Une année 2019 en ralentissement économique
Après deux années dynamiques, 2019 s’annonce plutôt sur une tendance «slow down», selon les récentes enquêtes menées par la Banque de France et la CCI Hauts-de-France. Malgré des indicateurs positifs, les effectifs sont en baisse et les dirigeants se montrent plus pessimistes concernant leur activité en 2019.
A l’occasion des Rencontres régionales de l’économie qui ont eu lieu fin février et début mars sur les différents territoires des chambres consulaires, la Banque de France, la CCI Hauts-de-France et, pour la première fois, la chambre d’agriculture Hauts-de-France ont dressé un panorama conjoint de l’économie régionale. Les 4 000 dirigeants interrogés signalent une stagnation de l’économie, notamment dans les secteurs du commerce de détail et des hôtels-cafés-restaurants (HCR), alors que la sphère productive (industrie, BTP, transport-logistique) a bénéficié d’une dynamique des exportations.
Un dynamisme modéré, mais une industrie qui investit
L’année 2017 avait été «faste» ; 2018, «pleine d’espoir». Mais les incertitudes nationales et une géopolitique bouleversée par la montée en puissance des populismes ou les incertitudes sur le commerce international orientent 2019 vers un ralentissement de l’économie. «Les indicateurs comme l’inflation et le taux d’intérêt sont solides et rassurants, mais on sent que l’économie est inquiète», constate Kathie Werquin-Wattebled, directrice régionale de la Banque de France. Le bilan est plutôt positif pour l’industrie qui a affiché une croissance de 2,9% en 2018 (contre 4,5% en 2017), portée notamment par une dynamique des exportations. Cinq secteurs sur neuf anticipent une croissance de leurs chiffres d’affaires en 2019 inférieure à celle de 2018. Parmi les secteurs qui investissent le plus, on peut citer les matériels de transport (+66%), les équipements électriques et électroniques (+24,6%) et la plasturgie/verre (+11,9%). «Malgré ces bons chiffres, les effectifs sont en baisse, notamment avec une part des intérimaires qui diminue. Pourtant, l’industrie représente tout de même 18% des effectifs régionaux», analyse Kathie Werquin-Wattebled.
Les services
marchands et le BTP en croissance
Ce n’est pas un phénomène nouveau, mais ce premier secteur est un vecteur fort de l’économie régionale avec 40% des effectifs et des prévisions de croissance à hauteur de 3,6%. Tous les secteurs ont affiché une croissance en 2018 : information et communication (+10%), transport et entreposage (+4,5%) et activités spécialisées (+2,3%). Néanmoins, le secteur investit peu (-8,1%). Le BTP a connu lui aussi deux très belles années en 2017 et 2018 – alors que la dernière année de croissance pour ce secteur remontait à… 2011 ! –, mais avec des investissements moindres (15,9% en 2017 contre 1,7% en 2018) et un cycle électoral qui bouscule le calendrier des chantiers. En 2019, la production sera quasiment stable (+0,1%) et les investissements en net repli (-15,6%). «Les équipements et travaux publics sont le secteur où l’on a recruté le plus de main-d’œuvre. La conjoncture reste favorable : lorsqu’on investit dans l’industrie, on investit dans le BTP et la logistique», tempère la directrice régionale. Par contre, des charges trop importantes, une forte concurrence et une baisse des commandes et de la fréquentation amènent le secteur des HCR et du commerce de détail à anticiper des difficultés de croissance (respectivement 55% et 59%). Si la courbe des créations d’entreprise suit la même tendance qu’en France avec 39 600 entreprises régionales créées en 2018, les défaillances sont en légère croissance (3 823 en 2017 et 3 865 en 2018), notamment dans le BTP et les transports. «Il nous faut aussi relever le défi de la transmission d’entreprise. A ce jour, 35 000 entreprises sont concernées, pour 172 000 emplois. Et il n’y a pas de successeurs», ajoute Philippe Hourdain, président de la CCI Hauts-de-France.
L’export, encore trop
faible pour les PME
«La croissance a été tirée pour moitié par l’export, mais cela reste notre point faible. En France, nos PME ne travaillent pas assez à l’international», regrette Philippe Hourdain, rappelant tout de même que les Hauts-de-France ont été la première région à avoir monté la “Team France Export”, un guichet unique annoncé par Édouard Philippe en février 2018, permettant aux entreprises d’exporter ou d’accélérer leur présence à l’international. Reste à relever le difficile défi du chômage puisque 75% des dirigeants éprouvent des difficultés à recruter. «Nous avons un déficit de 34 800 emplois alors que la France en a gagné 4 500. Les grandes entreprises réussissent à embaucher parce qu’elles ont des services RH performants, mais la croissance des PME peut clairement être freinée par des difficultés d’embauche, particulièrement dans l’industrie», regrette le président. Alors qu’en 2017, 16 000 emplois ont été créés tous secteurs confondus, le chiffre baisse de moitié en 2018 (8 240). 19% des entreprises interrogées prévoient de recruter, notamment dans le transport et la logistique, l’industrie et le BTP, principalement en emplois intérimaires. A quelques semaines du Brexit, Philippe Hourdain déplore que seule une entreprise sur trois se soit préparée. «J’étais très pessimiste il y a trois mois, mais aujourd’hui, grâce à des systèmes de traçabilité, l’entrée des ports sera certes moins fluide mais tout le monde a investi. Cependant, les entreprises ne s’approprient pas le sujet alors qu’elles sont 2 500 à commercer avec le Royaume-Uni.»
24 000
exploitations agricoles en Hauts-de-France
Avec un chiffre d’affaires de 5,6 milliards d’euros, 10% de l’emploi et 10% de la valeur ajoutée régionale, l’agriculture régionale pèse lourd avec 2,1 millions d’hectares de surface agricole. Les Hauts-de-France réalisent 2,1 milliards d’euros de valeur ajoutée nette, derrière les régions viticoles qui créent beaucoup de valeur ajoutée, à l’image de la Nouvelle-Aquitaine, du Grand-Est ou de l’Occitanie. Les deux tiers du territoire sont valorisés par l’agriculture, ce qui en fait la 8e région la plus agricole de France. Ainsi, «40 de nos productions agricoles sont dans le top 5 des productions françaises avec deux pommes de terre sur trois, une betterave sucrière sur deux, trois bouteilles de lait sur dix, une tonne de blé sur cinq ou encore trois litres de bière sur 10», énumère Hélène GrandClaudon, chef du service études à la Chambre régionale d’agriculture. Reste cependant à relever plusieurs défis puisque le nombre d’exploitations est en baisse de 12% depuis 2010 – une baisse plus contenue qu’au niveau national avec -18% – et que le problème de la transmission se pose clairement : pour 1 300 départs en retraite, on compte seulement 850 nouveaux exploitants. L’emploi agricole est lui aussi en repli continu (-1,8% par an depuis 2010) et la mauvaise année 2016 en termes de récolte de céréales a plombé le commerce extérieur avec la perte de clients historiques, notamment au Moyen-Orient et au Maghreb. Néanmoins, les indicateurs économiques s’améliorent puisque les difficultés de paiement s’atténuent et le commerce extérieur a été boosté par les produits bruts avec un excédent de 449 millions d’euros en 2018, soit trois fois plus qu’en 2017.
“Il faut relever le défi de la transmission d’entreprise”