Interview exclusive

Arnaud Decagny, maire de Maubeuge : «Une telle métamorphose, c'est du jamais-vu»

Maire de Maubeuge depuis 2014, il a multiplié les grands chantiers au cours des dernières années, déterminé à redonner à sa commune l'image d'une ville attractive. L'édile a mis en place un vaste plan d'actions «Cœur de ville» autour notamment de la culture et des loisirs, et fait de la rénovation urbaine l'une de ses priorités. Une stratégie qui semble porter ses fruits. La métamorphose est en marche.

Arnaud Decagny, maire de Maubeuge.
Arnaud Decagny, maire de Maubeuge.

La Gazette. Arnaud Decagny, depuis votre arrivée, la ville s'est littéralement transformée. Expliquez-nous en quoi était-ce capital pour Maubeuge ?

AD. Ce qui est en train de se faire, c'est du jamais-vu depuis la reconstruction de la ville. Nous avions du patrimoine en mauvais état et l'enjeu était de le rénover pour en faire quelque chose. On ne pourra jamais concurrencer le commerce de périphérie : il fallait donc à la fois miser sur la culture et le loisir pour ainsi donner une autre image de la ville. Les espaces doivent être agréables pour faire venir les commerçants. Aujourd'hui sur neuf ouvertures de commerces, huit concernent le haut de ville, qui a fait l'objet d'une rénovation complète. Dans les halles gourmandes par exemple - projet bientôt inauguré - , 12 artisans vont arriver sur les métiers de bouche. Donc oui, les deux premiers mandats ont été rythmé par les travaux - 240 millions d'euros sur la rénovation urbaine - mais le plus dur est passé. Tout ce qui n'avait pas de valeur a été démoli et tout ce qui avait de la valeur a été réhabilité. Après cela, il faudra une pause de travaux et on récoltera ce changement d'image !

Quels sont les grands chantiers désormais terminés ainsi que les projets toujours en cours de travaux ?

Nous avons rénové un certain nombre d'équipements : la salle Sthrau, l'église Saint-Pierre-et-Saint-Paul, on a fait de l'ancienne Banque de France un musée immersif et on a créé un pôle culturel créatif. Côté espaces publics, la place de la Concorde, la place des Nations et la place Mabuse ont été rénovées, et nous sommes en train de refaire le théâtre du manège (14 millions d'euros), qui a le statut de scène nationale. Donc le haut de la ville est très en lien avec la Culture et le patrimoine.

De l'autre côté de la Sambre, le quartier de la Clouterie est actuellement en travaux, tout comme le quartier des Provinces françaises. L'année 2025 constitue une étape-clé de transition entre la fin des phases de démolition et les grands projets de requalification. Environ 1 000 logements sont en cours de construction. Sans oublier le quartier de la gare et les bords de Sambre entièrement repensés ; le zoo en cours de travaux que l'on va rendre autonome ou encore la restauration des remparts... Beaucoup de projets ont été financés à hauteur de 80%, car on a bénéficié d'enveloppes dans le cadre du pacte SAT (pacte pour la réussite de la Sambre Avesnois Thiérache, ndlr). Nous sommes très aidés par l'État et la Région.

«On commence à sortir la tête de l'eau»

Quelle est votre politique d'attractivité auprès des entreprises et quels sont les profils de sociétés qui s'installent ?

Ici pour que ça redémarre, il faudrait une installation majeure pour pouvoir relancer tout un tissu de PME autour, et c'est ce qu'on espère ! C'est dans les mains du président de Région et du chef de l'État. Actuellement, Renault se relance bien, Framatom (dédié au secteur nucléaire) a embauché 300 personnes et devrait recruter 400 collaborateurs supplémentaires, puis Dembiermont (dédié à l'aéronautique et au spatial) à Hautmont recrute également. Nous avons vécu des crises à Maubeuge mais aujourd'hui, on commence à sortir la tête de l'eau.

Quel est le moral des dirigeants globalement à Maubeuge et en périphérie ?

Ce sont nos grosses entreprises qui portent une partie de l'économie locale. C'est à la fois une fragilité et une richesse, car quand ils vont bien, tout va bien, sauf que les décisions de repli lorsqu'elles tombent, celles-ci ne se prennent pas ici mais à Paris. Pour l'heure, tout le monde investit mais il ne faudrait pas que cela s'inverse. Si Renault était tombé en 2020, le territoire aurait été à plat... Côté PME, les dirigeants souffrent un peu plus.

Qu'est-ce qui pourrait fortement changer le paysage économique maubeugeois ?

Dans le cadre de la signature du Pacte SAT justement, le doublement de la RN2 (coût d'un milliard d'euros) mais aussi le contournement nord de Maubeuge (135 millions d'euros) vont tout changer car cela va permettre de désenclaver le territoire ! Le coup d'envoi des travaux du contournement est prévu en 2026. Nous misons aussi de plus en plus sur la formation. Au niveau du pôle Pierre Forest, l'objectif est d'atteindre 1 000 étudiants d'ici cinq à dix ans.

Dans le contexte inflationniste que l'on connaît, quels dispositifs la ville a-t-elle mis en place afin d'améliorer le pouvoir d'achat des 30 000 habitants ?

Nous avons une population vulnérable que nous devons accompagner au maximum. Le taux de chômage est actuellement de 12%, contre 17% en 2017. Concernant les dispositifs, nous avons, entre autres, crée un réseau de chaleur urbain. Ce projet à hauteur de 16 millions d'euros a permis de raccorder 5 000 logements qui enregistrent une baisse entre 30 et 40% de leur facture d'énergie. Nous avons également mis en place une mutuelle communale - 1 000 personnes en bénéficient - et lançons actuellement un groupement d'énergie. Concernant les loisirs, toutes nos manifestations sont gratuites, à l'image dernièrement du cirque ou du village de Noël. Quant aux transports, des navettes gratuites pour rejoindre l'hôpital ou le centre-ville depuis certains quartiers sont disponibles. Puis nous assurons un transport gratuit pour les plus de 65 ans pour se rendre chez le médecin ou au supermarché. Une épicerie solidaire a d'ailleurs ouvert à destination de 250 familles et une deuxième s'apprête à ouvrir.

Comment gérez-vous les défis liés à l'environnement et au développement durable ?

On renature beaucoup les quartiers, les rues, ainsi que les places publiques. Au total, 9 000 arbres ont été plantés. On a créé des parcs, un réseau de chaleur comme indiqué et une chaudière bio-masse dans une école. Sur nos 22 écoles, la moitié était en avis défavorable, ce qui était catastrophique. Nous avons investi 28 millions d'euros dans nos écoles, il n'en reste qu'une à rénover.


Un visage bien connu du paysage politique régional

Vice-président du département de 2015 à 2021, Arnaud Decagny occupe depuis 2021 le poste de vice-président de la Région Hauts-de-France en charge de la politique de la ville, du logement, de la rénovation urbaine et de l'apprentissage. Natif de Maubeuge, l'édile assure que son engagement politique est «purement porté vers la ville. Je n'ai pas souhaité être député, c'est l'ancrage local ma priorité. Tous mes mandats ont une utilité pour la ville. Quand je suis dans mes fonctions à la Région, je ne travaille pas sur des sujets liés à Maubeuge bien entendu, mais je garde toujours ma ville dans un coin de la tête».