Une audience de rentrée sur la défensive
La traditionnelle cérémonie a tourné la page judiciaire de l’année 2012. Sur fond de crise économique et de pessimisme, elle a aussi suscité des déclarations de défense à la fois des chefs d’entreprise et de la juridiction elle-même…
Le 8 janvier, l’année judiciaire 2012 s’est officiellement terminée. Et celle de 2013 a été ouverte. Rappelons que la juridiction couvre le Valenciennois et la Sambre-Avesnois et qu’elle compte 22 juges consulaires issus du monde économique…
Le ministère public− représenté par Marie-Madeleine Alliot, procureur du tribunal, et Christophe Delattre, vice-procureur − a insisté sur le rôle du tribunal de commerce où se côtoient professionnels de la justice et chefs d’entreprise, soulignant au passage les bonnes relations régnant, à Valenciennes, entre les uns et les autres. Ils ont parlé d’un «dialogue bénéfique» qui évite notamment aux chefs d’entreprise la tentation de la «fuite en avant» en cas de difficultés.
Prévention et protection. Ce rôle, c’est, ont-ils dit, la prévention et l’anticipation face aux difficultés ; une attitude de présomption de bonne foi vis-à-vis des chefs d’entreprise, dont M. Delattre a dit qu’ils exerçaient un métier difficile et qu’ils étaient exposés eux aussi aux aléas, échecs et accidents, surtout en période de crise. Ce rôle, c’est encore la protection des intérêts financiers (des créanciers) et humains (des salariés), ainsi que la préservation du tissu économique local, lors des procédures collectives. Ils ont souligné aussi le rôle que doivent jouer les avocats et experts-comptables.
Pessimisme. Du discours de Serge Moreau, président du tribunal, on peut retenir les chiffres de l’activité 2012 (voir encadré), ses propos sur le déséquilibre chronique des finances publiques depuis le premier choc pétrolier en 1973 ainsi que sa volonté d’insister en premier lieu sur la situation nationale plutôt que sur le bilan de l’activité annuelle.
Il ne s’est guère montré optimiste pour 2013. Il a cité les secteurs du ferroviaire et de l’automobile confrontés au développement de la Chine pour l’un et au retard pris sur les constructeurs allemands et asiatiques pour le second. Il a constaté : «Les entretiens de prévention et les échanges avec les représentant du monde économique me laissent penser que les mentalités ne peuvent évoluer que sous la pression de la crise.» Il a appelé au courage pour mener les «réformes nécessaires» : «le redressement de la compétitivité», «la baisse des coûts de l’énergie et autres charges», «l’effort en matière de nombre d’heures travaillées».
Attaques ? Autre point abordé par le président, «les attaques injustifiées dont est victime l’institution consulaire depuis plusieurs mois». S’il s’est félicité de la décision du Conseil constitutionnel (le 4 mai), réaffirmant, pour lui, la légitimité des juges consulaires, il a déploré que des «défaillances d’entreprises d’ampleur nationale» (Doux, Petroplus, Technicolor) ont amené, par médias interposés, d’une part à transformer les tribunaux de commerce en «boucs émissaires de la crise» et d’autre part à l’annonce d’une réforme par la nouvelle ministre de la Justice… Il a aussi émis des craintes sur les conséquences d’une décision plus récente (décembre) du même Conseil constitutionnel, déclarant inconstitutionnelle la saisine d’office du tribunal par le président. Il y voit un risque pour les entreprises et s’est tourné vers le procureur qui garde la possibilité de jouer ce rôle face aux chefs d’entreprise et aux créanciers.
Vincent Demory, bâtonnier d’Avesnes, a lui aussi défendu la juridiction consulaire et invité à ne pas faire de distinction entre les «professionnels juges» et les «juges professionnels». Il a préféré dénoncer plutôt la faiblesse des investissements de l’Etat et défendre une justice consulaire qu’il juge «efficace» et «à moindre coût». Il a souhaité néanmoins plus de formations, le développement de la déontologie, la définition des incompatibilités (afin d’éviter les conflits d’intérêts), ce qui ne pourra, à l’écouter, que rassurer les justiciables…
L’activité en 2012
Voici quelques chiffres extraits du discours du président du tribunal de commerce, Serge Moreau, chef d’entreprise en retraite. Ils reflètent l’activité de la juridiction en 2012. Les propos entre guillemets sont des commentaires du président.
− 6 000 décisions prononcées toutes affaires confondues.
− 379 jugements en matière contentieuse (338 en 2011) et 279 en cours au 31 décembre 2012 (- 17% par rapport à 2011).
− 898 ordonnances d’injonction de payer (724 en 2011), soit 24% de plus, dont 5% ont fait l’objet d’une opposition.
−191 entreprises rencontrées par le président en compagnie de deux juges délégués dans le cadre des procédures préventives (1 100 salariés concernés).
− 467 procédures ouvertes (sauvegarde, redressement ou liquidation), soit + 10% par rapport à 2011 et + 13% par rapport à 2010.
− 68% des ouvertures de procédure, «à la demande exclusive du chef d’entreprise», ont concerné des liquidations judiciaires.
− 106 entreprises en observation au 31 décembre 2012.
− 1 257 emplois concernés par ces procédures collectives (baisse de 10% par rapport à 2011 et de 30% par rapport à 2010). Les entreprises défaillantes n’avaient donc pas de «taille significative». Mais «cela ne veut pas dire que les entreprises de taille importante n’ont aucune difficulté».
− 38 plans de redressement arrêtés et 3 plans de cession autorisés (pour respectivement 52 et 9 en 2011), un «net recul».
− 19 jugements de condamnation, représentant moins de 4% des ouvertures de procédure.
− 445 procédures clôturées, un«chiffre constant depuis quatre années».
− 7 324 formalités pour le registre du commerce et des sociétés (immatriculations, modifications, radiations). 201 commerçants individuels ont sollicité leur inscription, contre 217 en 2011.
− 827 sociétés nouvelles inscrites (1 016 en 2011, soit un peu plus de 18% de baisse).