Un territoire, une marque : la saga «Calaisfornia»

La marque territoriale «Calaisfornia» n’en finit pas de surprendre. Vêtements, goodies... elle se décline à l’infini. Pendant que les T-Shirts logués fleurissent sur les poitrines des estivaliers et des Calaisiens sur le front de mer rénové de la plage. Rencontre avec leurs créateurs.

Rodolphe Leprince et Romain Carèje, créateurs de la marque territoriale Calaisfornia. © Aletheia Press/M. Railane
Rodolphe Leprince et Romain Carèje, créateurs de la marque territoriale Calaisfornia. © Aletheia Press/M. Railane

Mais que vendent-ils ? Romain Carèje et Rodolphe Leprince sont deux jeunes trentenaires calaisiens attachés à leur ville, qui ont lancé la marque «Calaisfornia». Tous deux sont drôles et avides de challenge : «Cela a commencé à un apéro» raconte le premier alors que le second sourit sur son tabouret. «Nous faisions un logo sur Calais. Nous nous sommes dit que nous le poserions bien sur un maillot, pour nous. Et puis des gens dans la rue nous ont demandé où nous l’avions acheté… Sur Snapacht, cela a commencé à tourner de plus en plus, avec un million de vues» s’amusent-ils.

«Alors nous en avons fait pour quelques-uns, nous avons bricolé comme ça. Mais la demande était de plus en plus forte. ‘’C’est bien, les jeunes, quelque chose de positif, ça fait du bien’’ disaient les gens» ajoute-t-il. C’était au printemps 2018. Romain Carèje travaille dans l’événementiel et Rodolphe Leprince dans le prêt-à-porter. Les T-Shirts, ils les livrent donc à domicile le soir. «Ma chambre faisait parfois cabine d’essayage, nous faisions du porte-à-porte» rigole Romain Carèje.

Une succession de booster

La production continue d’enfler : des dizaines et des dizaines de T-shirt sont commercialisés. Un accélérateur va les booster : l’Office du Tourisme les appelle et leur propose de leur servir de dépôt-vente. Une semaine plus tard, les stocks étaient épuisés. L’OT passe alors commande formellement. La production s’envole encore.

Un an plus tard, à l’approche de l’hiver 2019, l’arrivée du Dragon est dans tous les esprits. C’est Noël pour les deux entrepreneurs : «Il y avait un truc à jouer. Nous avons alors créé la société, nous étions en auto-entreprise auparavant. Le magasin du Dragon, qui devait ouvrir trois jours, a perduré six mois. C’était notre dépôt-vente» racontent ceux qui sont alors encore salariés par ailleurs. En parallèle, ils ressortent le maillot de la finale de la coupe de France de football, perdue par les amateurs de Calais en 1999.

Troisième « opportunité », les locaux de la boutique du Dragon se libèrent. «Nous nous y sommes installés, nous avons fait les travaux et avons bénéficié du plan de revitalisation de la ville. Nous avons signé pendant le confinement sans crainte particulière» indique Romain Carèje qui perd à cette époque son job. Rodolphe Leprince quitte le sien et les deux compères passent les confinements en faisant du retrait-boutique, de la vente à distance. Les produits prolifèrent : casquettes, gourdes, décapsuleurs. «Tout ce qui peut être logoté quoi !». Les textiles sont en coton et d’autres articles sont réalisés avec du plastique ramassé dans les océans. L’esprit reste toutefois à la fête. Les deux associés sortent une bière en édition limitée : 60 bouteilles. «Il y avait 15 mètres de queue avant l’ouverture, due à une grosse communication sur les réseaux sociaux» sourit Rodolphe Leprince.

Un message de fierté

L’esprit positif véhiculé par le message des produits coïncide avec les politiques publiques de la mairie de Calais, soucieuse d’améliorer son image entachée par des phénomènes migratoires dramatiques et récurrents. De la pure «com’» ? Pas seulement. L’attractivité retrouvée sur la Côte d’Opale reste concurrentielle. À Calais, la rénovation totale du front de mer semble porter ses fruits selon quelques professionnels consultés. À l’été 2021, une nouvelle opportunité se dévoile : la ville de Calais lance un appel d’offres, pour une surface commerciale sur la plage, et sollicite les deux entrepreneurs. Ils s’installent ainsi sur le sable durant les trois mois de la saison estivale… La production suit. L’entreprise vend désormais des milliers de maillots «Calaisfornia» et d’autres vêtements et objets. Deux salariés et quelques stagiaires s’affairent.

L’an dernier, l’énième opportunité se présente encore : «Nous nous demandions ce que nous pourrions encore faire. Nous discutions avec le gérant du bar à côté de notre boutique qui vendait son fond de commerce. Nous avons sauté sur l’occasion» raconte Romain Carèje. Leur bar «The House» a ouvert en avril dernier : «il a fallu plus de six mois pour trouver les banques…» pestent les entrepreneurs. «Nous faisons chacun un soir sur deux, en alternance... et la boutique la journée. Nous avons besoin de challenge» sourient les associés. L’entreprise file vers le demi-million d’euros de chiffre d’affaires en 2023. Mais ce que vendent ces deux entrepreneurs, c’est aussi le miroir d’une certaine fierté qui dormait chez les Calaisiens.