Tribunal judiciaire d’Arras : une audience solennelle de rentrée particulière

La récente audience solennelle de rentrée du tribunal judiciaire d’Arras a permis à Nicolas Houx, président du tribunal, et André Lourdelle, procureur de la République, de présenter le bilan de l’année écoulée et d’exposer leurs actions et résultats dans un contexte sanitaire difficile.


Le procureur de la République, André Lourdelle, lors de son intervention.
Le procureur de la République, André Lourdelle, lors de son intervention.

Les interventions se sont déroulées devant quelques «officiels», dont Louis Le Franc, préfet du Pas-de-Calais, Fréderic Leturque, maire et président de la communauté urbaine d’Arras, et Laurence Vandermersch, nouvelle bâtonnière de l’ordre des avocats d’Arras. Nous avons extrait quelques interventions.

Un hommage du procureur aux acteurs de la justice

Avec beaucoup d’humour, le procureur a rendu un vibrant hommage à tous les acteurs au service de la justice. 

«Nous ne pouvons pas faire fi des douze mois écoulés et des trésors d'inventivité déployés et de l'engagement de chacun qu'il a fallu mobiliser. Forces de sécurité intérieure sollicitées pour le respect des mesures sanitaires et qui, en parallèle, ont répondu présent pour assurer une vigilance continue pour détecter les drames potentiellement cachés derrière les portes closes par le confinement. Avocats qui se sont mobilisés pour mettre en place dans l'urgence des outils de communication afin de tenir des audiences virtuelles et assurer les permanences pénales. Magistrats, greffiers et fonctionnaires de notre juridiction qui ont tous, à distance, contribué à faire tourner la boutique. Chaque événement exceptionnel met en lumière des personnes restées jusqu'alors dans l'ombre. Dans le cadre de nos comités de gestion de crise, nous avions, avec le président, le directeur de greffe et ses adjoints, prévu la mise en œuvre du plan de continuité d'activité de la juridiction.»

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Laurence Vandermersch, nouveau bâtonnier de l’ordre des avocats d’Arras, au côté de Didier Robiquet, son prédécesseur.


Des satisfactions… malgré tout

Grande satisfaction pour l’institution, le dispositif du «home des Rosati» mis en œuvre par le tribunal, pionnier dans le domaine de la lutte contre les violences intrafamiliales, sera désormais dupliqué dans chaque département et a été retenu logiquement dans l'appel à projets pour le Pas-de-Calais. 

Pour compléter, une convention pour le développement du bracelet anti-rapprochement a été finalisée, et vient, avec le "téléphone grave danger", étoffer les outils disponibles pour protéger les victimes. La signature, le 13 janvier dernier, d’une convention sur le recueil des plaintes au Centre hospitalier d'Arras, fruit d'un an d'échanges et de travail en commun, permet dès le stade des urgences de lancer la procédure judiciaire et le processus de mise à l'abri.

André Lourdelle fait un point du chantier de la dématérialisation : «Partis de loin, nous nous sommes engagés dans ce projet 'My Huis' sur la transmission par voie dématérialisée des citations et des significations, qui donne toute satisfaction.»

Avant de conclure son propos, le procureur a évoqué la réforme de la justice pénale des mineurs qui devrait entrer en application au 1er avril prochain. «Ce changement fondamental de la procédure nécessite, pour partir sur de bonnes bases, que le stock des affaires à juger à cette date soit le moins élevé possible et que des outils soient créés pour permettre l'enclenchement rapide des nouvelles procédures. Ce chantier, comme les précédents, nécessite la mise en place d'instances de concertation réunissant magistrats du siège et du parquet, greffiers, fonctionnaires.»

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Nicolas Houx, président du tribunal, lors de sa présentation des résultats de l’année judicaire écoulée.

Quelques extraits de la présentation de l’activité 2020

C’est également avec humour que Nicolas Houx a accueilli quelques invités, satisfait de la présence du préfet, «qui aurait pu rencontrer les 28 magistrats et des 72 fonctionnaires qui composent cette juridiction», et de madame le bâtonnier Laurence Vandermersch, qui représente la communauté des 102 avocats du barreau d’Arras.

