Un minotaure et une femme-scorpion plongent Toulouse dans la féerie d'un grand opéra urbain
Cornes impressionnantes, narines fumantes, torse en bois délicatement sculpté, Lilith, la colossale femme-scorpion de l'opéra urbain conçu par la compagnie de théâtre de rue La Machine, a déambulé samedi parmi...
Cornes impressionnantes, narines fumantes, torse en bois délicatement sculpté, Lilith, la colossale femme-scorpion de l'opéra urbain conçu par la compagnie de théâtre de rue La Machine, a déambulé samedi parmi une foule compacte dans le vieux Toulouse.
"Elle est grande, hein?", murmure une mère à son jeune fils, qu'elle tient à bout de bras pour qu'il puisse voir Lilith. Non loin de là, une fillette aux cheveux blonds affiche un air inquiet face à ce monstre qui s'anime sur une bande son de râles et de murmures.
On aurait pu croire que l'apparition d'un scorpion géant viderait les rues toulousaines, mais les curieux se sont pressés par milliers samedi dès 10H00 pour admirer la nouvelle protagoniste mythique de La Machine.
Son réveil, vendredi soir, a signé le premier acte de ce spectacle, "La Porte des ténèbres", au cours duquel la géante tentera "d'ouvrir un passage vers l'au-delà" pour soumettre de nouvelles "âmes damnées" et ainsi étendre son pouvoir, selon le livret accompagnant cette performance, distribué largement et disponible via QR code.
Pour la première scène de la journée de samedi, Lilith semble chercher du regard Astérion le minotaure, un colosse de 47 tonnes pour 14 m de haut qui, depuis le premier opus de cet opéra, en 2018, est devenu le gardien de la Ville rose.
D'un rythme lent et majestueux, Lilith rallie la place du Capitole, à quelques centaines de mètres de là, accompagnée par des centaines de personnes, dont beaucoup d'enfants.
Aiguillon
Quelques chanceux profitent du passage de l'immense machine aux balcons de leurs logements, mais les machinistes semblent prendre un malin plaisir à diriger dans leur direction les panaches de vapeur que Lilith propulse par ses narines ou son aiguillon de scorpion.
Avec la "Porte des ténèbres", le metteur en scène François Delarozière voulait "rendre la ville enchantée, rendre la ville merveilleuse", a-t-il confié quelques jours plus tôt à l'AFP.
"Je veux simplement laisser un souvenir à vie, une marque dans l'esprit. J'aime que le public retrouve ce regard d'enfant, un moment où on oublie les préjugés, les croyances et se retrouve face à une émotion qui soit un peu totale et dans l'espace public", a-t-il expliqué.
Mission accomplie, à en juger par les mines ébahies, malgré la grisaille parfois accompagnée d'une légère bruine. "Un petit peu de pluie, pas trop, en tout cas le succès populaire est là", se réjouit néanmoins auprès de l'AFP le maire de la ville Jean-Luc Moudenc.
En 2018, le premier opus avait rassemblé 800.000 personnes. Les organisateurs en attendent cette fois un million. Sur la journée de vendredi, 100.000 curieux, selon la mairie, sont déjà venus admirer les machines.
"Heureusement que les évêques nous ont consacrés, hein?", lance, goguenarde, une femme aux yeux bleus et cheveux frisés.
L'approche de l'événement a en effet été marquée par une polémique alimentée notamment par l'archevêque de Toulouse, qui a dénoncé un spectacle "ténébreux" accompagné d'"une symbolique satanique". Le metteur en scène ainsi que Jean-Luc Moudenc se sont vivement défendus d'avoir voulu manquer de respect à une quelconque religion.
Danse périlleuse
Au coeur du centre-ville, fermé à la circulation à l'occasion de cet événement phare de la programmation culturelle de la métropole toulousaine, qui a financé le projet pour un coût total de 4,7 millions d'euros, Lilith émerge enfin sur la place du Capitole où se dresse Astérion encore endormi.
"C'est incroyable, c'est un peu surréaliste. Il y a quelque chose qui se passe, le fait que ce soit du spectacle vivant en plus, c'est quelque chose qui est assez exceptionnel", s'exclame Barbara Quisol, 27 ans, animatrice de dessins animés.
Au rythme impulsé par les musiciens installés au balcon de l'hôtel de ville, tantôt envoûtant, tantôt virevoltant, la femme-scorpion s'approche doucement du minotaure en faisant le tour de la place devant des milliers de regards et smartphones immortalisant la scène.
Astérion, venu protéger la ville, ne peut résister au sort que lui jette Lilith. Les deux immenses machines amorcent une danse périlleuse pour les nombreux machinistes accrochés à ces colossales structures de bois et d'aciers, avant de se séparer et de repartir dans deux rues séparées, sous un tonnerre d'applaudissements et de vivats.
36KV7L7