Une légère amélioration mais toujours des incertitudes

Dans un contexte peu porteur, 2015 sera une nouvelle année d’ajustement pour les entreprises. Encore peu confiantes en l’avenir, elles restent extrêmement prudentes sur leurs prévisions de croissance, notamment dans des secteurs toujours difficiles comme le commerce ou le BTP. Quand va-t-on entrevoir le bout du tunnel ?

Le commerce a de nouveau connu une année compliquée en 2014
Le commerce a de nouveau connu une année compliquée en 2014
Le commerce a de nouveau connu une année compliquée en 2014

Le commerce a de nouveau connu une année compliquée en 2014

«L’année 2014 se termine avec une petite croissance de 0,4%.» Stéphane Latouche, directeur régional de la Banque de France, se veut optimiste tout en étant réservé. «Cela fait trois ans que la croissance est de 0,4%. Mais il faut atteindre 1,5% pour stabiliser le chômage et plus d’1,5% pour le réduire.» Autant dire que le chemin est encore long. Et pourtant plusieurs bonnes nouvelles avaient ponctué le début d’année : chute du prix du pétrole, baisse de l’euro, taux longs très bas… Un environnement économique légèrement favorable, mais «ne surestimons pas 2015», prévient Stéphane Latouche. Car les disparités entre secteurs d’activité persistent.

Services marchands. En 2014, le chiffre d’affaires dans les services marchands a connu une progression modérée (+ 1,7%) mais inférieure à son rythme de 2013 (+2,3%). L’investissement s’est replié et les effectifs n’ont que modérément progressé alors que le secteur concentre 40% des effectifs régionaux. Si un secteur se distingue par son dynamisme, c’est bien celui de l’information et de la communication : +5,5% d’effectifs supplémentaires, +49,9% pour la rentabilité et +39,7% pour les investissements. L’année 2015 devrait d’ailleurs être caractérisée par une accélération du rythme de progression du chiffre d’affaires (+7,2%) – «une des prévisions les plus fortes de France» – et une augmentation des effectifs (+10,2%). A l’inverse, le transport routier devrait enregistrer un nouveau repli de 0,9%. Comme les années précédentes, 2015 a été difficile pour le commerce et l’hôtellerie-café-restaurant avec une baisse respective de chiffre d’affaires de 22% et 5%. Aussi, «2015 sera encore une année difficile», prévient Stéphane Latouche, la baisse du pouvoir d’achat des Français n’aidant en rien ce secteur à remonter la pente… En 2014, il a enregistré 498 défaillances, soit 10% de plus qu’en 2013, même si les créations d’entreprise sont en hausse de 11% (1 321 créations enregistrées).

Industrie. Le chiffre d’affaires régional a très faiblement augmenté en 2014 (+0,3%), notamment grâce à l’export (+2,7%). «C’est une bonne nouvelle, car cela fait suite à deux années de baisse», se réjouit le directeur régional. Le secteur de la construction est toujours en mauvaise posture avec une dégradation continue des carnets de commandes en 2014 et un chiffre d’affaires en repli (-2,4%), mais de plus faible ampleur qu’en 2013 (-3%). Conséquence dramatique sur l’emploi : les effectifs ont été de nouveau ajustés à la baisse, notamment dans les travaux publics (-5,1%). L’atout de la région se confirme dans les industries agroalimentaires avec une croissance d’1,5% des activités ; les marchés de la chimie et de la plasturgie enregistrent les plus fortes hausses (respectivement 7,8% et 7%). Mais, pour la troisième année consécutive, pas d’amélioration sur le marché de l’emploi industriel régional, notamment dans les secteurs des autres produits industriels (textile-habillement-chaussures, bois-papier-imprimerie, métallurgie, etc.) et des matériels de transport : -1,2% et -0,6%, un rythme toutefois plus modéré qu’en 2013 (-2,9%) et 2012 (-1,6%). Seule industrie à avoir consenti des investissements, l’automobile (+9%). Autre point positif : le redressement de la rentabilité d’exploitation, conformément aux prévisions des chefs d’entreprise exprimées fin 2013. Un redressement salutaire après deux années très difficiles. A l’exception du secteur des équipements électriques, tous les secteurs industriels affichent des soldes d’opinion positifs sur l’évolution de leur rentabilité d’exploitation. On attend d’ailleurs une progression du chiffre d’affaires de 2,2% pour 2015. «Certes, c’est une faible augmentation, mais c’en est une quand même. Par contre, les effectifs continueront d’être revus à la baisse, et notamment dans l’intérim avec une chute énorme de 12%», précise Stéphane Latouche.

