Trois mois de répit pour les transporteurs routiers
L’écotaxe poids-lourds, qui devait entrer en fonction au 1er octobre prochain, est reportée à janvier 2014. Les entreprises picardes dénoncent « une désorganisation totale du système » et sont « dubitatives » sur sa mise en place effective au début de l’année prochaine.
Pour Bertrand Caille, président de la Fédération nationale des transporteurs routiers (FNTR) Picardie, ce report était inéluctable. Il rappelle : « Cela fait très longtemps que nous le disons. Le système n’est pas prêt et il n’est pas opérationnel. Il y a un certain nombre d’anomalies et une désorganisation totale, car ce n’était pas bien préparé. » Et d’enfoncer le clou : « C’est un système qui n’est pas facile à faire fonctionner. Ce n’était pas forcément le bon choix d’avoir opté pour une telle usine à gaz et on aurait pu choisir une collecte de l’impôt meilleure, car dans ce qui a été choisi il y a une perte énorme, avec 25 % de la taxe prélevée qui va dans les frais de fonctionnement. On ne peut tout de même pas accepter n’importe quoi. En Allemagne, il y a de ça quelques années, on a mis en place le même type de collecte, avec un système moins compliqué, et la mise au point a pris un an et demi. On aurait pu utiliser en France quelque chose, qui serait rapidement opérationnel. » Pour autant, Bertrand Caille, le responsable régional des transporteurs, se veut pragmatique : « Le fait que ce soit reporté, c’est tant mieux, pour la trésorerie de nos entreprises et pour nos clients. Notre fédération souhaite respecter la loi, mais il faut du temps, pour s’organiser et s’équiper. C’est pourquoi nous incitons les entreprises à y aller le plus rapidement possible, car il faut compter entre 10 et 12 semaines, pour être prêt. Il y a énormément de documents à fournir et il faudra compter avec l’engorgement du côté d’Ecomouv [La société, qui a été choisie par l’Etat, pour mettre en place le dispositif informatique de collecte, ndlr]. C’est pourquoi, au sein de la fédération, nous organisons beaucoup de réunions de formation et d’information. C’est beaucoup plus compliqué pour les petites entreprises, car pour un groupe, comme la SA Caille, avec 250 salariés et 30 M€ de chiffre d’affaires, il y a une structure administrative pour faire face. Cela n’empêche pas tout le temps nécessaire à l’installation du matériel et à la formation du personnel. En particulier les conducteurs routiers, car ce sont eux, qui vont devoir paramétrer le matériel embarqué. »
Plusieurs reports
L’écotaxe poids-lourds, qui existe déjà en Allemagne, en Slovénie, en Autriche, en république Tchèque et en Suisse, a été votée dans la foulée du Grenelle de l’environnement. Elle était initialement prévue, pour entrer en application en 2011, avant d’être reportée à juillet 2013, puis octobre et enfin janvier 2014. Frédéric Cuvillier, le ministre des transports, qui a décidé de ce dernier report a estimé lui aussi que le dispositif légué par la majorité précédente est « une usine à gaz ». Tout en sous-entendant que la société Ecomouv n’aurait « pas suffisamment sécurisé le système de surveillance par satellite des camions français et étrangers ». D’autres voix estiment au niveau national que « la profession est hostile à une taxe, qui vise à entretenir les routes nationales et départementales, mais aussi à financer le ferroutage et le transport fluvial. Il y aurait donc un boycott rampant de la mesure, en présentant des dossiers incomplets ou mal-remplis ». Une position que réfutent les organisations professionnelles. Ainsi Bertrand Caille : « Le transport routier est déjà le premier souscripteur pour les charges écologiques. Nous souhaitons appliquer la loi, mais on ne peut pas accepter n’importe quoi. Nous incitons les entreprises à faire leurs démarches rapidement et avons mis en place un guide des procédures pour les aider. Celui-ci est actuellement en cours de réactualisation du fait du report et sera bientôt disponible auprès de nos services. » Les autres victimes collatérales de ce report, ce sont les collectivités locales, car l’écotaxe doit rapporter environ 1,2 milliards d’euros par an et 160 000 € leur sont destinés. La répartition du reste a été définie comme suit : 810 000 euros à l’Etat, qui a prévu d’en affecter 770 000 à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) et 230 000 € , pour les frais de collecte.