Tendance blogs, en Picardie aussi
On en en compte plus de 200 millions dans le monde, et entre 15 et 20 millions en France. Les blogs ont envahi la toile : déco, cuisine, mode, voyages… Les blogueurs partagent avec les internautes leurs passions, hobbies, humeurs et coups de cœur. Même si le phénomène s’est semble-t-il un peu essoufflé, la tendance blog continue à exister via les réseaux sociaux. Et dans la région.
Les chiffres donnent le tournis : en 2013, 3 millions de nouveaux blogs étaient créés chaque mois et 2,5 millions d’articles postés en France par jour. 45% des internautes y tiendraient un blog, soit 18 millions de personnes. Les hommes succombent autant que les femmes à la tentation du blog. Ils ont pour la plupart entre 25 et 34 ans, et 68% d’entre eux deviennent blogueurs parallèlement à leur activité professionnelle. Des blogueurs assidus – plus de 72% d’entre eux tiennent leur blog depuis plus de trois ans – et recherchent avant tout le partage avec leur lecteur, même s’ils sont pour les plus influents approchés par les marques. La Picardie n’échappe pas à cette tendance : politique, journalistes, musiciens, quidams… les blogs sont aussi variés que nombreux et séduisent aussi les institutionnels. Le Comité régional de tourisme (CRT) de Picardie a lancé son blog Les carnetiers picards en 2010. L’idée née d’une rencontre avec des homologues canadiens était simple : à mi-chemin entre le journalisme touristique et le guide traditionnel, les trois carnetiers partageaient avec les internautes leurs découvertes régionales.
Les limites du blog « Cela répondait à l’époque à une attente des clients, dont le comportement avait changé face au tourisme, se souvient Isabelle Thellier, directrice adjointe du CRT et rédactrice en chef du magazine Esprit de Picardie. Nous avons voulu avec ce blog emmener les clients dans l’univers de notre marque, avec des vidéos et en usant du story stelling [ndlr, art de vendre en racontant des histoires] pour le faire vibrer. » Et si Isabelle Thellier parle au passé, c’est que le blog s’est arrêté début 2016, « rapidement, en 2014-2015, la fréquentation a diminué, les clients avaient de nouveau d’autres attentes, et nous sommes passés au story sharing, les habitants se muent en experts et délivrent leur expérience. Ce qui apporte plus de légitimité aux propos pour le client, rassuré sur l’objectivité des habitants-experts. Avec le blog il pouvait être amené à penser que nous étions juge et partie », analyse Isabelle Thellier. Ancien carnetier, Rémi Feuillette a lui rejoint les équipes du CRT de Picardie, pour filmer des vidéos plus immersives et courtes – quelques secondes – avec un son naturel « aidant l’internaute à se projeter dans l’expérience », estime la directrice adjointe pour qui l’arrêt du blog a permis « de lever les freins inhérents à ce type de communication, en l’occurrence l’approche des annonceurs. Les blogs peuvent perdurer s’ils conservent leur indépendance et reflètent la personnalité de celle ou celui qui le tient, une fois “acheté” par un annonceur, le blogueur peut être soupçonné par les lecteurs d’être devenu un influenceur, et c’est à ce moment que l’audience du blog risque de s’essouffler, quand le lecteur commence à douter… » Un avis que partage Rémi Feuillette qui avant de devenir un des blogueurs du CRT pratiquait la vidéo en amateur, pour son plaisir. « L’idée de départ consistait à apporter une touche d’originalité dans le traitement des sujets. Au début les gens s’identifiaient, ils aimaient ce côté authentique », explique l’ex-carnetier versé dans les activités de plein air qui rejoint Isabelle Thellier : « Les attentes ont évolué, les clients recherchaient plus de légitimité, moins d’institutionnel… » Rémi Feuillette continue de son côté à tenir son blog personnel, « de façon moins assidue », reconnaît-il « d’autres formes de communication comme instagram prennent de plus en plus de place, mais mon blog me permet de partager mes vidéos et mes photos. »
