Un aéroport "insulaire" au large des côtes anglaises ?
Une infrastructure aéroportuaire géante au large des côtes anglaises ? C’est ce qu'ont proposé un cabinet d’ingénierie britannique et leurs communicants français, devant la presse, le 15 février dernier à Calais.
Le projet de réalisation d’un aéroport sur une île artificielle au large de la ville de Deal, à l’extrême ouest du Kent, est dans une phase de communication intensive. Présentée le 15 février à la Cité internationale de la dentelle et de la mode, la proposition des architectes Beckett et Rankine surprend : créer une île artificielle sur laquelle seraient édifiées quatre à six pistes, y adjoindre un port pour ferries et parachever l’ensemble d’une zone de logistique dédiée aux trafics de l’Europe du Nord. Très ambitieux, le projet s’inscrit dans un calendrier serré : le gouvernement anglais attend l’avis de la commission Davies qui doit statuer cette année sur la localisation d’un nouvel équipement ou sur l’extension d’un aéroport déjà existant. Pour Beckett et Rankine, toutes les autres solutions génèrent des inconvénients majeurs qui ne peuvent conduire les autorités qu’à choisir leur projet. Le contexte des trafics aéroportuaires britanniques est en effet tendu : Heathrow approche de la saturation. Si les tenants de la solution de Deal soutiennent que la classe politique ne veut pas de leur extension à cause de problèmes fonciers et urbains, ils oublient toutefois de préciser que Gatwick ou Stansted (spécialisés sur les vols low cost) sont sous-utilisés…
Quels avantages ? Il est vrai que certains aéroports sont proches de zones habitées et que leur extension engendrerait de profonds changements aux alentours, ce qui représenterait un risque électoral pour les hommes politiques… Mais les liaisons avec Londres sont courtes et rapides.
L’autre solution serait d’envisager la construction d’un aéroport à l’embouchure de la Tamise. Mais les objections environnementales sont légion. Sans oublier la présence de l’épave du porte-avion américain USS Montgomery qui contient toujours 1 400 tonnes de munition, avec les sérieux risques pour les décollages et les atterrissages que cela induit.
D’où les arguments avancés par les promoteurs du projet Deal : loin de la Tamise, hors des zones naturelles protégées, loin du rail du Détroit, pas de problèmes fonciers ni d’habitat… A priori, l’affaire paraît séduisante. Construit sur les bancs de sable au large de Deal, le nouvel équipement disposerait de quatre pistes, avec une possibilité d’extension à six pistes. Les promoteurs de ce projet défendent pareillement le rayonnement eurorégional de l’infrastructure : «Ce projet de 45 milliards d’euros permettra de promouvoir la coopération transfrontalière et de soutenir l’économie du Nord de la France.»
Coopération ou concurrence ? Mais les ports de Calais et de Dunkerque seraient probablement contrariés par l’émergence d’un concurrent qui voudrait aussi disposer d’un comptoir avancé à Calais. De même, les zones d’activité qui cherchent à se développer dans le Calaisis ne verraient pas d’un bon œil la naissance d’un pôle logistique pluridisciplinaire à 30 km de chez elles.
Pour l’heure, l’avis de la commission Davies donnera le top départ des projets sur le site retenu. En attendant, les promoteurs sont en campagne de communication. Et les explications données au public français à Calais n’ont pas toujours été suffisantes. En effet, les remarques ont fusé, notamment sur le budget nécessaire au projet, un budget situé «entre 45 et 50 milliards de livres sterling (65 milliards d’euros)» selon Tim Beckett qui compte en partie sur des subventions gouvernementales. En ces temps de disette et connaissant la réticence des politiques britanniques à financer les infrastructures, l’affaire devient une profession de foi. Les extensions de pistes sur des aéroports existants sont infiniment moins coûteuses. Le budget du projet aéroportuaire au large devrait aussi peser lourd en infrastructures connexes : tunnel d’accès ferroviaire et autoroutier, liaison avec le tunnel sous la Manche, portions d’autoroutes supplémentaires…