Commerce de détail
Une croissance commerciale... malgré tout
Malgré l’inflation et les procédures en cours dans le secteur de l’habillement, les boutiques des enseignes commerciales ont enregistré une croissance de 3,5% en 2023. Le secteur demeure confronté à l’ouverture de nouvelles zones périphériques, en moins grand nombre que les années précédentes.
Les premières semaines de 2024, « les soldes ont été mauvais ». Les ventes en magasin comme la fréquentation des enseignes spécialisées ont dévissé de 4% environ, par rapport à la même période pour 2023, rapporte Emmanuel Le Roch, délégué général de Procos. L’organisation qui rassemble 310 enseignes, soit 35% du commerce de détail, s’interroge sur la pérennité de cette tradition. « Faut-il maintenir des soldes groupés ? La question revient souvent, surtout depuis l’émergence du ‘black Friday’ et des soldes privés », observe le spécialiste, qui résume les débats : « les commerçants indépendants voudraient les repousser, et les gros acteurs les conserver ».
Les chiffres pour 2023 du commerce spécialisé ne sont pas si mauvais. La croissance moyenne du chiffre d’affaires des magasins s’établit à 3,5%, contre 1,3% en 2022. Malgré l’inflation toujours dans les esprits et les inquiétudes internationales, Emmanuel Le Roch estime que « la situation est plus confortable qu’en 2022 », notamment en raison de la baisse du prix des matières premières et de la stabilisation du cours du pétrole.
En 2023, les ventes en ligne se sont redressées. Alors qu’il avait reculé de 12% en 2022, effet de la fin des restrictions pandémiques, le secteur croît de 0,5% en 2023. En revanche, les livraisons de repas perdent près de 7%, suite à des années d’expansion dopées par les confinements. Parmi les secteurs les plus performants, à la fois dans les magasins et sur le Web, figurent celui des produits de beauté et de santé et l’alimentaire spécialisé. A l’inverse, l’équipement de la maison, le sport, l’habillement et la chaussure ont connu une année difficile. Les défaillances de nombreuses enseignes, comme Camaïeu, Kookai, San Marina, Minelli ou Naf Naf pèsent sur les chiffres.
En parallèle, Procos constate l’émergence des sites de seconde main, dont Vinted, dans le secteur de la mode, est l’enseigne phare. Mais ce phénomène dépasse largement les sacs à main et les blousons. « Tous les acteurs sont obligés d’y aller », constate Emmanuel Le Roch. Des enseignes spécialisées, telles H&M, Foot Locker ou Leroy-Merlin rachètent des produits d’occasion. Monoprix ou Pimkie en vendent, tandis que Conforama, Darty et les grands distributeurs procèdent à la fois au rachat et à la vente.
Mais il y a « plus grave », déplore le délégué général : « la prime au discount, voire à l’ultra-discount » dans le secteur de l’habillement, que traduisent les succès des sites chinois Shein et Temu. Ces canaux de vente « laminent le marché par le bas. Comment, avec des articles vendus 30 centimes, peut-on ne pas faire une vente à perte ? Il ne faut pas être naïf », attaque-t-il.
Sans forcément établir le lien avec l’explosion de ces ventes, Procos constate une baisse générale de la fréquentation des magasins, en centre-ville comme dans les zones périphériques. A l’heure où le client choisit, se renseigne sur son smartphone avant de se rendre sur place, ce phénomène est « normal », commente Emmanuel Le Roch : « on ne vient plus dans un magasin pour faire du lèche-vitrines ». En revanche, le spécialiste est surpris par les calculs de la Fact, Fédération des acteurs du commerce dans les territoires, l’ancien Conseil national des centres commerciaux, qui, pour ses surfaces, « annonce une hausse de 11% du trafic ». Ce chiffre élevé, selon lui, « ne signifie pas grand-chose, mais permet de justifier les loyers élevés », demandés aux gérants des enseignes par la grande distribution. Procos livre là l’un de ses combats récurrents. Le décalage entre la hausse des loyers et la stagnation des chiffres d’affaires des centres commerciaux ne cesse de s’accroître depuis le début des années 2010, selon un panel établi par la fédération.
Encore des projets de zones commerciales
La domination de la grande distribution sur le commerce de détail demeure écrasante. Alors que les grands distributeurs eux-mêmes reconnaissent que l’essentiel des villes françaises sont déjà équipées, 4,1 millions de mètres carrés supplémentaires de surfaces commerciales ont été autorisés par les permis de construire en 2023, à peu près l’équivalent de la moyenne des années précédentes. Certes, les mises en chantier ne concernent que 2,3 millions de m2, un peu moins qu’en 2022 (2,9 millions). Sur le long terme, depuis un pic enregistré au début des années 2010, les autorisations et les chantiers ont tendance à baisser. Ce qui suffit à Procos pour affirmer que « en 2023, l’immobilier commercial n’a jamais consommé aussi peu de foncier ».
Les Commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC), qui délivrent le feu vert aux projets, continuent d’être des « machines à dire oui », avec un taux d’acceptation de 89%. « Avant de déposer un dossier, les demandeurs s’assurent que les membres de la commission sont d’accord », commente Sami Kitar, responsable du bureau d’études chez Procos. En revanche, le nombre et la taille des projets présentés à ces commissions a tendance à reculer. : 552 dossiers ont été examinés en 2023, contre 852 en 2018. Le plus vaste programme d’immobilier commercial, pour l’année dernière, ne dépassait pas les 10 000 mètres carrés, alors que dans les années 2010, le record atteignait ou dépassait le quintuple. Ces données ne prennent pas en compte les très nombreuses surfaces de moins de 1 000 m2, qui passent sous le seuil nécessitant une autorisation. Dans les cinq ans qui viennent, Procos a recensé un stock de 429 projets, dont 218 ont été autorisés par les CDAC. De quoi peser sur les chiffres du commerce à l’avenir.