Le travail judiciaire a été assuré avec un taux de couverture pour l’activité civile de 107%, «permettant de sortir plus de dossiers que ceux dont nous avons été saisis, et baissant par là même le nombre de dossiers en attente de jugement».

Un satisfecit est adressé aux magistrats du pôle social «qui n’ont eu de cesse, depuis plus de trois ans, de réduire un stock de dossiers en attente, et qui, pour le seul contentieux relevant du tribunal des affaires de sécurité sociale, ont fait passer le stock de 3 401 dossiers au 1er janvier 2018 à 1 819 au 1er janvier 2021, tout en faisant face au flux du nouveau contentieux de l’incapacité pris en charge».

Les magistrats des affaires familiales ont été attentifs à répondre aux situations d’urgence. «L’équipe a permis l’essor des accords parentaux, soutenus par une procédure de tentative de médiation familiale préalable incitative assurée par nos partenaires de l’UDAF et de l’EPDEF, et qui a permis en 2020 de réaliser 107 accords, soit l’équivalent de 5 à 6 audiences complètes hors ou après divorce.»

L’activité des juges d’application des peines pour la gestion du milieu fermé n’a pas faibli pendant la période de confinement. 
«De nombreuses ordonnances de réductions de peines supplémentaires, 123 pour le centre de détention de Bapaume et 155 pour la maison d’arrêt d’Arras, réservées aux profils des détenus les moins dangereux, ont permis au plus fort de la crise sanitaire d’éviter de provoquer une crise carcérale

Les juges correctionnels et d’instruction ainsi que leurs collègues du parquet se sont mobilisés en permanence durant 2020 pour faire cesser au plus vite les agissements les plus répréhensibles des concitoyens. Plus de 151 procédures de comparution immédiate ont été jugées contre 101 en 2019. «Si on ne peut, bien sûr, s’en réjouir, cela traduit toutefois l’efficience de la réponse judiciaire face aux faits les plus graves, avec le souhait d’une réponse rapide pour protéger les victimes

Les juges des enfants ont poursuivi leur activité difficilement ajournable alors que la situation d’un mineur en assistance éducative ou au pénal devenait ou restait préoccupante.

Il leur a également fallu préparer la réforme du Code pénal des mineurs, initialement prévue en octobre 2020, heureusement repoussée en avril 2021, voire peut-être en septembre 2021. «Il convient à cet effet de souligner que le service du TPE d’Arras s’est préparé à accueillir la réforme annoncée, en portant un effort sans précédent sur les audiences pénales de cabinet à la faveur de la création du troisième poste de juge des enfants

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Le procureur de la République, André Lourdelle, lors de son intervention.

Et l’avenir

Après la présentation de l’activité 2020, le président délivre un message pour l’avenir. 

«Nous devons désormais regarder vers l’avenir, avec cet espoir que le plus difficile soit passé et que nous saurons tous, à notre niveau, aborder une nouvelle période avec les enseignements que nous aurons pu tirer de cette crise.»

Il rappelle la prochaine mise en place d’un nouveau cadre pénal pour les mineurs délinquants et l’intérêt de faire le lien entre une société en crise et ces mineurs, «dont on entend dire qu’ils sont également parfois en crise. On peut penser que, quelle que soit la gravité des faits commis par un mineur, les passages à l’acte délinquant sont les expressions les plus révélatrices des situations de danger dans lesquelles ces mêmes mineurs se trouvent enfermés». 

C’est un appel à la vigilance, «pour que la crise sanitaire et sans doute sociale ne conduise pas certains mineurs, moins aidés que d’autres, vers une pente délinquante qui sera d’autant plus difficile à infléchir que notre société ne sera pas en mesure de leur offrir une alternative épanouissante dans laquelle ils peuvent se projeter».

Le président du tribunal a terminé son propos en évoquant Platon, figure philosophique incontournable, qui représentait la vie sous la forme d’un cercle et illustrait le fait que les deux points extrêmes de la naissance et de la mort finissaient par se rejoindre. «C’est peut-être cette image, finalement, qui doit conduire les adultes à avoir l’ambition de cette jeunesse de laquelle ils s’éloignent, tout en s’en rapprochant un peu plus chaque jour.»