"Un gâchis": face au trafic de drogue, un site universitaire de Marseille veut fermer temporairement
"Un immense gâchis": face à l'insécurité grandissante liée au trafic de drogues, l'Université d'Aix-Marseille a décidé de fermer temporairement un site au centre de Marseille, conduisant la préfecture de police à promettre mercredi...
"Un immense gâchis": face à l'insécurité grandissante liée au trafic de drogues, l'Université d'Aix-Marseille a décidé de fermer temporairement un site au centre de Marseille, conduisant la préfecture de police à promettre mercredi un renforcement des moyens autour de l'établissement.
"Après des mois d'inquiétude et d'alerte, le doyen de la faculté d'économie et de gestion du site Colbert à Marseille a pris la décision de fermer l'accès à ce bâtiment aux étudiants et aux personnels, faute de pouvoir assurer leur sécurité", a écrit le président d'Aix-Marseille Université Eric Berton dans une lettre - dont l'AFP a obtenu copie - adressée au préfet du département des Bouches-du-Rhône et à la préfète de police, ainsi qu'à la procureure et au maire de Marseille.
Les cours seront assurés en distanciel de vendredi jusqu'au 13 octobre, ce qui inquiète beaucoup d'étudiants préférant le présentiel.
"Il s'agit pour les personnels, pour les enseignants, pour notre communauté, de dénoncer les conditions d'insalubrité et d'insécurité autour de la faculté", a expliqué mercredi devant le site, situé près du Vieux-Port, le doyen de cette faculté, Bruno Decreuse.
"On en arrive à une décision radicale quand le sentiment de mécontentement monte et que les choses n'évoluent pas assez vite", a-t-il estimé, précisant que 1.500 étudiants, 170 enseignants et des dizaines de personnels administratifs fréquentent cette antenne de l'Université.
Elle est située à Belsunce, un quartier pauvre du centre. A quelques centaines de mètres, un centre médico-psychologique avait été fermé en juillet, déjà sous la pression de l'installation de dealers.
Et, depuis quelques jours, une crèche municipale également toute proche est fermée, toujours par crainte d'insécurité.
Poissonniers
Un des personnels du site Colbert a expliqué à l'AFP, sous couvert d'anonymat, la dégradation de la situation: "Il y a un point de deal qui a beaucoup grossi cet été. Toute la journée, on les entend crier pour vendre leur marchandise, c'est comme des poissonniers".
Un de ses collègues, se disant "très attaché à ce site qui a toujours été dans ce quartier populaire", parle d'un "immense gâchis".
La décision universitaire a conduit la préfète de police Frédérique Camilleri à convoquer mercredi après-midi une réunion avec des représentants de l'université et de la ville de Marseille, à l'issue de laquelle elle a annoncé "une présence policière permanente et renforcée dès aujourd'hui", avec "également des patrouilles élargies autour de ce secteur".
"Il faut qu’on puisse être présents de façon plus visible, plus durable", a-t-elle ajouté, dans le cadre d'un "plan de reprise du centre-ville en terme de sécurité, avec des patrouilles plus fréquentes, à hauteur d'homme, pour qu'on puisse aller discuter avec les policiers".
"Des mesures concrètes et pérennes qui vont rassurer les collègues qui ont le sens du service public et sont très investis sur les lieux", a commenté M. Berton, "persuadé que les étudiants pourront reprendre très rapidement les cours en présentiel". Une décision des personnels enseignants doit toutefois encore intervenir en ce sens.
Hors de question
"Il est hors de question que le service public plie face à ces dealers" a martelé la préfète. Dans un autre quartier de la ville des policiers sont déployés près d'une école élémentaire, elle aussi toute proche d'un point de deal.
Même son de cloche du côté de la mairie de Marseille, dont l'adjoint à la Sécurité, Yannick Ohanessian, estime qu'il n'est "jamais acceptable pour nous de voir le moindre service public reculer face à la violence".
Et s'engage à tout faire, en coopération avec les services de l'Etat, pour que la crèche proche du pôle universitaire Colbert puisse elle aussi "rapidement rouvrir ses portes dans les meilleures conditions de sécurité".
Cité portuaire marquée par de fortes inégalités, Marseille est touchée depuis des dizaines d'années par les trafics de drogue. Mais le niveau de violence pour le contrôle des points de vente de stupéfiants est en hausse, comme dans d'autres villes de France.
Plus d'une quarantaine de personnes ont été tuées cette année dans la ville dans des guerres de territoires entre trafiquants, la procureure évoquant un "bain de sang".
La semaine dernière plusieurs habitations ont été touchées, sans faire de blessés, lorsqu'un commando a ouvert le feu en pleine rue en début de soirée sur un groupe de trois hommes, en tuant deux. Le 11 septembre, une jeune étudiante de 24 ans avait été tuée chez elle par une balle perdue.
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