bille et son grand-père, l’extincteur à poudre. Il s’agit donc de poursuivre la success story familiale…
Rentabilité. La carrosserie de la voiture, pour sa part, est réalisée de façon artisanale et entièrement en matériaux composites, bien plus légers que le métal utilisé pour les modèles à essence. “Pour une voiture classique, l’emploi de l’artisanat pour la carrosserie ne vaudrait pas le coup. Ici, il y a un surcoût de 2 000 à 3 000 €, qui est largement compensé par l’économie de 5 000 à 15 000 € sur la batterie.” Le composite impose de grosses pièces, ce qui rend la production locale rentable.
“La main-d’œuvre est peut-être plus chère, mais la fabrication à l’étranger pose deux problèmes : l’importation coûterait plus cher et l’empreinte carbone de notre véhicule serait plus importante. Ce qui n’a, bien sûr, aucun sens lorsqu’on produit des voitures électriques. La transition de l’industrie vers l’artisanat est difficile pour les gros constructeurs, mais c’est une aubaine pour les plus petits.” Le seuil de rentabilité est exceptionnellement bas pour un constructeur automobile : il suffirait que quelques dizaines de voitures soient vendues chaque année pour maintenir l’entreprise à flot. “On s’appuie sur un travail d’assemblage de qualité, affirme Damien Biro. Cela nous permet d’être rentable très vite, même avec une petite production.” La rentabilité du véhicule et son développement sont donc une affaire d’ajustements en série de la part de l’ingénieur de formation.
Un financement réussi. Pour une PME calaisienne, créer une voiture de sport électrique de manière artisanale était un pari osé. Mais le financement participatif lancé par Damien Biro est arrivé à son terme avec succès. Au total, ce sont 2,2 millions d’euros qui ont été levés par l’entreprise Pariss. La société a par ailleurs reçu le soutien de la bpi, qui a accompagné le projet à travers une opération transversale sur un million d’euros en décembre. “On a plus que jamais besoin que les locaux suivent et accompagnent le projet pour obtenir un produit de qualité.” La stratégie de Pariss se fera donc en deux étapes : dans un premier temps, le véhicule sera vendu pour piste. Il s’agit d’une “étape intermédiaire forte” : cela servira à démarrer le business en abaissant le ticket d’entrée via une image à moindre frais, ainsi qu’à valider la plate-forme technique et à accéder au marché de façon plus rapide au niveau mondial.
Des performances. La voiture développée par Damien Biro affiche des performances impressionnantes : pour un poids de moins d’une tonne (800 kilogrammes), quatre roues motrices mèneront le véhicule de 0 à 100 km/h en moins de 3,7 secondes. Le châssis est à 25 cm du sol, afin d’abaisser le centre de gravité du véhicule pour que la voiture tienne mieux la route malgré sa légèreté. Le couple est de 400 newton-mètre. Là où est attendue Pariss, c’est sur la sécurité. Le carbone ne se déforme pas comme l’aluminium. L’entreprise prévoit de communiquer autour du crash-test, et l’homologation pour les pistes FIA (Fédération internationale de l’automobile) est primordiale. “La principale qualité de cette voiture est le plaisir de conduite qu’elle offre. Nous avons pris modèle sur la Lotus Elise. Nous voulions une voiture radicale. Il n’y a pas d’équipement de confort. En revanche, elle est très silencieuse et le confort de conduite est optimal.“
“Les sièges ne seront jamais massants, ajoute en revanche l’ingénieur de formation. Mais on a tout le recul nécessaire pour s’assurer que le ciblage est bon : le design plaît, les premiers clients potentiels ont été sondés, ils sont acquis à notre cause. L’étude de marché a été exhaustive pour l’application sur piste.“
Dépenses. Pour le moment, 2,2 millions d’euros ont été investis en fonds propres pour le développement, la faisabilité, l’exposition, la communication… Et 1 million d’euros va être dépensé dans la construction d’un véhicule prototype qu’il sera possible de conduire. Le rendez-vous avec le grand public est fixé en 2017. Mais avant cette échéance, les prochaines étapes du projet sont fixées d’abord au printemps, moment où le véhicule sera à l’essai pour le public. Et le 23 avril à Paris, au Grand Prix de Formule E, la voiture sera présentée au public. “Ce sera le plus grand moment de Pariss.“