Construction. Sans être une surprise, c’est sans conteste le secteur qui souffre le plus depuis quelques années. «L’année a été noire dans le gros œuvre, le second œuvre et les travaux publics alors que les chefs d’entreprise prévoyaient une légère augmentation fin 2014», poursuit-il. Le chiffre d’affaires a enregistré un nouveau repli (-2,4%), et ce, dans toutes les branches de la construction (-3,6% pour le second œuvre, -1,7% pour les travaux publics, -1% pour le gros œuvre). Un climat forcément peu propice aux investissements. Pour la troisième année consécutive, les effectifs sont en baisse (-5,1%) et plus de la moitié de ces suppressions de postes correspondent à un non-renouvellement de contrats d’intérimaires. Et 45% des chefs d’entreprise interrogés témoignent d’une dégradation de leur rentabilité. Les prévisions 2015 ne seront pas rassurantes : repli dans les travaux publics (-3,9%) et baisse des effectifs (-2,7%). «Sur le secteur de la construction, le Nord-Pas-de-Calais est en bas du classement, près de la moitié des chefs d’entreprise s’attendent, au mieux, à un maintien de leur rentabilité», détaille Stéphane Latouche. Pour les autres, le solde d’opinions est négatif de près de 8 points…

De l’espoir ? «Ce qui est clair, c’est qu’une entreprise qui n’a pas une rentabilité suffisante n’embauchera pas. Les plus touchées sont les TPE. Le cœur n’y est pas, nos dirigeants n’anticipent pas une accélération de l’activité pour 2015», déplore Philippe Vasseur, président de la CCI de région Nord de France. Le pourcentage d’entreprises déclarant connaître des difficultés est à la hausse (61% contre 58% en 2013). Même son de cloche qu’à la Banque de France : le commerce et le BTP continuent de souffrir. Les dirigeants du commerce ne voient pas le bout du tunnel et tablent sur une année 2015 encore très mauvaise. Quant au BTP, il anticipe un plongeon : certes, les travaux de rénovation pourraient être soutenus par le CITE (crédit d’impôt transition énergétique) mis en place pour améliorer la performance énergétique des logements, mais les commandes publiques devraient être gelées par les coupes budgétaires des collectivités locales et par la période électorale. Malgré tout, une faible lueur d’espoir dans ce ciel si sombre : «Les entreprises qui s’en sortent le mieux sont celles qui exportent. L’étude menée par la CCIR montre qu’une ETI (entreprise de taille intermédiaire) sur deux envisage de recruter. Elles sont les fers de lance de l’économie régionale.» C’est le cas notamment du numérique (e-commerce, e-marketing) et de l’efficacité énergétique, en bonne position, perçues comme des leviers stratégiques dans les entreprises. Trois secteurs sont nettement plus optimistes que l’an dernier : les services aux entreprises, les services aux particuliers et le transport-logistique qui tablent sur une croissance de leur chiffre d’affaires suffisamment dynamique pour envisager une amélioration de l’emploi : 17% des dirigeants dans les services aux entreprises espèrent embaucher, 13% dans les transports et la logistique et 9% dans les services aux particuliers. «La région avance avec des projets générateurs d’emplois comme le canal Seine-Nord, la délégation de service public des ports de Calais et Boulogne-sur-Mer, l’implantation d’Orchestra à Arras, etc. Il y a des retombées économiques, notamment en termes d’emplois. Mais il ne faut surtout pas baisser la garde», finira par conclure, lucide, Philippe Vasseur.

Méthodologies

– L’enquête de la Banque de France repose sur les réponses fournies volontairement par les responsables d’entreprise et établissements du Nord-Pas-de-Calais. L’échantillon se décompose ainsi : 753 dirigeants interrogés pour l’industrie, 514 pour les services et 394 dans la construction. N’ont été interrogées que les unités susceptibles de procurer des informations sur trois exercices consécutifs (2013-2014-2015). Les disparitions et créations d’entreprise ou d’activités nouvelles sont donc exclues du champ de l’enquête.

– L’enquête de la CCI de région Nord de France a été réalisée auprès d’un échantillon représentatif (taille, secteur et territoire) de 15 000 entreprises. Plus de 3 600 questionnaires ont été exploités : 1 323 pour le commerce de détail et les services aux particuliers, 1 034 pour le commerce de gros et les services aux entreprises, 342 pour l’industrie, 370 pour le BTP, 423 pour les hôtels-cafés-restaurants et 127 pour le transport-logistique).