Tribunaux de commerce
Un congrès national suspendu à l’annonce des prochaines réformes
Placé sur le thème «Les tribunaux de commerce, l'excellence française», le congrès national des tribunaux de commerce a été l’occasion de rappeler la position de l’institution représentative des juges consulaires sur les propositions issues des États généraux de la justice. En dépit de l’absence de tout représentant du ministère de la Justice.
«Notre
garde des Sceaux n’a pas pu se déplacer, ni même se faire
représenter. C’est bien peu de considération des 3 370 juges
du commerce, un camouflet, dirait certains», a déclaré
la présidente de la Conférence générale des juges consulaires de
France, Sonia Arrouas, en
préambule à son allocution d’ouverture du congrès national des
tribunaux de commerce, le 25 novembre dernier à Paris. Cette absence
de tout représentant de la Chancellerie alors que le ministre doit
bientôt présenter son plan d’actions issu des États de la
justice a passablement surpris et déçu les juges consulaires.
Formation,
outils numériques : des avancées significatives
Plusieurs des chantiers mis en œuvre au sein des tribunaux de commerce avancent à grand pas. C’est le cas du développement de la formation initiale et continue des juges, en partenariat avec l’École national de la magistrature, avec l’Université Paris Sorbonne, avec l’Ordre national des experts-comptables, le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, les commissaires de justice…
Du côté des outils, tous les présidents et vice-présidents des juridictions consulaires disposent désormais d’un accès libre et gratuit à Infogreffe, et la signature électronique poursuit son déploiement : «Plus de 80 tribunaux l’utilisent et 100 000 décisions ont eu recours à ce nouvel outil. Nous souhaitons accélérer le processus. La totalité des tribunaux doivent en bénéficier pour la fin 2023», a précisé Sonia Arrouas.
Un nouveau portail destiné aux juges est actuellement en test dans
certains tribunaux et le site de la Conférence
générale dispose aujourd’hui d’«un
annuaire de l’ensemble des juges, d’une messagerie privée, d’un
forum de discussion et de nouveaux outils numérique»,
dont un accès à une base de données juridiques. Enfin, le chantier
de l’open data des décisions des tribunaux de commerce, prévue
pour début 2025, se poursuit. «L’implication des juges
est importante, ils devront participer à l’anonymisation des
décisions.»
Des
outils d’aide à la décision pour les juges consulaires
Autre projet récemment arrivé à terme : une nouvelle version du livret de prévention qui recense et présente l’ensemble des dispositifs d’anticipation et de traitement des difficultés d’entreprises est parue en octobre. «Un tirage de plus de 40 000 exemplaires a été distribué aux chefs d’entreprises, un véritable succès», s’est félicité la présidente.
Avant de remercier deux des
membres de la Conférence générale, Michèle
Simon, présidente de la commission Traitement des difficultés
des entreprises, et Patrick
Jeanjean, président de la commission juridique, pour
le travail qu’ils réalisent pour «mettre en place des
outils d’aide à la décision pour nos juges consulaires»
et «les précieux commentaires» qu’ils
élaborent sur l’application de nouvelles dispositions : «les
juges peuvent ainsi se concentrer sur l’application des textes,
sans perdre de temps sur leur interprétation – mesures post-Covid,
loi et décrets de sortie de crise, circulaire du plan d’action du
gouvernement pour l’accompagnement des entreprises, etc.».
Oui
au tribunal des activités économiques, non à l’échevinage
Le congrès national a également été l’occasion de rappeler la position de la Conférence générale sur les propositions issues du groupe de travail sur la justice économique mis en place dans le cadre des États généraux de la justice, dont certaines sont susceptibles d’être intégrées dans le prochain projet de loi de programmation de la justice. Après avoir souligné, en préambule, que «certaines formulations au sein du rapport – risque de conflits d’intérêt, manque de culture et de connaissances juridiques – ont été considérées comme insultantes, par de nombreux juges consulaires», Sonia Arrouas a tout d’abord indiqué que la Conférence générale était favorable à l’instauration d’un tribunal des activités économiques dans les 134 tribunaux de commerce, mais défavorable à une expérimentation au sein de six tribunaux.
Dans ce cadre, l’extension de la
compétence des tribunaux devrait englober «les
associations, les sociétés civiles, les agriculteurs, les
professions libérales, les sociétés ou groupements quelle que soit
l’activité exercée (GAEC, SCEA, etc.), les baux commerciaux, les
mutuelles, le contentieux de la propriété intellectuelle».
La
Conférence est par ailleurs opposée au transfert du contentieux de
la construction aux tribunaux judiciaires (tel que proposé par le
rapport de synthèse des États généraux) et «réservée»
sur l’attribution du contentieux en matière agricole. Enfin,
« nous avons indiqué être totalement opposés à une
chambre des sanctions présidée par un magistrat de carrière »
et «nous avons précisé que nous demeurions plus largement
opposés à tout principe d’échevinage». Lors de la
concertation organisée par le garde des Sceaux, en septembre et
octobre derniers, «notre
ministre a validé qu’il n’y aurait pas de chambre de sanction
présidée par un magistrat de carrière», a ajouté Sonia
Arrouas.
Des
juges bénévoles qui «n’ont pas vocation à être
des mécènes»
Parmi
les autres propositions issues des Etats généraux figurent, entre
autres, la création d’un droit de timbre pour financer la justice
économique. Si la Conférence générale ne rejette pas ce mode de
financement, elle estime que le projet de loi de programmation de la
justice devrait prévoir un volet financement intégrant une ligne
budgétaire dédiée à la justice économique. «Les juges
des tribunaux de commerce sont des bénévoles mais n’ont pas
vocation à être des mécènes», a lancé la présidente,
qui demande à ce que chaque tribunal de commerce bénéficie d’un
budget géré par le président de la juridiction. «Le
montant forfaitaire indexé, demandé par juge, pourrait s’élever
à 1 300 euros par an.»
«Espérons que les annonces qui doivent être faites dans les prochains jours sur les évolutions retenues de la justice commerciale nous permettent de considérer que nous avons été entendus. Nous ne pouvons imaginer qu’il y ait le moindre lien entre l’absence du ministre et les annonces à venir», a-t-elle déclaré en conclusion. La Chancellerie a, depuis, reporté ces annonces à début 2023.