Quand les blogueurs se rencontrent S’il y a un secteur toujours goûté en revanche des internautes et qui essaime sur la toile, c’est sans conteste celui de la cuisine. Les blogueurs culinaires peuvent depuis quelques années déjà se rencontrer physiquement et échanger entre eux grâce au Salon du blog culinaire de Soissons dont ce sera en novembre prochain (le 3e week-end) la neuvième édition. Initié par le chef Damien (chef du site culinaire 750 grammes – leader du secteur – qui a fait ses classes au lycée hôtelier de Soissons), le Salon est considéré comme un événement phare de la blogosphère culinaire, et réunit à chaque édition plus de 450 blogueurs. « Le Salon a été monté à la demande des blogueurs, raconte Vincent Lefrant chef de projet événementiel à 750 grammes. Lors de la première édition, ils étaient 40, puis la participation a augmenté de façon exponentielle, pour dépasser les 400 participants l’an passé. » 80% des blogueurs viennent de toute la France, les autres des pays limitrophes et du Canada. Et si l’événement rassemble c’est que les organisateurs ont tout de suite mis les petits plats dans les grands : démonstrations en direct diffusées sur écran géant, présence de chefs et blogueurs reconnus, travail avec les étudiants du lycée hôtelier de Soissons (où se déroule le Salon) qui met à disposition le matériel. « C’est l’occasion de saisir les tendances culinaires du moment, les blogueurs font découvrir leurs spécialités, et sont fidèles à l’événement, ils ont la possibilité d’inviter une personne à les accompagner, sur ces deux jours, 800 personnes arpentent au total le Salon », explique Vincent Lefrant. Depuis 2012, le Salon s’est ouvert au grand public, au sein de l’abbaye SaintLéger de Soissons, transformée pour l’occasion en cuisine géante où les novices peuvent s’essayer à l’art culinaire grâce aux divers ateliers. « C’est un énorme succès, assure le chef de projet. On enregistre chaque année entre 3 500 et 4 000 visiteurs, l’engouement des débuts ne s’est pas démenti. Nous innovons à chaque édition, l’an dernier le chef Yves Candeborde [ndlr, un des membres du jury de l’émission Master chef] est venu faire une démonstration d’une heure devant 200 personnes, aidé par des blogueurs, au centre culturel de Soissons, et a échangé durant 30 minutes avec le public. Une dizaine de producteurs locaux étaient aussi présents sur le marché gourmand. » Chloé Ottini a elle décidé de faire partager ses excursions. Cette jeune institutrice de l’Aisne a débuté son blog au nom évocateur – My sweet escape – en 2012. « J’avais pas mal voyagé en Europe, je postais mes photos sur mon compte Facebook et mes amis me demandaient régulièrement des conseils », sourit-elle. Il n’en fallait pas plus pour qu’elle décide de créer un blog, non sans quelques difficultés au début : « La partie technique et la gestion de la plate-forme ne sont pas forcément évidentes, même encore parfois maintenant », avoue-t-elle. Sur son blog, elle poste des clichés de ses périples agrémentés de commentaires, quelques recettes de cuisine, publie des polaroïds de ses randonnées… « Pour être vu, il faut être présent sur d’autres réseaux sociaux et plates-formes que le seul blog, et être constant. Pour être efficace et pertinent, il faut que le blog fasse partie du quotidien, ce qui prend beaucoup de temps, mais ça reste un plaisir », analyse Chloé Ottini dont le blog est devenu au fil du temps une histoire de couple, son compagnon postant photos et commentaires sur les ÉtatsUnis. Les principales qualités requises selon elle pour devenir, et rester, un bon blogueur ? « Être honnête, sinon il n’y a aucun intérêt à avoir un blog, lire celui des autres pour échanger, et répondre aux mails. »
Amélie PÉROZ