Un nouveau cap à franchir d'urgence

Au-delà de la RSE, c’est le modèle économique même des entreprises qu’il faut changer.
Au-delà de la RSE, c’est le modèle économique même des entreprises qu’il faut changer.

Attention, il y a urgence, ont alerté des responsables RSE d’entreprises, lors d’une table ronde organisée par le Medef, en novembre 2017, à Paris. Les améliorations à la marge en matière de responsabilité sociétale ne suffisent plus : c’est le modèle économique même des entreprises qu’il faut changer.

 

Au-delà de la RSE, c’est le modèle économique même des entreprises qu’il faut changer.

«Les entreprises françaises sont en première ligne sur la RSE(…). Des efforts restent à faire, mais il y a déjà des bonnes pratiques», expose Catherine Tissot-Colle, présidente de la commission RSE du Medef, en introduction à la table ronde consacrée à la «RSE 2017 : partage de l’état des lieux», qui s’est tenue le 29 novembre 2017 à Paris. Si les entreprises françaises ont réalisé des efforts en matière de responsabilité sociétale, c’est notamment pour répondre aux obligations de reporting posées par la loi NRE (Nouvelles régulations économiques) de 2001 et les dispositions prises lors du Grenelle de l’environnement, rappelle Catherine Tissot-Colle. Elle s’inquiète d’ailleurs de l’impact potentiel d’un alourdissement de ces obligations. «C’est bien de montrer le chemin, mais il est important que nos entreprises ne soient pas pénalisées. Aujourd’hui, les tendances réglementaires peuvent structurer des démarches, mais aussi les alourdir», estime-t-elle, évoquant, par exemple, le devoir de vigilance prévu par la loi Sapin II. Mais au-delà de la réponse à des obligations réglementaires, pour Catherine Tissot-Colle, en matière d’engagement RSE, les entreprises ont franchi le cap ultérieur. «Nous passons d’une vision technique du sujet à une vision plus stratégique», analyse-t-elle. Concrètement, la responsabilité sociétale d’entreprise, au-delà d’être une obligation à laquelle se conformer, pourrait se révéler facteur de croissance… «Il y a des gains financiers à réaliser, à être vertueux en matière de RSE» confirme Sophie Flak, directrice RSE et digital d’Eurazeo, société d’investissement qui détient un portefeuille d’une quarantaine de sociétés. Par exemple, à l’une d’elles, Léon de Bruxelles, l’investisseur a demandé un programme de réduction du turn-over des salariés. Résultat : une économie de 900 000 euros, par an, et une amélioration du bilan social. Mais plutôt qu’à décrire ce type de «bonnes pratiques», comme l’y invitait l’animateur de la table ronde, c’est à dénoncer l’urgence de la situation que se sont attachées Sophie Flak et Alexandra Palt, directrice responsabilité sociétale et environnementale du groupe L’Oréal et directrice générale de la Fondation de l’entreprise.

«Nous n’avons plus le temps !»

Pour la première responsable, «nous n’avons plus le temps ! (…) Les entreprises ont fait tout ce qu’il était possible de faire en matière d’optimisation. Mais lorsque l’on regarde toutes ces études alarmantes, on se dit : quand est-ce qu’on va passer la seconde ?». Un avis partagé par Alexandra Palt : «Il faut créer un sens d’urgence. On bouge tous. Mais on peut aussi s’accorder sur le fait que cela ne va pas assez vite, que tout ce que l’on fait ne suffira pas (…). Il est nécessaire de développer d’autres modèles de business». Une démarche, qui, pour elle, peut s’appuyer sur la demande des consommateurs, soucieux de consommer différemment, avec par exemple, des préoccupations nouvelles en matière de santé et un désir de nature. Mais un autre levier est indispensable au changement : une véritable volonté à la tête de l’entreprise. Chez L’Oréal,  «nous travaillons sur une approche stratégique de notre business. Nous avons des dirigeants très engagés, et nous sommes conscients du fait qu’il va falloir réaliser des investissements. C’est la seule voie possible, la condition de notre survie», explique Alexandra Palt. Reste qu’au-delà des actions menées par les entreprises, un autre paramètre est susceptible de peser lourd dans la transition – ou pas – de l’économie vers un modèle durable : l’attitude des acteurs de la finance. À ce sujet,  «je pense que la finance impose son rythme, ses normes. Il me semble juste qu’elle fasse sa part», estime Sophie Flak. Au Crédit Agricole, «nous avons développé une stratégie volontaire pour accompagner les secteurs et les pays dont nous pensons que leur modèle d’affaires est en train de s’adapter à la bonne vitesse au développement durable», témoigne Jérome Courcier, responsable RSE de l’établissement bancaire. Lequel a exclu de son financement certains secteurs, comme le charbon, et a introduit une notation RSE dans les dossiers de crédit.