Visite d'Agnès Pannier-Runacher, ministre de l'Industrie, dans les Hauts-de-France

Un plan pour les sous-traitants de la filière automobile

Lauréate de France relance au printemps dernier, Votat, installée à Pont-Sainte-Maxence, représente l'industrie qui se modernise et se renouvelle. Durant la visite, le 16 décembre dernier, de la ministre de l'Industrie, Agnès Pannier-Runacher, celle-ci a annoncé une France 2030 à la reconquête de l'industrie. Avec 550 entreprises automobiles et 55 000 emplois, ce sujet est majeur dans les Hauts-de-France.

Lors de la visite de la ministre de l'Industrie chez Votat, à Pont-Sainte-Maxence.
Lors de la visite de la ministre de l'Industrie chez Votat, à Pont-Sainte-Maxence.

Entreprise de sous-traitance industrielle, Votat subit, dès le début de la crise, des perturbations des flux et des modèles, puis, deux ans après, la pénurie des matières premières. Fort de son dynamisme et son innovation, Philippe Marillaud s'est tourné dès 2019 vers l'industrie 4.0 que la crise, à bien des égards, a accéléré... pour obtenir une subvention de 775 000 euros dans le cadre du plan gouvernemental France relance, à la fin de l'année 2021. «Il faut se diversifier pour apporter de la valeur ajoutée, a-t-il expliqué à la ministre de l'Industrie, lors d'une table ronde. Pour nous, il va y avoir la modernisation des parcs de presse. Le but est de devenir, à l'avenir, un équipementier pour répondre aux besoins des industriels.»

Des efforts de modernisation qu'a salués Agnès Pannier-Runacher, soulignant que l’État «réindustrialise depuis les années 2000», avec comme objectif «des industries compétitives depuis quatre ans», et arguant qu'avant la crise, le nombre d'emplois dans l'industrie s'élevait à 40 000 pour atteindre le nombre de 70 000 depuis 2021.

Un plan pour les sous-traitants

Pour encourager cette dynamique, la ministre de l'Industrie a annoncé un plan pour aider les sous-traitants, les salariés et les territoires en faveur de la transition de la filière automobile. Parce que la filière automobile est confrontée à deux défis majeurs. 

D’une part, la crise sanitaire et ses conséquences qui ont considérablement réduit le niveau d’activité dans la filière et risquent de fragiliser durablement la trésorerie et les capacités d’investissement de ses acteurs. 

D’autre part, la transition vers les véhicules électrifiés qui entraîne un besoin de diversification pour un nombre croissant de sous-traitants. «Ce fonds a vocation à soutenir des projets de diversification visant à développer ou industrialiser de nouveaux produits et procédés de fabrication, en lien avec le véhicule électrifié et ses composants, ou vers des segments porteurs en dehors de l'automobile», a déclaré la ministre. Si le plan France relance a appuyé la consolidation des filières, le nouveau plan France 2030 aidera à en créer de nouvelles.

La mobilité décarbonée, la diversification des pièces technologiques et les nouveaux marchés, tels sont les objectifs. Depuis le 17 décembre, un fonds de soutien à la diversification des sous-traitants automobiles de 300 millions d'euros est mis en place. En sus, une enveloppe de 100 millions d’euros sera consacrée à l’accompagnement des territoires affectés par les mutations de la filière. Objectif ? Favoriser localement l’émergence d’industries de demain en collaboration avec les acteurs locaux. Ces derniers mois, onze territoires ont déjà été accompagnés et la ministre en annonce 30 autres, concernés dès 2022.

Enfin, ce plan France 2030 pour la filière automobile va renforcer la plateforme automobile (PFA) dès janvier 2022, pour accompagner davantage les entreprises industrielles tant du côté stratégique qu'opérationnel. Déjà 200 entreprises seront accompagnées l'année prochaine «Nous sommes à un tournant, constate la ministre. Il y a des risques, mais il n'y a jamais eu autant d'opportunités et les Français n'en ont jamais été autant convaincus.» Par ailleurs, le plan France 2030 prévoit que 2,5 milliards d'euros seront mobilisés sur le capital humain pour soutenir l’émergence de talents et accélérer l’adaptation des formations aux besoins de compétences des nouvelles filières et métiers d’avenir.

Une reprise en demi-teinte

Si le Gouvernement mise sur la réindustrialisation de la France, les industriels, même très volontaires sur la modernisation de leurs structures et de leurs modèles, peinent à se relancer, restant dans un entre-deux technologique. Des craintes partagées par Jérôme Bodelle, PDG du Centre de recherche, d'innovation technique et technologique en moteurs et acoustique automobile (CRITT M2A) de Bruay-la-Buissière, qui a pourtant inauguré, il y a deux mois, un centre d’essais sur l'électromobilité unique en France. «En 2014, nous avons investi huit millions d'euros et nous avons misé sur l'innovation. Nous étions en avance avec notre meilleur chiffre d'affaires réalisé en 2019, énonce-t-il. Mais la crise est arrivée, bouleversant les modèles et divisant notre chiffre d'affaires par deux en 2020, car les constructeurs automobiles ont retiré les prototypes et ont fait également face à la crise. Aujourd'hui, finalement, nous sommes un peu en retard, et nous nous tournons vers le 100% électrique. Les centres de recherche ont souffert car on se trouve soudain face à la fin du thermique et le début de l'électrique.»

Autre sujet qui touche l'industrie automobile, la concurrence internationale, notamment les délocalisations, surtout de la recherche et développement. Sur ce débat, la ministre veut «sanctuariser les marchés». Mais c'est bien un effort de l’État que souhaitent les industriels. «L'aide à l'investissement est primordial, assure Jean-François Charlet, directeur général de l'entreprise WTX (fabricant de conduits), basée à Roubaix. Le Japon subventionne les industries, donc nous ne pouvons pas suivre à la même vitesse.» 

De son côté, pour pallier les futurs problèmes de matières premières, son innovation consiste à miser sur le recyclage. Ces initiatives vertueuses des industriels sont aussi englobées dans un système de fonctionnement du marché de l'automobile qui doit aussi être bousculé. «La solidarité est un vecteur important pour l'évolution des entreprises automobiles», précise Luc Messien, directeur général de l'association Aria Hauts-de-France.

«Aujourd'hui, nous nous tournons vers le 100% électrique. Mais les centres de recherche ont souffert car on se trouve soudain face à la fin du thermique et au début de l'électrique.» Jérôme Bodelle, PDG du CRITT M2A, à Bruay-La-Buissière.

La formation, un défi de taille 

L'innovation, le modernisation, le soutien de l’État, la réindustrialisation en France... Si tous ces paramètres sont réunis, il n'en reste pas moins une préoccupation majeure : le manque de compétences. «Il ne faut pas arrêter les aides pour les formations professionnelles, insiste Erick Maillet, président de l'UIMM Picardie. Il y a un manque de compétences en ingénieurs, ouvriers qualifiés, conducteurs de ligne... Tous les métiers de l'industrie sont touchés.» Pour les entreprises industrielles, la formation est donc primordiale pour attirer les jeunes dans ces filières. La formation reste un défi de taille tant l'image de l'industrie est détournée de la réalité. «Il y a un gros travail sur l'attractivité des métiers pour attirer les futures compétences», assure la ministre de l'Industrie.

C'est aujourd'hui, fin 2021, que la France relève le défi de la réindustrialisation dans une société en pleine transition environnementale. Les industriels de la filière automobile – et des autres secteurs – sont prêts pour ce pari à relever pour les dix années à venir.