Travaux publics : «Il faut que la commande publique reprenne une dynamique»
Touchée par la crise sanitaire, la branche des travaux publics est prête à travailler. Dans les Hauts-de-France, même si l'activité a repris, celle-ci subit la baisse des appels d'offres et des commandes publiques. Bernard Duhamel, président de la FRTP, alerte sur son avenir si les communes et les agglomérations ne retrouvent pas leur dynamique.
C'était en mars 2020. Premier confinement, premier arrêt brutal des chantiers. Un choc national d'un point de vue sanitaire, social et économique. Un mois et demi après, la France se déconfine peu à peu ; les travaux publics, dans la région, enregistrent une perte de 12,5% de l'activité... qui ne sera jamais récupérée.
«Nous ne stockons pas, ce qui est perdu est perdu, explique Bernard Duhamel, président de la Fédération régionale des travaux publics. Avant la crise, les professionnels possédaient un carnet de commandes de six mois. Aujourd'hui, il est plutôt passé à quatre ou cinq mois.»
De surcroît, durant ce premier confinement, les protocoles sanitaires n'étaient pas encore au point, ce qui a suscité un long débat, avec un appel au Gouvernement pour sécuriser la profession. Un appel entendu quelques semaines après, qui ont suffi à faire stagner le secteur, quitte à le mettre en péril.
Un an après, les professionnels ont sécurisé l'activité pour rassurer les collaborateurs qui travaillent désormais dans des conditions sanitaires strictes. L'activité dans son ensemble a repris. Mais si le chômage partiel permet encore d'oxygéner les entreprises, ces dernières n'en restent pas moins fragilisées.
«Les PGE et l'activité partielle ont permis aux entreprises de garder la tête hors de l'eau, analyse le président régional. Nous sommes prêts à travailler, les entreprises sont prêtes, mais le problème est la baisse de la commande publique qui ne permet pas de redynamiser l'activité. Oui, nous n'enregistrons pas de fermetures d'entreprises, c'est une bonne nouvelle, mais l'activité stagne, et ce n'est pas rassurant pour l'avenir du secteur et pour le dynamisme des territoires.»
En effet, cette baisse n'est pas anecdotique : en 2020, les appels d'offres ont baissé de 24% et les commandes des intercommunalités, de 40% au dernier trimestre. «En 2020, la situation s'expliquait, mais c'était il y a un an. Il est temps de reprendre une certaine dynamique pour retrouver des niveaux de commandes d’avant la crise. Si en 2021 la dynamique ne reprend pas, on va hypothéquer l'avenir du secteur», s'inquiète Bernard Duhamel.
Le message du président régional des travaux publics est clair : il faut que les communes et les agglomérations reprennent leurs chantiers. «Les Départements, les opérateurs privés, les partenaires sociaux, mais aussi les chefs d'entreprise et les collaborateurs ont joué le jeu. Il y a eu une grande solidarité pour que l'on continue à travailler et je leur rends hommage, continue-t-il. Il faut aujourd'hui que les pouvoirs publics se mobilisent.» Dans les Hauts-de-France, les commandes publiques représentent deux tiers des carnets de commandes.
Un secteur en danger ?
Début 2021, un paradoxe interpelle : «Il y a de l'argent, les entreprises sont prêtes et veulent travailler, mais les commandes ne reprennent pas. Il est préférable, à mon sens, d'utiliser l'argent à entreprendre des travaux plutôt que d’indemniser nos collaborateurs à ne pas travailler. Au-delà de l'impact, les travaux à prévoir dans les communes devront être faits et peut-être qu'ils coûteront plus cher car nous ferons du curatif plutôt que du préventif.»
Pour Bernard Duhamel, l'avenir de la branche se joue cette année. Alors qu'avant la crise les travaux publics enregistraient une dynamique «sur le long terme» - notamment avec une hausse de l'activité, le renouvellement des générations avec l'embauche de jeunes –, cette courbe positive est aujourd'hui en péril. «Il faut se dire que nous faisons beaucoup d'insertion et que nous prenons beaucoup d'apprentis, souligne Bernard Duhamel. Quand un maillon est défaillant, cette défaillance se répercute sur l'ensemble des activités, et les intérimaires paient ce prix en premier.»
Là est tout l'enjeu : en 2020, le taux concernant les intérimaires est de 8,4%, contre 13,4% en 2019. Une baisse significative qui pointe du doigt un possible engrenage : «Il y aura moins d’intérimaires, moins de jeunes, moins d'embauches aussi, et donc moins de formations et nous n'allons plus attirer des profils vers nos métiers. J'ai peur que la génération 2020/2021 soit sacrifiée...»
Sans oublier les compétences locales : «Le canal Seine-Nord est une véritable opportunité pour tous nos collaborateurs et ce serait dommage de faire appel à des compétences extérieures au territoire et de perdre les professionnels locaux», prévient Bernard Duhamel.