Trafic d'influence au profit de LVMH: le procès de Bernard Squarcini s'est ouvert à Paris

Le procès de l'ex-patron du renseignement intérieur Bernard Squarcini, soupçonné d'avoir profité de ses réseaux policiers pour obtenir informations confidentielles et privilèges au bénéfice d'intérêts privés, notamment du PDG de LVMH, s'est ouvert mercredi à...

 © Kadir DEMIR
© Kadir DEMIR

Le procès de l'ex-patron du renseignement intérieur Bernard Squarcini, soupçonné d'avoir profité de ses réseaux policiers pour obtenir informations confidentielles et privilèges au bénéfice d'intérêts privés, notamment du PDG de LVMH, s'est ouvert mercredi à Paris, débutant par l'examen de questions procédurales.

Aux côtés de celui qui est surnommé "le Squale" sont jugés neuf autres hommes, soupçonnés d'avoir répondu à des demandes de M. Squarcini, dont le préfet Pierre Lieutaud, à l'époque numéro 2 du Coordinateur national du renseignement, et Laurent Marcadier, ex-magistrat de la cour d'appel de Paris. 

Tous contestent les faits.

L'ex-directeur central du renseignement intérieur (DCRI, devenue DGSI) comparaît devant le tribunal correctionnel jusqu'au 29 novembre pour 11 infractions allant du trafic d'influence passif au détournement de fonds publics, en passant par la compromission du secret de la défense nationale, le faux en écriture publique ou encore la complicité de violation du secret professionnel.

Dans ce dossier à tiroirs, il est soupçonné d'avoir mis à profit ses relations au sein du renseignement et de la police afin d'obtenir des informations pour le compte d'intérêts privés - en particulier pour le patron du groupe de luxe LVMH, Bernard Arnault.

Et ce, aussi bien sur la période où il était patron de la DCRI (2008-2012) qu'après sa reconversion dans le privé en 2012.

Évincé par François Hollande qui le jugeait trop proche de Nicolas Sarkozy, l'ancien maître-espion était devenu patron d'une société de conseil en intelligence économique baptisée Kyrnos qui travaillait essentiellement avec LVMH.

Les juges d'instruction ont distingué quatre volets dans leurs investigations: parmi eux, la tentative d'identification en 2008, par les policiers de la DCRI, de l'auteur d'une tentative de chantage privé au préjudice de Bernard Arnault, dénoncée par un policier qui s'est porté partie civile dans le dossier.

Autre volet: le rocambolesque espionnage de François Ruffin et de son journal Fakir, entre 2013 et 2016.

Le journaliste, qui tournait "Merci Patron", film satirique sur le leader mondial du luxe récompensé en 2017 du César du meilleur documentaire, inquiétait le groupe car il projetait de perturber des assemblées générales de la multinationale.

M. Ruffin, devenu depuis député, et ses avocats ont regretté lors d'une conférence de presse mardi l'absence du groupe LVMH sur le banc des prévenus, évoquant "un procès amputé de la tête".

Le groupe n'est en effet pas renvoyé devant le tribunal puisqu'il a bénéficié à la fin de l'année 2021 d'une convention judiciaire d'intérêt public, négociée avec le parquet, pour éviter les poursuites.

Bernard Arnault cité comme témoin

"Sur le banc des accusés, (...) il nous manque un Bernard", a redit juste avant l'audience mercredi M. Ruffin. "Il nous manque le donneur d'ordre, les dirigeants de LVMH, qui sont ceux qui ont demandé à Bernard Squarcini et à ses sous-traitants d'infiltrer le journal Fakir".

La défense du député a dans ce contexte cité M. Arnault à comparaître comme témoin au procès. En début d'audience, le président du tribunal Benjamin Blanchet a indiqué avoir échangé avec l'avocate du dirigeant de LVMH, qui a assuré qu'il "entendait se présenter". Le président a dès lors réservé la matinée du 28 novembre pour son audition.

L'audience s'est poursuivie par l'examen de questions procédurales, l'avocat de l'un des prévenus ayant demandé de disjoindre le volet concernant l'espionnage de M. Ruffin pour le juger à part, arguant qu'il n'y avait "aucune unité" ni de "temps", ni de "lieu", et une "base légale totalement différente". Cette demande a été rejetée.

La défense de M. Squarcini a ensuite demandé que cette affaire soit renvoyée à la formation du Conseil d'Etat spécialement habilitée à juger les affaires relevant du secret défense.

"On ne vous demande rien de moins que de juger un service régalien de l’Etat, de juger son fonctionnement, pour savoir si ses process, son fonctionnement, ses usages, c’est compatible avec le code de procédure pénale", a lancé Me Marie-Alix Canu-Bernard, estimant que le Conseil d'Etat était la seule "autorité légitime" dans ce dossier.

Le tribunal a également rejeté cette demande.

36M92FH